Abstract
La philosophie de lโhistoire, science ancienne et nouvelle ร la fois, se propose de dรฉcouvrir les fois qui dirigent lโhistoire humaine. Le Coran nous livre des idรฉes et des lois fixes relatives ร ce domaine. En les rassemblant, nous pouvons รฉlaborer une conception de lโhistoire particuliรจre et spรฉcifique au coran.
Pour comprendre et expliquer lโhistoire, les savants modernes se sont partagรฉs entre trois orientations que nous essaierons de dรฉcrire avant de nous consacrer ร la conception coranique elle-mรชme.
La premiรจre orientation nie la possibilitรฉ de comprendre et dโexpliquer lโhistoire ร partir du principe de la causalitรฉ elle rรฉfute lโexistence dโune dรฉterminisme dans lโhistoire qui soit aussi puissant et รฉvident que dans les sciences physiques et mรฉcaniques, par exemple. Les adeptes de cette orientation font intervenir la volontรฉ humaine dans la scรจne de lโhistoire, รฉtant donnรฉ quโelle jouit de la libertรฉ de dรฉcision et de choix, ce qui dรฉtruit le rรดle de la causalitรฉ et diminue la place du dรฉterminisme dans le cours de lโhistoire.
Ils nient la relation de cause ร effet dans le mouvement de lโhistoire et pensent que le fait historique, civilisationnel ou social ne peut รชtre rรฉgit par la loi de la causalitรฉ de la mรชme maniรจre que ces lois rรจglent le monde de la matiรจre. En physique, par exemple, la gรฉnรฉralisation des rรฉsultats des expรฉriences faites dans les mรชmes conditions et possible, ce qui nous permet de dรฉgager les lois fixes. Mais dans le domaine des faits civilisationnels, de la sociรฉtรฉ de lโhistoire, de la foie de la causalitรฉ ne peut รชtre aussi dรฉterminante car la prรฉsence de lโรฉlรฉment humain, du libre arbitre, de la capacitรฉ de choix et de dรฉcision qui le caractรฉrise affaiblit la loi de la causalitรฉ et dรฉmunie son rรดle dans le processus historique. Nous ne pouvons pas comprendre lโhistoire aussi clairement que nous comprenons les lois physiques et nous ne pouvons pas prรฉdire lโavenir, ni dรฉcouvrir les phรฉnomรจnes obscurs de lโhistoire en sโappuyant sur la loi de la causalitรฉ, car lโhistoire est une vaste รฉtendue oรน sโexercent la volontรฉ et les dรฉcisions de lโรชtre humain en mouvement. Lโhistoire a donc un caractรจre particulier et spรฉcifique.
K. Popper, dans Misรจre de lโhistoricisme (tr. Fr. 1956) rejette le dรฉterminisme de lโhistoire et nie que les faits historiques puissent รชtre prรฉvus aussi prรฉcisรฉment que les phรฉnomรจnes physiques. Quant ร E. H. Carr, il critique les thรฉories historicistes de Toynbee et Splenger qui รฉtendent le dรฉterminisme des sciences expรฉrimentales aux faits historiques, car il pense que les lois physiques sont dรฉpourvues des รฉlรฉments qui caractรฉrisent lโhistoire, tels que les sentiments, la volontรฉ etc.โฆ
En bref, ce courant rรฉfute le principe de la causalitรฉ dans lโhistoire et รฉcartรฉ toute comparaison entre dโune part le dรฉterminisme qui rรฉgit les sciences expรฉrimentales et dโautres part, le cours de lโhistoire livrรฉ aux alรฉas de la volontรฉ, des sentiments et des complexitรฉs humaines.
1) La deuxiรจme orientation explique les รฉvรฉnements historiques de la mรชme maniรจre que le scientifique explique les phรฉnomรจnes physiques. Les adeptes de cette orientation pensent que le dรฉterminisme gouverne lโhistoire de la mรชme faรงon quโil gouverne le monde physique, avec la mรชme force et la mรชme รฉvidence. Pour eux, le mouvement de lโhistoire nโรฉchappe pas aux lois de la causalitรฉ qui dรฉfinissent le monde physique, car il est rรฉgi comme tout appareilย mรฉcanique,ย mis ร part que les lois qui leย gouvernent agissent sur le plan social et historique et non dans le domaine mรฉcanique.
Dans cette conception, le facteur humain est absent, ni sa volontรฉ ni sa libertรฉ, ni son libre-arbitre ne sont prit en compte. Lโรชtre humain, dirigรฉ par des loi fixes rรฉagit mรฉcaniquement et involontairement dans le cadre de cet univers.
Parmi les adeptes de ce courant, on cite Montesquieu, lโauteurย de lโEsprit des lois, et Toynbee. Pour eux une relation solide enchaรฎne le prรฉsent au passรฉ et lโeffet ร la cause .Montesquieu dit, dansย Lโesprit des lois,ย avoir notรฉ que lโhistoire nโest que donnรฉes et consรฉquences de fondements de lois. Commentant cette conception, E. H. Carr dit quโร partir de cette vision, lโavenir peut รชtre prรฉdit, ainsi que le processus historique. Le marxisme aussi envisage lโhistoire comme รฉtant rรฉgie par les lois et notamment celle de la contradiction et de la lutte des classes. Marx a dโailleurs dรฉfini les cinq รฉtapes de lโhistoire humaine ร partir de cette conception.
Quelle que soient les lois qui dรฉterminent la marche de lโhistoire, elle est, au regard de ce courant, ordonnรฉe par la loi de la causalitรฉ. Cโest lโรฉcole historiciste de Splenger. Parmi ceux qui prรดnent cette conception de lโhistoire et qui croient en puissance de la sociรฉtรฉ pour dรฉcider de la vie de lโindividu, incapable dโรฉchapper ร son emprise, se trouve le cรฉlรจbre sociologue E. Durkheim.ย Sa thรฉorie de la contrainte sociale explique que la pression exercรฉe par la sociรฉtรฉ sur ses membres imprรจgne leurs esprit leur perceptions, leurs sentiments et leurs idรฉes.
Pour lui, la sociรฉtรฉ faite partie de la nature, les sciences sociales doivent donc se soumettent aux sciences naturelles. De mรชme, les fait sociaux ne sont que des choses, totalement indรฉpendant des รชtres humains, qui peuvent รชtre รฉtudiรฉes telles quelles sans faire intervenir lโรฉlรฉment humain. Sa thรฉorie se base sur le principe de la contrainte sociale cโest-ร -dire que lโindividu, dรจs sa naissance, vit dans une sociรฉtรฉ dont les traits, lโorganisation et la nature sont arrรชtรฉs. Lโindividu nโa aucun rรดle dans la dรฉfinition de sa sociรฉtรฉ. Au contraire, cโest la sociรฉtรฉ elle-mรชme qui modรจle sa vie, lโindividu nโest quโune infinie partie dโun tout quโon ne peut comprendre en รฉtudiant ses parties. Tout comme on ne peut รฉtudier les propriรฉtรฉs de lโeau, qui a ses propres trait en รฉtudiant chacune des caractรฉristiques de ses composants chimiques.
Les thรฉories dรฉterministes dรฉvalorisent la considรฉration portรฉ ร lโรชtre humain et nient son rรดle en tant quโacteur de lโhistoireย ; lโhistoire, la civilisation et la sociรฉtรฉ sont soumises ร des lois, indรฉpendantes de la volontรฉ humaine, elles se comportent en entitรฉs qui exercent une influence sur la mentalitรฉ des humains, leur morale, leur coutumes, leurs cultures et leurs doctrines.
Cette conception supprime le rรดle de la volontรฉ humaine dans lโhistoire et la sociรฉtรฉ alors que la premiรจre orientation exagรจre son rรดle ร tel point que lโhistoire devient entiรจrement dรฉpendante des divers facteurs humains.
3) La troisiรจme orientation reconnaรฎt ร la fois le rรดle de la volontรฉ humaine et le dรฉterminisme dans le processus historique. Les adeptes de cette orientation pensent que nous pouvons comprendre lโhistoire ร partir de ces deux facteurs ร la fois, mais ils ne prennent pas en compte le rรดle de la providence divine dans le cours de lโhistoire. Ils considรจrent que lโhistoire est la rรฉsultante des efforts humains et de la loi de la causalitรฉ. Lโรชtre humain peut orienter, de ce fait le dรฉterminisme dans un sens ou sens ou un autre, รฉtant lโacteur, principal du mouvement de lโhistoire. Mรชme si les adeptes de ce courant croient, dโune maniรจre ou dโune autre, en Dieu le Tout-puissant et considรจrent quโIl a crรฉรฉ lโUnivers, ils nient cependant Sa prรฉsence en tant quโAuteur principal et fondamental de lโhistoire. Il sโagit de la conception juive que le Coran rapporte en ces termesย ยซย La main de Dieu est fermรฉeย ยป disent les juifsย ยป .
