Abstract
Lโรฉtude et la connaissance du Coran sont aussi essentielles pour toute personne instruite que pour les croyants. Elles sont particuliรจrement utiles pour les chercheurs intรฉressรฉs par les sciences humaines puisque ce Livre intervient effectivement non seulement dans les destinรฉes des sociรฉtรฉs musulmans mais รฉgalement dans celles de lโhumanitรฉ toute entiรจre.
Un bref aperรงu historique suffira ร รฉtayer notre affirmation, celle quโaucun Livre nโa influencรฉ les sociรฉtรฉs humaines autant que ne le fit le Saint Coran. Son รฉtude est essentielle pour tout Musulman puisquโil est la principale source et le fondement de la croyance et de la pensรฉe religieuse.
ย Tout ce qui donne un sens, une essence et une sacralitรฉ ร sa vie se trouve dans le Livre Saint.
ย ย Le Coran nโest pas comme dโautres livres religieux qui se contentent de discuter des problรจmes de lโexistence de Dieu et de la crรฉation en termes รฉnigmatiques, ni comme ceux qui se limitent ร offrir des conseils et des recommandations morales, laissant ceux qui croient en eux aller rechercher la voie divine dans dโautres sources. Contrairement ร ces livres, le Coran formule ร la fois les principes de la foi et les idรฉes et donnรฉes essentielles pour le croyant. De mรชme, il expose les principes des valeurs morales et รฉthiques servant ร la vie sociale et familiale. Il dรฉlaisse la tache dโexpliquer, dโinterprรฉter et parfois celle de lโijthad et de lโapplication des principes (Usul) aux questions secondaires (furu) pour รชtres traitรฉes avec lโaide de lโijtihad et la Sunna. De ce fait, lโutilisation de toute autre source est dรฉpendante de la connaissance antรฉrieure du Coran. Il demeure le seul critรจre et la seule mesure pour juger les autres sources, cโest-ร -dire que nous devons juger les hadiths et la Sunna ร la lumiรจre du Coran et nous ne pouvons les accepter que sโils sโaccordent avec le Livre Saint.
ย ย Aprรจs le Coran, quatre autres livres tiennent une grande importance et sont perรงus par les Musulmans chiites comme รฉtant des sources sacrรฉes et authentiques, il sโagit dโAl-Kafi, Man la yahduruhul fagih, at-Tahdhib et al-Istibsar. Il a รฉgalement dโautres sources, telles Nahj al-Balagha et as-Sahifa as-Sajjadiya. Tous ces ouvrages sont cependant secondaires par rapport au Coran, et leur authenticitรฉ nโest pas aussi absolue. Un hadith dโal-Kafi ne peut รชtre jugรฉ vรฉridique que sโil est conforme au Coran et pour autant digne de confiance que ses termes sโaccordent avec les enseignements de Livre rรฉvรฉlรฉ. Le prophรจte (SAW) et les Imams infaillibles avaient affirmรฉ que leurs traditions doivent รชtre examinรฉes ร la lumiรจre du Coranย ; si elles nโy coรฏncident pas, elles doivent รชtre jugรฉes fausses et rejetรฉes puisquโils nโont rien dit pouvant aller contre les enseignements du noble Livre.
Approches pour la comprรฉhension du Coran
Pour une profonde comprรฉhension de tout livre, il est nรฉcessaire de lโรฉtudier de trois maniรจres diffรฉrentesย :
a- Son authentification
ย ย IL sโagit de dรฉterminer tout dโabord dans quelle mesure la relation dโun auteur ร un livre est authentique. Si nous voulons par exemple savoir si le Diwan de Hafiz est bien de cet auteur, nous examinons tous les manuscrits existants afin de relever ce qui est apocryphe.
ย ย La premiรจre รฉtape consiste donc ร comparer les manuscrits pour distinguer ce qui est authentique de ce qui ne lโest pas. Mais selon quels critรจres juge-t-on quโun manuscrit lโest ou nonย ? Par quelle logique lโauthenticitรฉ dโun ouvrage peut-elle รชtre affirmรฉe ou niรฉeย ?
ย Le Coran, pour sa part, est absolument dรฉpourvu de tous ces critรจres appliquรฉs aux livres de ce monde. Il est considรฉrรฉ comme รฉtant un livre exceptionnel et ce, depuis des temps trรจs anciens. Aucun autre livre nโa gardรฉ ce caractรจre authentique malgrรฉ son existence depuis plus de mille ans. Aucun nโa pu prรฉtendre que telle ou telle sourate รฉtait douteuse ou bien que tel ou tel verset se trouvait dans tel manuscrit mais manquait dans un autre. Le Coran se situe au-dessus de toute รฉtude de manuscrits. Il nโy a aucun doute sur le fait que tous les versets du Coran furent transmis ร Muhammad ibn Abdullah (SAW) qui les communiqua en tant que Paroles miraculeuses de Dieu. Personne ne peut prรฉtendre quโil existe ou quโil en a existรฉ quelque part une autre version, et aucun orientaliste ayant รฉtudiรฉ le Livre Saint ne rรฉussit ร trouver une quelconque omission ou ajout. Le Coran est absolument dรฉpourvu de toutes ces formes dโinvestigation appliquรฉes ร des livres tels que la Bible, la Thora, lโAvesta ou le Shahnameh de Firdowsi ou le Gulistan de Saโdi.
ย De plus, outre le fait que le Coran est lโune des Ecritures cรฉlestes et est considรฉrรฉ par ses disciples comme รฉtant la meilleure preuve de la prophรฉtie de Muhammad (SAW) et lโun de ses miracles le plus prodigieux