(Al-Maโida, 5ย :64)
Il sโagit lร des trois principales doctrines matรฉrialistes contemporaines qui ont envisagรฉ dโexpliquer lโhistoire.
La Conception Coranique
Le Coran nโest pas un ouvrage qui a pour objet dโรฉtudier et dโexpliquer les questions philosophiques et historiques. Il sโagit dโun Livre de prรฉdication, de guidance et de lรฉgislation. Nous pouvons quand mรชme dรฉgager, en lisant ses versets, les fondements gรฉnรฉraux de sa conception de lโhistoire.
Dans lโIslam, lโhistoire est รฉvaluรฉe ร partir de trois critรจres et non deux car nous pouvons expliquer son mouvement seulement sur la base du dรฉterminisme et sur celle de la vision volontariste, sansย accorder une place ร la Volontรฉ et ร la Providence divines. En rรฉalitรฉ, lโhistoire est dirigรฉe par trois facteursย :
1 – la loi de la causalitรฉ
2 – le libre-arbitre humain
3 – la Providence divine que nous dรฉtaillerons dans ce qui suit.
1- Causalitรฉ et dรฉterminismeย : les dรฉcrets divins
La vie sociale, la civilisation humaine et lโhistoire ne sont pas des phรฉnomรจnes insolites dans lโUnivers. Nous ne pouvons rien exclure de cet univers qui ne soit soumis ร la loi de la causalitรฉ. Les rรฉsultats de cette loi sont toujours dรฉterminรฉs et gรฉnรฉralisรฉs ร tous les รฉtats identiques. Ils se rรฉpรจtent indรฉfiniment chaque fois que les causes et les conditions sont identiques.ย Ce qui signifie que tous les fondements du principe de la causalitรฉ (dรฉterminisme, gรฉnรฉralisation et similitude) jouent un rรดle dans le domaine civilisationnel et historique comme dans les domaines matรฉriels.
Le phรฉnomรจne civilisationnel est soumis aux mรชmes lois que les phรฉnomรจnes matรฉriels. La loi de la causalitรฉ nโadmet aucune exceptionย ; aucune faille ni dรฉrรจglement ne peuvent surgir dans lโapplication de cette loi sur la sociรฉtรฉ ou autre organisation de lโUnivers. La vie sociale et lโhistoire suivent leurs cours en fonction de cette loi prรฉcise, aussi exacte que celle qui rรฉgit le monde physique.
Les รฉvรฉnement sociaux, quโils soient importants ou minimes, les coups dโEtat ou les rรฉvolutions, la stagnation ou le mouvement, lโรฉchec ou le succรจs, la victoire ou la dรฉfaite, le savoir ou lโignorance, la richesse ou la pauvretรฉ, la force ou la faiblesse, la dรฉchรฉance et la dรฉcadence, la naissance et le dรฉveloppement des civilisations sont tous des phรฉnomรจnes non spontanรฉs du mouvement social. Ils sont les manifestations des lois et des dรฉcrets divins fixes, tout comme le prรฉsent est la consรฉquence inรฉluctable du passรฉ. La civilisation humaine, qui se dรฉroule tout au long du temps, ne peut รชtre dรฉsagrรฉgรฉe en plusieurs faits sรฉparรฉs les uns des autres, toute partie est reliรฉe ร la prรฉcรฉdente et ร la suivante par des liens fermes, toute partie est la rรฉsultante de la prรฉcรฉdente et forme la matiรจre pour dรฉfinir la suivante. Ainsi les civilisations humaines qui ont jalonnรฉ lโhistoire ne sont pas de sรฉquences entrecoupรฉes et dรฉsarticulรฉe, lesย sรฉquences contemporaines ne sont pas รฉtrangรจres aux sรฉquences antรฉrieures, tout comme les sรฉquences futures ne pourront รชtre sรฉparรฉesย ย desย sรฉquences contemporainesย et passรฉes.
Cโest sรฉquences et ces parties de la civilisation, qui sโรฉtendent tout au long de lโhistoire, sont reliรฉes les unes aux autres par le principe de la causalitรฉ. Tout comme aucun phรฉnomรจne spontanรฉ ne peut surgir en physique, en mรฉcanique ou en chimie, aucun รฉvรฉnement social, politique รฉconomique ne peut surgir fortuitement, car tout est soumis ร des dรฉcrets et ร des lois fixes.
Influences diachronique et synchronique sur la sรฉquence civilisationnelle.
Deux sortes dโinfluence sโexercent sur toute sรฉquence de la civilisation humaine. La premiรจre concerne les influences synchroniques ou rรฉciproques entre les parties et les รฉlรฉments de cette sรฉquence, dans un temps donnรฉ. La deuxiรจme concerne les influences diachroniques ou profondes, qui plongent leurs racines dans lโhistoire lointaines ou rapprochรฉe, et qui sโexercent sur cette sรฉquence. Elles agissent de cause ร effet, pour fonder et รฉlaborer cette sรฉquence. Ces facteurs et influences qui agissent au fil du temps et qui contribuent ร รฉlaborer ร et former cette sรฉquence sont lโhistoire. Toute sรฉquence civilisationnelle ne se forme donc pas au hasard, coupรฉe des facteurs et des influences historiques. La sociรฉtรฉ humaine, comme tout รฉlรฉment de lโunivers, est soumis ร la loi du dรฉterminisme (la cause et lโeffet) dans ses moindres dรฉtails.
Le Coran ouvre un nouvel horizon ร la science. Cette conception de la sociรฉtรฉ et de la civilisation inaugure une nouvelle phase de lโhistoire de la pensรฉe humaine. Le Coran nous enseigne que la civilisation humaine est soumise ร une suite de dรฉcrets et des lois que le Coran nomme ยซย les dรฉcrets divinsย ยป qui sont fixes et immuables.
Le premier ร avoir dรฉduit ces dรฉcrets et ร les avoir รฉtudiรฉs dโune maniรจre scientifique et raisonnรฉe, parmi les savants musulmans, est Abul Rahaman b. Khaldun, le cรฉlรจbre historien et penseur africain et maghrรฉbin. Il rรฉussit ร dรฉpasser lโaspect anodin des รฉtudes historiques antรฉrieures et ร dรฉcouvrir les fondements et les lois suivies par la civilisation et la sociรฉtรฉ. Il montra que la civilisation nโest pas une chose insolite ou fortuite dans cet univers, mais quโelle subit la loi de la causalitรฉ comme les autres phรฉnomรจnes. Sans cela, il nous est difficile de comprendre lโhistoire et la sociรฉtรฉ humaines.
1- Les dรฉcrets divins
Le saint Coran insiste particuliรจrement sur cette question et affirme que la civilisation humaine, dans sa naissance, son dรฉveloppement, sa maturitรฉ, son affaiblissement et son extinction, suit des lois et des dรฉcrets fixes.
ยซย As Sunnaย ยป pour Ar-Raghib, est la voie et ยซย sunnatu-llahย ยป la voie de la sagesse. Il sโagit des lois et des fondements que la volontรฉ divine a instaurรฉs pour Sa crรฉation, inรฉluctable et invariable. Le Coran exprime cette nรฉcessitรฉ par diffรฉrents moyensย :ย ยซย Dis ร ceux qui sont infidรจles que sโils cessent, ce qui est passรฉ leur sera pardonnรฉ mais sโils rรฉcidivent (ils doivent songer aux rigueurs) des dรฉcrets subis par leurs prรฉdรฉcesseursย ยป .
(Al-Anfal, 8ย :38)
Cet ancien dรฉcret est encore valide. Personne ne peut y รฉchapper.
Al-Baydawi, dans le commentaire de ce saint verset, ditย : ยซย sโils rรฉcidivent ร combattre le messager dโAllah, le dรฉcret qui toucha les Anciens lorsquโils combattirent les prophรจtes, sera la destruction, comme cela se passa pour les gens de Badr. Ils devraient sโatteindre ร ce rรฉsultat.ย ยป
Le Trรจs-Haut ditย : ยซย โฆla loi (instituรฉe) par Lui pour ceux qui vรฉcurent antรฉrieurement – lโordre de Dieu est un dรฉcret prรฉdรฉterminรฉยป. (Al-Ahzab, 33ย :38). Il sโagit dโune prรฉdestination dont on nโรฉchappe pas.
ย ย ย ยซย La manลuvre perfide ne retombe que sur ses auteurs. Nโattendent-ils donc rien dโautre que le sort traditionnel des Anciensย ? Or, jamais tu ne trouveras de changement dans la loi de Dieuย ยป .
(Fatir, 35ย :43)
Unicitรฉ des dรฉcrets divins
Le saint Coran conรงoit ces dรฉcrets, lois et principes immuables de lโhistoire humaine dans une vision globale, dans le cadre de lโUnicitรฉ.
Il ramรจne toutes ces lois ร Allah le Tout-puissant, et rรฉfute quโelles peuvent agir en dehors de la volontรฉ divine.
ยซ Conformรฉment ร une tradition (dรฉjร connue) de ceux de nos messagers envoyรฉs avant toi. Tu ne trouveras aucune variation dans la loi de ton Seigneurย ยป.
(Al-Isra, 17ย : 77).
ยซย Nโattendent-ils donc rien dโautre que le sort traditionnel des anciensย ? Or, jamais tu ne trouveras de changements dans la loi de Dieuยป.
(Fatir, 35ย :43)
La relation entre la rรฉtribution et lโacte fait partie des dรฉcrets divins. Mais ces relations ne sont pas soumises ร des considรฉrations matรฉrielles. Dans la conception matรฉrialiste de la causalitรฉ, les liens entre les รฉvรฉnements historiques sont comparables ร ceux qui rattachent lโoffre et la demande aux prix des marchandises. Quant ร la relation qui existe entre lโacte et la rรฉtribution, elle nโest pas perceptible ni saisie par la vision matรฉrialiste de lโhistoire. Le Saint Coran attire notre attention sur ce genre de liens et dโattaches dans lโhistoire.
ยซย Or la manลuvre perfide ne retombe que sur ses auteursย ยป. (Fatir, 35ย :43), ยซย Eh quoiย ! Nโont-ils pas voyagรฉ sur terre pour voir ce quโil est advenu de ceux qui vรฉcurent avant eux et qui รฉtaient pourtant plus fortsย ?ยป. ย (Fatir, 35ย :44), ยซย Si les mรฉcrรฉants vous avaient livrรฉ combat, ils auraient tournรฉ le dos, pour ne retrouver ensuite ni patron ni auxiliaire selon la loi de Dieu dรฉjร (appliquรฉe) antรฉrieurement et ร laquelle tu ne trouveras jamais de changementย ยป .
(Al-Fath, 22-23)
ยซย Nous allons faire tomber du ciel, sur les habitants de cette ville, une calamitรฉ (pour les punir) de leur perversitรฉย ยป
(Al-Ankabut, 29ย :34)
Cette relation inรฉvitable et invisible entre lโacte et rรฉtribution ne peut รชtre conรงue par lโรฉtat dโesprit matรฉrialiste. Cependant, le Coran met en lumiรจre ce genre de liens quโil juge inรฉvitables et immuables.
Les dรฉcrets divins dans lโhistoire sont le miroir du prรฉsent et de lโavenir de lโhumanitรฉ
Le Coran envoie lโรชtre humain ร les examiner pour essayer dโy lire ce que peut รชtre sa vie et son รฉpoque. Lorsque lโhistoire est conรงue comme une suite dโรฉvรฉnements, entrecoupรฉs ou associรฉs dโune faรงon anarchique et accidentelle, ne dรฉpendant pas de lois , elle perd sa transparence qui permet ร lโรชtre humain de voir ร travers elle,ce quโil est et ce que sont son รฉpoque et sa nation. Mais lorsque lโhistoire est composรฉe dโune somme de dรฉcrets et de lois fixes, lโhomme a la possibilitรฉ dโy examiner son existence et son รฉpoque, comme ร travers un miroir.
La narration de lโhistoire, dans le Coran, se rรฉalise en rappelant les principes et les lois fixes qui dรฉfinissent son mouvement. Le Coran veut par lร en faire un miroir pour que les gens puissent y comprendre leur vie et leur รฉpoque. En incitant les gens ร plonger leurs regards dans ce miroir, Le Coran espรจre quโils en dรฉgageront les leรงons en vue de changer leurs comportements actuels.
ยซย Nโont-ils pas parcouru la terre pour voir ce quโil est advenu de leurs prรฉdรฉcesseursย ? Dieu les a exterminรฉs. Un sort semblable (est rรฉservรฉ) aux incrรฉdulesย ยป .
(Muhammad, 47ย :10)
ยซย Voila donc leurs demeures vides (en punition) de leurs injustices. Il y a en cela vraiment un signe pour les gens qui saventย ยป .
(An-Naml, 27ย :52)
ยซย (Les impies) te dรฉfient de hรขter lโarrivรฉe du malheur (que tu leur annonces) plutรดt que celle du bonheur. Pourtant des exemples de (chรขtiment) se sont dรฉjร produits avant euxย ยป.
(Ar-Raโd, 13ย :6).
ยซย Si vous faites le mal, c’est ร votre dรฉtriment. Mais quand le terme de la derniรจre promesse arrivera, (nous lรขcherons contre vous des ennemis) qui vous jetterons dans lโaffliction, sโintroduiront comme la premiรจre fois dans le temple et saccageront de fond en comble ce dont ils seront emparรฉs. Il se peut que votre Seigneur vous fasse misรฉricorde. Si vous rรฉcidivez, nous rรฉcidiverons, et nous avons assignรฉ la gรฉhenne comme camp de dรฉtention aux infidรจlesย ยป .
(Al-Isra, 17ย :7-8)
Ce discours sโadresse ร la nationย : les lois et dรฉcrits citรฉs par ces versets concernent les nations et les groupes. Aprรจs toute corruption, Allah promet le chรขtiment et la destruction. Le verset affirme que cโest lร le sort inรฉvitable de Banu Israรซl car la loi divine est immuable. Mais si les fils dโIsraรซl regrettent leurs actes et demandent le pardon du Trรจs-Haut, Il leur rendra Sa misรฉricorde et Sa grรขce, Il leur permettra de vaincre leurs ennemis, Il leur accordera la prospรฉritรฉ et la progรฉniture. Il sโagit lร dโune autre destinรฉe, dโune autre loi divine, qui elle non plus, ne change pas.
ยซย Nous avons annoncรฉ ร Bani Israรซl le (mรชme) livreย : ยซย Par deux fois, vous commettrez du dรฉsordre sur la terre et afficherez un orgueil excessifย ยป (Al-Isra ,17ย :6). Pour toute corruption et attitude orgueilleuse, Allah leur promet le chรขtiment et la destruction. Le verset indique fermement quโil sโagit lร de la consรฉquence inรฉluctable de leurs actes. Puis, lorsquโils se sont repentis ร Allah, ยซย nous vous permรฎmes de prendre votre revanche sur eux, multipliรขmes vos richesses et votre descendance et fรฎmes de vous une cohorte plus nombreuseย ยป (Al-Isra, 17ย : 6) mais sโils rรฉcidivent, il rรฉcidivera, le Tout-Puissant leur infligera la souffrance, le supplice et lโhumiliation.
ยซย Les maux dรฉcoulant de leurs actes les atteignirent et ils furent รฉtreints par lโobjet mรชme de leurs moqueriesย ยป (An-Nahl, 16ย : 34). De nombreux autres versets rappellent ces lois et dรฉcrets invariables auxquels les nations et les รชtres humains ne peuvent รฉchapper.
Le principe de lโunitรฉ de la nation dans le Coran
Au moment oรน le saint Coran institue de maniรจre absolue, le libre-arbitre de lโรชtre humain, sa volontรฉ et son anto-dรฉtermination, il dรฉcrรจte aussi un principe important de la vie des nations dans lโhistoire, qui est lโindividualitรฉ unique dโune nation. Celle-ci qui rassemble la sociรฉtรฉ et la nation, est tissรฉe dans deux dimensionsย :
– La dimension synchronique, horizontale, oรน lโindividu vivant dans une sociรฉtรฉ ne peut รชtre pris isolรฉmentย : il subit les mรชmes chรขtiments et les consรฉquences funestes des actes de sa nation, quel que soit son comportement personnelย :
ยซย Craignez une sรฉdition qui nโatteindra, certes, pas spรฉcialement les injustesย ยป
(Al-Anfal, 8ย :25)
Le Coran attribue lโacte dโun individu ร lโensemble de la nation, si celle-ci en est satisfaite. LโImam Ali b Talib a aussi exhortรฉ les gensย : ยซย ร vous, ce qui rassemble les gens, ce sont la satisfaction et lโindignation. Celui qui a tuรฉ la chamelle nโest quโun seul individu, mais Allah a รฉtendu la souffrance car ils furent unanimes ร lโapprouver. Allah le Trรจs-Haut ditย : ยซย Or ils coupรจrent les jarrets [de la chamelle] et eurent ร le regretterย ยป (Ash-Suโara, 26ย :157). Il ne resta plus que lโeffondrement de leur terre sous les coups des blessures.ย ยป
Les paroles de lโImam Ali sont prรฉcises. Dans un milieu social donnรฉ, admettre le crime cโest y participer, mรชme si ce dernier ne fut pas effectivement commis par lโensemble de la sociรฉtรฉ. En approuvant le geste du criminel par le silence, les autres le confirment et y participent. Cependant, les grands crimes dรฉclarรฉs sont diffรฉrents des crimes individuels commis par les gens ร lโinsu de la sociรฉtรฉ. Car le criminel ne peut commettre ses grands crimes devant lโensemble et affronter les ressentiments de la nation sโil nโรฉtait soutenu par lโapprobation, la satisfaction et lโencouragement des autres. Le criminel nโest donc isolรฉ, il personnifie le crime mais tous ceux qui sโen dรฉclarent satisfaits lโont soutenu, que ce soit en lโencourageant ou se taisant.
– La dimension diachroniqueย : le saint Coran considรจre que la nation est un tout reliรฉ et rattachรฉ qui sโรฉtend ร travers les siรจcles. Pour lui, la gรฉnรฉration prรฉcรฉdente est la base de lโรฉdification de la prรฉsente, celle-ci รฉtant la rรฉsultante des actions de la premiรจre. Il attribue les actes de la gรฉnรฉration passรฉe, lorsque la prรฉsente les approuve, ร cette derniรจre. Allah le Trรจs-Haut ditย : ยซย Dieu a entendu les paroles de ceux qui ont ditย : ยซย Dieu est pauvre et nous sommes richesย !ย ยป Nous inscrivons leurs propos ainsi que leur meurtre injustifiรฉ des prophรจtes et nous leur disonsย : goรปtez le supplice de lโenfer. Tel est le prix des actes que avez commis sur terre car en vรฉritรฉ, Dieu nโest nullement injuste envers [ses] serviteurs. Dieu [a attendu] ceux qui ont ditย : ยซย Dieu nous a prescrit de ne croire en un prophรจte quโautant quโil nous apporte une offrande que le feu consume.ย ยป Dis-leurย : ยซย Des prophรจtes vous ont dรฉjร apportรฉ, avant moi, des preuves ainsi que ce dont vous parlez. Pourquoi les avez-vous donc tuรฉs, si vous รชtes vรฉridiquesย ?ย ยป .
(Al-Imran, 3ย :181-183)
Ceux qui affirmรจrent quโAllah est pauvre alors quโils sont riches, ce sont les Juifs contemporains du messager dโAllah (SAW). Le Tout-Puissant leur attribue alors le crime de leurs ancรชtres qui tuรจrent les prophรจtes. Ceux qui demandรจrent au messager de leur apporterย ยซย une offrande que le feu consumeย ยป nโavaient pas tuรฉ des prophรจtes. Le reproche et la rรฉprimande adressรฉs aux prรฉsents par rapport aux actes de leurs ancรชtres sont plusieurs fois mentionnรฉs dans le saint Coran. Il sโagit lร dโune leรงon sociale, que nous connaissons bien si nous prenons en compte la conception islamique de lโhistoire dans toutes ses dimensions. Ce reproche nโest adressรฉ que lorsque les successeurs acceptent les actes des prรฉdรฉcesseurs et ne les dรฉsavouent pas. Il sโagit lร de la mรชme racine, du lien qui unit les diverses gรฉnรฉrations dโune seule nation les une aux autres. Lorsque ce lien entre gรฉnรฉrations dโune mรชme nation est coupรฉ, il ne peut y avoir de continuitรฉ dโune civilisation, nulle relation ne rattache une gรฉnรฉration ร lโautre, ni responsabilitรฉ, ni labeur.
Tant que la nation et la civilisation existent, lโaffection, la haine, la loyautรฉ et dโexemption ne changent pas. La loyautรฉ des pรจres se transmet aux fils, lโexemption des pรจres รฉgalement. Tout le reproche adressรฉ donc aux fils par rapport aux crimes de leurs pรจres se rรฉalise de cette faรงon.
Si nous examinons, dans une optique diffรฉrente, ces nations de loyautรฉ et dโexemption entre gรฉnรฉrations, nous disons que la gรฉnรฉration prรฉcรฉdente est responsable de la loyautรฉ et lโexemption de leurs fils, de leur dรฉviation, de leur tromperie et de leur orientation vers le faux et lโoppression. Cependant, comme nous le verrons par la suite, la libre volontรฉ des fils peut dรฉterminer leur sort indรฉpendamment des pรจres. Ces derniers, sans aucun doute, prรฉparentย ย le terrain fertile ร la dรฉviation et ร la corruption et ร lโincroyance des gรฉnรฉrations suivantes. Ils les nourrissent de faรงon invisible de la pensรฉe et de la civilisation de lโignorance, ils leur transmettent leurs idรฉes, leur morale, leurs coutumes et leurs conceptions, cโest lร la dimension invisible de la civilisation.
Cette conception est encore plus clairement exprimรฉe dans les versets oรน Nuh invoque le chรขtiment de sa nationย : ยซย Noรฉ dit [encore]ย : ยซย Seigneur, ne laisse aucun infidรจle circuler sur terre, sans quoi ils รฉgareraient tes serviteurs et nโengendreraient que des libertins, rรฉfractaires ร la foiย ยป (Nuh, 71ย :26-27). La gรฉnรฉration qui se rรฉvolta contre le Tout-Puissant et Son messager (a.s) de la nation de Nuh ne peut engendrer que des libertins et des incroyants. Une civilisation et une nation plongรฉes dans lโignorance ne nourrissent les gรฉnรฉrations suivantes que par le mal, la corruption, la dรฉbouche et lโincroyance.
ย ย ย ยซย Dans un pays de bonne terre, la vรฉgรฉtation, Dieu aidant pousse [drue)]. [Au contraire, dans] un pays [au sol] ingrat [la vรฉgรฉtation pousse] mรฉdiocrementย ยป (Al-A โraf, 7ย :8). Cโest ainsi que le Coran relie le passรฉ au prรฉsent, et le prรฉsent au passรฉ dโune nation, ร travers la responsabilitรฉ, la demande des comptes et les reproches. La gรฉnรฉralisation prรฉsente assume les charges de la prรฉcรฉdente tout comme celle-ci est responsable de celle-lร .
Ces versets indiquent remarquablement les dimensions de la conception islamique du tissu social et historique de la nation, rรฉgi par la loi de la causalitรฉ.
2-Le LIBRE-ARBITRE
Il constitue le deuxiรจme principe de la conception islamique de lโhistoire.
Bien que lโhistoire se dรฉroule en fonction du principe de la causalitรฉ et du dรฉterminisme, lโรชtre humain, dotรฉ par le Trรจs-Haut de capacitรฉ de choisir et de vouloir, tient entre ses mains le cours de lโhistoire dont il est acteur. Le mouvement de lโhistoire est soumis ร son choix et ร sa volontรฉ, sans que cela ne contredise ou ne mette en cause le principe de la causalitรฉ.
Tout comme lโavion survolant les continents et les mers, mรป par des loi mรฉcaniques et physiques, est dirigรฉ par un aviateur qui le conduit et lโoriente minutieusement dans la direction quโil souhaite suivre, lโรชtre humain agit sur lโhistoire dans le cadre de la causalitรฉ de la maniรจre quโil souhaite.
Relation entre libre-arbitre et dรฉterminisme
La relation qui existe entre le libre-arbitre de lโรชtre humain et le dรฉterminisme du principe de la causalitรฉ, leur interfรฉrence dans la civilisation et lโhistoire furent ร lโorigine de nombreuses querelles et de lโapparition de thรฉorie absolutistes en philosophie. Le saint Coran dรฉcrit minutieusement cette relation, rattachant les รฉlรฉments entre eux de faรงon claire, sans accorder une importance ร lโun au dรฉtriment de lโautre, en les admettant tous les deux et en montrant la rรฉsultante de leur co-existence.
Alors que le Coran reconnaรฎt le libre-arbitre et le libre choix de lโรชtre humain, il relie nรฉcessairement les rรฉsultats aux choix que fait lโindividu en lui faisant porter lโentiรจre responsabilitรฉ de ses actes. Il est bien sรปr, libre, acteur et influent sur le cours de lโhistoire et cependant, il ne peut รฉchapper au dรฉterminisme de la causalitรฉ, ni รฉchapper aux rรฉsultats et effet de ses actes.
Lโรชtre humain jouit dโune libertรฉ totale de choisir comment sโalimenter par exemple, soit avec de la nourriture, soit avec du poison, mais il ne pourra รฉviter les consรฉquences de son choix. Donc, en considรฉration des rรฉsultats auxquels il parvient, il est soumis au dรฉterminisme de la causalitรฉ, bien quโau dรฉpart, il sโest servi de sa volontรฉ libre et indรฉpendante.
Nous pouvons รฉclaircir nos propos par le hadith suivantย : on rapporte quโun jour, le commandant des croyants (a.s) sโest รฉloignรฉ dโun mur penchรฉ pour sโasseoir ailleurs. Il lui fut ditย : commandant des croyantsย ! Tu fuis le jugement dโAllahย ? Il (a.s) rรฉponditย : ยซย Je fuis le jugement divin pour retrouver le destin dโAllah.ย ยป
Lโhomme devra choisir, dans cet exemple, entre sโasseoir prรจs du mur penchรฉ et entre sโen รฉcarter. Sโil sโassoit prรจs de ce mur, il se met inรฉvitablement en situation de danger. Allah le Trรจs-Haut a, en rรฉalitรฉ, deux arrรชt inรฉvitables, lโhomme devra choisir lโun dโeux en usant de sa libre volontรฉย : le danger ou la sรฉcuritรฉ. Sโil choisit le premier il est sous la menace dโun danger inรฉvitable, mais sโil choisit le second, il est certainement en sรฉcuritรฉ. Ce dรฉterminisme ne contredit nullement la capacitรฉ de lโhomme ร choisir. Cโest exactement ce genre de rapports qui existe entre lโhomme et la sociรฉtรฉ et lโhistoire.
Cette double vรฉritรฉ est clairement indiquรฉe dans le Livre dโAllah. Dโun cรดtรฉ, le Coran affirme sans ambiguรฏtรฉ aucune la libre volontรฉ de lโรชtre humaine et de lโautre, il affirme lโinรฉluctabilitรฉ des consรฉquences de ses choix et sa responsabilitรฉ engagรฉe dans ses actes.
Parmi les versets qui affirment la libre volontรฉ humaine, on litย :
ยซย Voilร qui en vรฉritรฉ une mรฉmorationย ! Prenne le chemin de son Seigneur qui veutย ยป (Al-Insan, 76ย : 29), ยซย Disย : รด hommeย ! La vรฉritรฉ vous est parvenue de la part de votre Seigneurย ! Quiconque se met en bonne direction ne le fait que pour lui-mรชme. Quiconque sโรฉgare quโร son propre dรฉtriment. Je suis pas pour vous un fondรฉ de pouvoirย ยป .
(Yunus, 10ย :108)
Dโautres versets du Coran indiquent que le choix humain constitue la base et la matiรจre de lโhistoire humaine. Quโil soit bon ou mauvais, il a fondรฉ nรฉcessairement et lโรชtre ne pourra se dรฉbarrasser des consรฉquences de ses actes et de son labeur. Le choix de lโindividu et ses effets, ainsi que le choix de la nation et ses effets sont des donnรฉes qui expliquent le dรฉroulement de lโhistoire. ยซย Toute รขme est caution de ses ลuvresย ยป (Al-muddathir74ย :38) toute รขme est prisonniรจre de ses actes, elle ne peut รฉchapper aux consรฉquences inรฉvitables qui en rรฉsulteront.
ยซย Et ces citรฉs dont nous avons fait pรฉrir [les habitants] quand ils eurent commis des injustices.ย ยป (Al-kahf,ย 18ย :59)ย ; le chรขtiment des nations et des peuples est une consรฉquence nรฉcessaire ร lโoppression quโils ont exercรฉe et ร leur corruption.
ย ย ย ยซย Lorsquโils eurent oubliรฉ ce qui leur avait รฉtรฉ rappelรฉ, nous ouvrรฎmes ร leur intention les portes de toutes choses. Quand ils eurent exultรฉ de joie, en raison des biens quโils avaient reรงus, nous les surprimes ร lโimproviste et les voilร dans le dรฉsespoirย ยป (Al-Inโam, 6ย :44). Lorsque lโรชtre humain se dรฉtourne de ce que le Tout-Puissant lui a rappelรฉ, le dรฉcret divin commence par lui ouvrir toutes les portes puis, un autre dรฉcret divin survient entraรฎnant inรฉvitablement le chรขtiment.
ย ยซย [et enseignant] que rien ne revient ร lโhomme en dehors[du rรฉsultat] de son effort, que [le rรฉsultat] de son effort sera jugรฉ, quโil sera ensuite gรฉnรฉralement rรฉtribuรฉย ยป(An-Najm,53ย :39-41), ยซย sโils sโรฉtaient conformรฉs ร la Thora, ร lโEvangile et ร ce qui leur est transmis de la part de leur Seigneur, ils auraient joui[des biens] ย qui se trouvent au-dessus de leur tรชte et sous leur piedsย ยป .
(Al-Maโidaย 5ย :66)
Cette situation expliquรฉe et mise en รฉvidence par le saint Coran dans les versets citรฉs clarifie le sens du texte rapportรฉ des Ahlul-Bayt (a.s) concernant la formuleย :ย ยซย la question entre les deuxย ยป quโils ont avancรฉe au cours de la lutte idรฉologique entre Musulmans, qui concernait lโaffirmation ou la nรฉgation du libre-arbitre humain.
Les Ahlul-Bayt (a.s) a donc avancรฉ ce principe qui sโoppose aux deux conceptions extrรชmes et diamรฉtralement opposรฉes qui sโaffrontaient, lโune prรดnant la libertรฉ absolue de la volontรฉ humaine et lโautre la nรฉgation absolue de cette libertรฉ. Le verset suivant souligne ce quโil en est vรฉritรฉย :
ยซย โฆDieu en vรฉritรฉ ne modifie nullement lโรฉtat dโun peuple, tant que les individus [qui le composent] ne modifient pas ce qui est en eux-mรชmesย ยป (Al-Raโd, 13ย :11).
Deux changements interviennent dans ce versetย :
1-Le changement que lโindividu opรจre sur lui-mรชme
2-Le changement quโAllah le Trรจs-Haut opรจre sur lโindividu.
ย Ce changement est opรฉrรฉ en accord avec les lois et les dรฉcrets divins, qui sont immuables. Cโest en fonction de la nature du changement que lโhomme opรจre sur lui-mรชme que le Tout-puissant change le processus de lโhistoire. Lโรชtre humain ร pleine libertรฉ de choisir tel ou tel chemin mais en choisissant lโun des deux, il ne peut รฉchapper aux consรฉquences de son choix.
Pour le Coran, lโhistoire nโest pas un mouvement รฉchappant ร la loi de la causalitรฉ et ร ses fondements qui organisent tout lโunivers, et elle nโest pas non plus une chose insolite qui ne subit aucune loi. En mรชme temps, les lois de lโhistoire ne sont pas identiques aux lois physiques, le dรฉterminisme dans lโhistoire ne รชtre comparable ร celui qui rรฉgit le monde physique. Lorsque nous souscrivons ร la thรจse du dรฉterminisme historique, nous ne reprenons pas ร notre compte les paroles des thรฉoriciens de ce courant qui nient le rรดle actif de lโรชtre humain dans le changement du cours de lโhistoire. Les thรฉories historicistes connues par la prรฉdestination dans lโhistoire refusent dโaccorder tout rรดle actif ร lโhomme, ne le considรฉrant que comme une parcelle dโune entitรฉ qui bouge indรฉpendamment de lui .En rรฉalitรฉ, le mouvement de lโhistoire nโest pas non plus identique au mouvement de la matiรจre physique, qui suit un chemin tracรฉ en tout. Quant au mouvement de lโhistoire, si nous voulons le reprรฉsenter visuellement, nous pouvons dire quโil suit un chemin sinueux, tantรดt sโinclinant et quโon ne peut prรฉdire dans les dรฉtails, sauf en ce qui concerne les lois gรฉnรฉrales dans le Coran.
Comment lโรชtre humain รฉchappe-t-il ร la contrainte de lโenvironnementย ?
Certains affirment que la volontรฉ humaine subit la contrainte de lโenvironnement naturel et social, quโelle en est prisonniรจre et quโelle se trouve incapable de changer ou de transformer la sociรฉtรฉย ; de ce fait, son rรดle ne peut รชtre dรฉcisif dans lโรฉvolution sociale. Cโest pourquoi lโindividu ne peut exercer une influence ou mรชme prendre une dรฉcision quโen suivant le cours gรฉnรฉral de la sociรฉtรฉ. Il en rรฉsulte que lโindividu est dรฉterminรฉ par la sociรฉtรฉ et le cours de lโhistoire ร la fois.
En abordant cette question avec prรฉcision et clartรฉ, Le saint Coran montre quโAllah le Trรจs-Haut a accordรฉ ร lโhomme, outre la volontรฉ et la capacitรฉ de dรฉcider, une intelligence, une perspicacitรฉ et un don naturel innรฉ qui lui permettent de distinguer et de discerner avec justesse et acuitรฉ la situation dans laquelle il se trouve.
La sujรฉtion de lโindividu ร une sociรฉtรฉ corrompue est une inconscience et ร une incapacitรฉ de discernement. Au contraire, lorsquโil possรจde ces facultรฉs, la volontรฉ humaine est alors capable de se libรฉrer des contraintes sociales, quelles que soient leur puissance ou leur tyrannie.
Le Coran indique ร lโhomme les sources du discernement, du don naturel innรฉ, de la guidance divine, ร lโintรฉrieur de lui-mรชme et ร lโextรฉrieurย : ยซย Lรจve la tรชte, en monothรฉiste sincรจre pour [professer] la religion, selon la nature que Dieu a originellement donnรฉe aux hommes – pas de modifications dans la crรฉation de Dieuย ; voilร la religion dans sa rectitude mais la plupart des hommes ne savent pas โฆ .
(Ar-Rum, 30ย :30)
ยซย Pas de contrainte en religion. La vรฉritรฉ se distingue de lโerreurย ยป (โAl-Baqarah, 2ย :256).
Par consรฉquent, le Tout-Puissant a crรฉรฉ lโรชtre humain une Lumiรจre qui lui ouvre la voie du discernement et de lโentendement et Il crรฉa une volontรฉ qui lui permet de dรฉcider.ย Lโindividu nโest pas un รฉlรฉment statique et dominรฉ par son environnement social tout au long du dรฉroulement de lโhistoire.
3-LA PROVIDENCE DIVINE
Le dรฉroulement de lโhistoire ne peut uniquement expliquรฉ par les deux facteurs prรฉcitรฉs, le dรฉterminisme de la causalitรฉ et la volontรฉ humaine. La providence divine est tout aussi importante, sinon plus, car comment expliquer la survie de la civilisation humaine alors quโร plusieurs reprises, elle fut au bord du gouffre et de lโanรฉantissement totalย ?
La providence divine ne peut รชtre assimilรฉe aux dรฉcrets cรฉlestes qui rรฉgissent lโhistoire. Elle se situe au-delร et est gouvernรฉe par des principes et des lois et nโintervient pas au hasard. Sans elle, la civilisation humaine aurait รฉtรฉ anรฉantie depuis longtemps. En parcourant le cours de lโhistoire, nous percevons la Main du Trรจs-Haut et Sa sollicitude รฉtendues sur notre histoire.
Combien de fois le monde fut-il au bord dโune destruction inรฉluctable, combien de fois les passions, la corruption, lโanarchie ont-elle menรฉs la terre ร la limite de lโeffondrementย ? Lโintervention de la providence divine empรชcha cette destruction et cet effondrement, car ni les lois, ni la volontรฉ humaine ne suffisent ร elles seules ร sauver lโรชtre humain de ces situations extrรชme. En rรฉalitรฉ, la civilisation humaine ne peut dรฉpendre seulement des deux facteurs, la volontรฉย et les lois, car sans la prรฉsence de cet appui formidable quโest la providence, elle reste chancelante, indรฉcise et menacรฉe par la chute et lโanรฉantissement.
Nous ne pouvons pas fournir dโexemples de lโintervention de cette providence et sollicitude divines, mais nous dรฉduisons lโexistence de ce troisiรจme facteur ร partir de la permanence de cette civilisation malgrรฉ toutes les crises et catastrophes quโelle frรดlรฉes de prรจs.
ย ย ย ย ย Il est รฉtonnant, par ailleurs, que ce facteur extrรชmement important ne soit pas pris en compte dans les รฉtudes consacrรฉes ร lโhistoire des civilisations. En rรฉalitรฉ, lโhomme nโa pas besoin de beaucoup dโeffort pour dรฉcouvrir cet รฉlรฉment magistral dans le maintien de la civilisation, il lui suffit de contempler, avec luciditรฉ, cet univers qui sโรฉtend devant ses yeux.
La providence divine dans la vie des individus
Nous pouvons percevoir cette providence dans la vie des gens ร partir des phรฉnomรจnes ou รฉtats qui ne peuvent รชtre expliquรฉs ni par le dรฉterminisme de la causalitรฉ ni par la volontรฉ humaine. Dโautre part, lโindividu nโaurait pas, sans elle, pu profiter de son intelligence, de sa volontรฉ et de ses expรฉriences, ni des lois de la nature et de la sociรฉtรฉ. Sans elle, il se serait effondrรฉ ร la moindre secousse de la vieโฆMais la providence divine assiste lโรชtre humain, pas ร pas, tout au long de sa vie, elle lโentoure et le protรจge, elle lui accorde la grรขce, lโacquittement et le soutien, de faรงon invisible. Certains la ressentent de faรงon palpable et sensible, dโautres ne la devinent pas. Il sโagit des bienfaits inaperรงu et secrets dโAllah qui prennent soin de lโindividu sans quโil ne sโen aperรงoive. Ils sont nombreux et divers.
Cette providence divine accompagne lโรชtre humain tout au long de sa vie. Lorsquโil est confrontรฉ ร des difficultรฉs et quโil se trouve au bord de lโeffondrement, lorsque le vrai et le faux sโembrouillent ร ses yeux, la providence divine le rรฉoriente vers sa raison et sa volontรฉ et lui permet de tirer profit de toutes ses expรฉriences.
Dans les invocations, nous trouvons de nombreuses mentions ร ce sujetย :
ยซย Ne mโabandonne pas ร moi-mรชme ne fut-ce quโun instantย ยป
ย Dans As-Sahifa as-sajjadiya, on litย : ยซย Si tu mโabandonnes ร mon pouvoir. La force se retirera de moi.ย ยป
La puissance, la raison, la volontรฉ et tout ce que le Tout-Puissant a accordรฉ ร lโรชtre humain ne peuvent le secourir ou lโรฉlever si la providence divine lโabandonne ou le livre ร lui-mรชme.
La sollicitude et lโassistance divines
La sollicitude est, comme le dit le commandant des croyants (a.s) assistance, elle est une assistance divine.
La sollicitude nโintervient pas dans le sens dโannuler le rรดle de la loi divine dans la vie, la nature ou la sociรฉtรฉ, ni pour รฉdicter de nouvelles lois et les mettre au service de lโรชtre humain, mais elle a pour fonction dโorienter lโhomme en direction du bien. Les lois naturelles et sociales demeurent actives et effectives, certaines conduisent lโindividu vers le bien, dโautres vers le mal et lโhomme devra choisir lโune des deux qui dรฉterminera son bonheur ou son malheur ou son malheur. Cependant, lโhomme ne discerne pas toujours les voies du bien,ย nโรฉtant pas toujours clairement exposรฉes devant lui, elles sont ou bien occultรฉes, par dโautres phรฉnomรจnes ou inaccessibles. Dans ces cas, Allah quโIl soit glorifiรฉ, prend la main de Son serviteur et le guide vers cette voie, source de son bonheur.
On rapporte dโAbuโ Abdullah as-Sadiq, ร ce proposย :ย ยซย Si Allah souhaite le bien ร un serviteur, Il le prend par le cou et le fait pรฉnรฉtrer de force dans ce domaine (celui de la soumission et de la guidance)ยป.
Les dรฉfinitions que donne lโImam Ali (a.s) du concept de sollicitude rapportรฉes se trouve dansย Ghirar al-Hikamย dโAl-Amidi sont rรฉvรฉlatricesย : ยซย la sollicitude se trouve ร la tรชte de la rรฉussiteย ยป, ยซย la sollicitude dirige la probitรฉย ยป, ยซย la sollicitude mรจne au bonheurย ยป, ยซย le bonheur est dรป ร la sollicitudeย ยป et ยซย nul dirigeant nโest comparable ร la sollicitudeย ยป. Lโexplication en est clairย : la sollicitude divine mรจne lโรชtre humain au chemin de la probitรฉ, de la bonne conduite, de la rรฉussite et du bonheur.
Tant que le Tout-Puissant nโaccorde pas ร son serviteur Sa sollicitude et lui veuille le bien, ce dernier ne peut connaรฎtre que faiblement le bon chemin par effort ou sa raisonย : nulle recherche nโest rรฉussie sans sollicitude.ย Mais lorsque Allah le Trรจs Puissant veut le bien pour un individu et lโassiste, lโeffort de ce dernier est dirigรฉ vers le chemin de la rรฉussite et du succรจs, son effort sera fructifiant.
LโImam Ali (a.s) ditย : ยซย le meilleur des ijtihad est celui qui est assistรฉย ยป et un hadith rapporte que ยซย la sollicitude est la plus noble des deux chancesย ยป, signifiant la chance que lโhomme obtient en suivant le chemin qui mรจne au bonheur et au bien, lโautre รฉtant son effort, sa raison et ses capacitรฉs accordรฉes par Allah le Tout-Puissant, et qui est de moindre importance.
Nul doute que la sollicitude est un facteur occulte qui installe lโรชtre humain dans les chemins du bien, il sโagit bien รฉvidemment dโune chose diffรฉrente des capacitรฉs intellectuelles et naturelles, et de la force quโAllah le Trรจs-Haut a dรฉposรฉes dans lโesprit humain. Ces capacitรฉs sont incapables, ร elles seules, de dรฉvelopper et de conduire lโรชtre humain dans le chemin du vrai, de lui รฉviter le chemin du mal.
Si Allah veut le bien pour un serviteur, il lโassiste ร consacrer ses efforts et ses capacitรฉs dans le chemin du bien.
Le Hadith suivant รฉclaire nos propos. Un homme questionna As-Sadiq (a.s) ยซย รด fils du messager dโAllah, ne suis-je pas capable de faire ce dont je fus chargรฉย ?ย ยป Il lui rรฉponditย : ยซย quโest-ce la capacitรฉ, de pour toiย ?ย ยป Il ditย : ยซย la force de rรฉaliser le travail.ย ยป LโImam lui ditย : ยซย Tu dรฉpenses la force si on tโa accordรฉ le secours.ย ยป Lโhomme demandaย : ยซย Et quโest-ce le secoursย ?ย ยป Il dit ยซย la sollicitudeย ยป. Lโhomme demandaย : ยซย Pourquoi accorder la sollicitudeย ?ย ยป LโImam lui rรฉponditย : ยซย si tu bรฉnรฉficies, de la sollicitude, tu es agissant, le mรฉcrรฉant peut รชtre plus fort que toi, mais sans sollicitude, il nโest pas agissantย ยป. Puis lโImam lui posa la questionย : ยซย Dis-moi, qui tโa accordรฉ la forceย ?ย ยป
-Allah, quโIl soit Exaltรฉ.
-Peux-tu grรขce ร ta force, repousser les prรฉjudices loin de toi, et prendre ce qui tโest utile sans lโaide dโAllah le Tout-Puissantย ?
-Non.
-Pourquoi tโattribues-tu ce dont tu es incapable de faireย ?
Puis il ajoutaย : ยซย Oรน en es-tu de la parole du pieux serviteurย : ยซย ma rรฉussite nโest due quโร Allahย !ย ยป.
Ce rรฉcit distingue trois facteurs agissent dans la vie de lโhommeย :
1- les lois naturelles et sociales (les dรฉcrets divins) qui mรจnent lโรชtre humain ร lโun des deux, le bien ou le mal.
2- les forces que le Tout-Puissant a entreposรฉes dans lโhomme, qui les utilise pour parvenir ร lโun des deux chemins conduisant ร celui du bien ou celui du mal.
ย ย ย ย ย 3- la sollicitude et lโappui divins par lesquels le Tout-Puissant guideย Ses serviteurs en direction des chemins de bien, Il les aides et les prend par la main afin quโils aperรงoivent ce qui leur รฉtait invisible ou inaccessible. Sans ce dernier facteur, seule une infime partie du bien peut รชtre atteinte.
Al-karakaji rapporte le propos de lโImam as-Sadiq (a.s) disantย :
ยซ Ce nโest pas parce quโun individu a lโintention de faire quelque chose quโil en a la capacitรฉย ; ce nโest pas en ayant la capacitรฉ de le faire que le soutien lui est accordรฉย ; ce nโest pas en bรฉnรฉficiant du soutien pour la rรฉalisation dโune chose quโil la rรฉussitย : ce nโest que lorsque lโintention, la capacitรฉ, la sollicitude et la rรฉussite sont rรฉunies que le bonheur existeย ยป.
La perception de la sollicitude divine et ses consรฉquences
Lorsque lโindividu prend conscience de cette immense rรฉalitรฉ, de lโimportance du facteur de la sollicitude divine dans sa vie, dans son choix de la voie du vrai et dans sa rรฉussite, et quโil rรฉalise son incapacitรฉ en tant quโรชtre humain ร rรฉaliser, seulement grรขce ร sa force et ses propres aptitudes dรฉposรฉes en lui, une infime partie de tout ceci, le fait de percevoir la sollicitude a dโรฉnormes consรฉquences pour sa formation spirituelleย :
1- Il รฉloigne de lui-mรชme toute vanitรฉ et tout orgueil. Lorsque Allah le Tout-Puissant lui ouvre les portes de la misรฉricorde, il devient inaccessible ร lโorgueil et ร la fiertรฉ mensongรจre.
On rapporte que lโImam ar-Rida (a.s) a rappelรฉ les propos de Ayyub (a.s)ย : Il ditย : ยซย ร Maรฎtre, je ne tโai rien demandรฉ de cette vie oรน interviennent lโorgueil et la vanitรฉโฆ dโavoir vรฉcu en ascรจte et renoncรฉ aux biens de la vie ici-basย ยป. Un nuage sโapprocha de lui et lโappelaย : ยซย ร Ayyub, qui tโa assistรฉ dans celaย ?ย ยป Il ditย : Toi, รด Maรฎtreย ยป.
Quelle รฉblouissante rรฉponse fit le pieux serviteur Shuโayb (a.s) ร son peuple lorsquโils rejetรจrent sa prรฉdication, disantย : ยซย โฆ sont-ce tes priรจres qui tโincitent ร nous dรฉconseiller le culte de nos ancรชtre et ร [renoncer] ร disposer librement de nos biensย ? Portant tu es un homme longanime et honnรชteย ยป (Hud, 11ย :87). Face aux railleries et ร lโรฉgoรฏsme marquรฉ de son peuple, Shuโayb rรฉponditย : ยซย ร mon peupleย ! que penseriez-vous si jโรฉtais nanti dโune preuve de mon Seigneur et que, de par sa bontรฉ, une faveur insigne mโรฉtait accordรฉeย ? Je nโai nullement lโintention de faire ce que je vous dรฉconseille, je veux seulement rรฉformer autant que je puis. Je ne saurais รชtre assistรฉ que par Dieuย ! A Lui je mโen remets et ร Lui je retourneraiย ยป.
(Hud, 11ย :88)
Tout au long de sa rรฉponse, Shuโayb sโeffaceย : une preuve de mon Seigneur, et non de moi. Allah mโa accordรฉ une faveurโฆ.et lorsque Shuโayb ditย : Je ne veux que rรฉformerโฆil a joute, comme sโil voulait amoindrir lโimpact de ce ยซย jeย ยปย dans ยซย ce que je puisย ยป, sachant que ses capacitรฉs sont limitรฉes et sentant quโil nโa pas montrรฉ, dans ses paroles, la puissance et la gloire dโAllah, il poursuitย : ยซย Je ne saurais รชtre assistรฉ que par Dieuย ยป. Ce quโil rรฉalise et ce quโil a lโintention de faire ne peuvent รชtre accomplis quโavec lโassistance divine, il ne peut sโattribuer aucun rรดle dans cette action. Puis, de nouveau, il confirme cette idรฉe parย : ยซย A Lui je mโen remets…ย ยป
La conscience de soi ne peut entiรจrement disparaรฎtre que si la perception de la prรฉsence divine, de Sa force et de Sa puissance est parfaitement vรฉcue.
2- Cette perception est รฉgalement utile ร lโรชtre humain qui remet toute sa confiance et ses espoirs en Allah Seul, les refusant ร tout autre que Lui.
Quoiquโil en soit, le phรฉnomรจne de la sollicitude dans la vie de lโhomme est large et รฉtendue. Toute personne ร laquelle Allah accorde la grรขce de la clairvoyance, et qui contemple ce qui se dรฉroule autour dโelle peut apercevoir les touches de la main divine dans sa voie, que ce soit dans ses joies ou ses peines, dans la difficultรฉ ou la commoditรฉ. Lโassistance divine ne le perd pas de vue et la sollicitude divine ne lโabandonne pas tout au long de sa vie matรฉrielle ou spirituelle, dans ses actes et ses mouvements.
Si nous comparons entre dโune part, lโambition de lโhomme, ce quโil souhaite, ce quโil planifie de faire dans sa vie et dโautre part, ce ร quoi il est arrivรฉ grรขce ร la sollicitude divine, cโest-ร -dire entre ce quโil veut et ce que Allah veut pour lui, nous dรฉcouvrons le rรดle considรฉrable de la sollicitude dans la vie de lโรชtre humain. Ceci nous remet en mรฉmoire le butin que les Musulmans avaient lโambition de gagner en allant se battre ร Badr, en lโoccurrence la fortune de Quraysh, alors que Allah leur souhaitait, empruntant ce chemin difficile, quโils en reviennent puissants, dรฉfenseurs de la vรฉritรฉ, portant la parole du Seigneur sur la surface de la terre, ร lโouest,comme ร lโEstย : ยซย lorsque Dieuย vous promettait [dโavoir la victoire] sur lโune ou lโautre des deux bandes et que vous prรฉfรฉriez triompher de celle qui nโรฉtait pas armรฉs. Dieu voulait ainsi faire explicitement triompher la vรฉritรฉ et exterminer les infidรจles jusquโau dernierย ยป.
(Al-Anfal, 8ย :7)
Lโhomme souhaite accรฉder ร une chose qui signifie sa dรฉsobรฉissance au Maรฎtre, mais le Tout-Puissant le sort de cette impasse et le guide sur le chemin conduisant au paradis. Lโhomme peut emprunter une voie de repos et de santรฉ, de prรฉfรฉrence celle de la vie ici-bas, mais Allah le met dans la voie de la difficultรฉ qui le mรจne au paradis.
La sollicitude divine dans la vie des prรฉdicateurs
Le prรฉdicateur trouve souvent devant lui un chemin aride, difficile, semรฉ dโembรปches et dโennemis puissants. Il hรฉsite ร propos des actes ร entreprendre et se rรฉfugie, ร certains moments, dans la peur et lโattente. Cโest alors que Allah le prend par la main et lui fait traverser tous les obstacles, lโun prรจs lโautre, Il le mรจne sur les routes difficiles, รฉtape par รฉtape, ne lโabandonnant pas seul en face du danger et dans la fatigue rรฉsultant de sa tรขche de longue haleine. Le prรฉdicateur sent, tout au long de son trajet, la main divine qui lโentraรฎne et le protรจge, et lโลil dโAllah qui le veille. Tout prรฉdicateur risque de se trouver entre les mains des tyrans connus pour leurs sauvageries, il se sent faiblir lorsquโil se trouve seul entre les mains des bourreaux qui utilisent les moyens les plus monstrueux pour lui faire arracher quelques paroles. Cโest alors que Allah le Trรจs-Haut gonfle sa poitrine de confiance, il sent son corps se raffermir, suscitant dans les cลurs des ennemis la faiblesse et la lรขchetรฉ. Il traverse toutes les รฉtapes des privations et des tortures, remplissant sa solitude par la certitude, de la foi et de la confiance en Allah, par la patience et la recherche de lโagrรฉment du Tout-Puissant et de la misรฉricorde divine.
Dans son exil, le prรฉdicateur craint pour sa famille et ses proches, mais Allah le Tout-Puissant les met en situation de trouver qui les rรฉconforte et partage avec eux son pain quotidien.
Dans le Coran, nous lisons plusieurs passages relatifs ร lโassistance divine accordรฉe aux prรฉdicateurs et aux hommes pieux, dans leur tรขche ardue, ร tous moments de leur vie, lorsquโils affrontent des tyrans et des bourreaux. Voyez la mรจre du Mussa (a.s) qui craint pour son nouveau-nรฉ. Son cลur faiblit un instant mais le Tout-Puissant lui ordonne de le jeter dans le fleuve, au milieu des vagues en colรจre, afin quโIl le lui ramรจne dans le propre palais de Pharaonย :
ย ย ย ย ยซ Moรฏse [ayant รฉtรฉ confiรฉ aux eaux du Nil] fut recueilli par la famille de Pharaon pour quโil fรปt, pour eux, un ennemi et une [cause] de tristesse, car Pharaon, Haman et leurs armรฉes avaient commis des fautes…ย ยป .
(Al-Qasas, 28ย :8)
Que dire de la sollicitude divine en faveur de ce nourrisson jetรฉ dans les flots qui revient ร sa mรจre rรฉjouie, pour quโelle sache que la promesse divine est vraieย : ยซ Nous le rendรฎmes [ainsi] ร sa mรจre pour la rรฉjouir pour quโelle ne sโaffigeat plus [sur son sort] et sรปt que la promesse de Dieu est vraie. Mais la plupart des hommes ne le savent pasย ยป ((Al-Qasas, 28ย :13). Toute la vie du prophรจte Mussa (a.s) est illustrรฉe par cette sollicitude divine qui lโempรชche, par exemple, de se noyer lorsquโelle noie Pharaon et ses soldats. Lโon sent lโassistance et la protection divines ร toutes les รฉpreuves, dans toutes les รฉtapes difficiles de sa vie.
En rรฉalitรฉ, nombreuses sont les personnes qui bรฉnรฉficient de lโassistance et de la sollicitude divines de leur vie sans quโils nโy prรชtent attention. La sollicitude divine est une loi gรฉnรฉrale qui touche les gens ร des degrรฉs divers. Cependant, trรจs peu sentent la main dโAllah dans leur vie. Ceux-lร forment la catรฉgorie des sages et des pieux serviteurs du Trรจs-Haut. Quelle grande lacune dans le monde de la connaissance que de lโignorerย ! Allah accorde la grรขce de Sa sollicitude ร un individu, dans ses joies et ses peines, dans les situations dangereuses et face aux obstacles, dans la fatigue et le repos, la commoditรฉ et la difficultรฉ mais celui-ci ne rรฉalise pas cette prรฉsence qui le protรจge et lโaccompagne, Allah ouvre tout grand les portes de Sa misรฉricorde et de Sa connaissance mais lโindividu demeure aveugle, ne sachant comment sโorienter vers cette main tendue qui lui lรจve les obstacles de la vie, qui lโรฉduque et le rend honnรชteย !
La sollicitude divine nโest pas fortuite dans la vie des gens, elle est accordรฉe selon es causes, des lois et des principes prรฉcis. Celui que le Crรฉateur gratifie de Sa sollicitude devra รชtre apte ร recevoir cette misรฉricorde divine, et celui ร qui Allah la refuse a dรฉjร perdu cette occasion pour lui-mรชme et perdu lโaptitude ร recevoir cette misรฉricorde.
La misรฉricorde divine nโest ne avare ni parcimonieuse, mais au contraire, inรฉpuisable. Cependant, les gens en bรฉnรฉficient, ร des degrรฉs divers, en fonction de leur mรฉrite, de leur aptitude ร la recevoir et de la largesse de leur cลur.
La sollicitude est une forme de la misรฉricorde divine qui sโรฉtend sans mesure sur Ses serviteurs. Ceux qui se sont รฉgarรฉs ne peuvent la recevoir, les croyants la reรงoivent selon la largesse de leurs cลurs, tout comme la pluie abondante qui descend du ciel sur la terre. Le rocher รฉlevรฉ nโen reรงoit rien, le sol dur en reรงoit peu et le sol friable la reรงoit en grande quantitรฉ quโil emmagasine pour produire des fruits savoureux. La diffรฉrence ne rรฉside pas dans la quantitรฉ dโeau tombรฉe du ciel, mais dans la nature du sol qui refuse ou accepte cette eau.
Cโest ainsi que sont les cลurs, ils se diffรฉrencient dans leur aptitude ร accepter ou ร refuser la misรฉricorde divine. Le degrรฉ dโaptitude dรฉpend de la volontรฉ et de lโaction humaines.
Il nโa pas, dans le fondement de la crรฉation, un รฉtat naturel de refus de la misรฉricorde divine. Cโest lorsque lโhomme se dรฉtourne dโAllah que son aptitude ร recevoir Sa misรฉricorde faiblit. Et sโil continue dans cette voie, elle tombe ร nรฉant, de maniรจre dรฉfinitive. Au contraire, si lโhomme se rapproche dโAllah, son cลur sโouvrira de plus en plus pour recevoir Sa misรฉricorde jusquโร parvenir au stade des vรฉridiques et des Amis dโAllah.
Le commandant des croyants (a.s) dit, pour illustrer cette relation entre le sollicitude et le rapprochement dโAllahย : ยซย Tout comme le corps et son ombre ne se sรฉparent pas, ainsi en est-il de la sollicitude et de la religionย ยป.
Allah le Trรจs-Haut dรฉfinit cette relation ainsiย :
ยซ Souvenez-vous et Je me souviendras de vousย !ย ยป.
(Al-Baqara, 2ย :152)
En opposition ร la sollicitude, il y a lโabandon, lorsque Allah dรฉlaisse lโindividu ร lui-mรชme, ร ses passions et ses dรฉsirs, celui-ci devient alors la proie de Satan. Rien ne le soutiendra lorsquโil devra affronter lโennemi qui est en lui-mรชme et ร lโextรฉrieurย : ยซ Si Dieu vous prรชte secours, personne ne vous vaincra. Sโil se dรฉsintรฉresse de vous, qui pourrait, alors, vous servir de soutienย ?ย ยป .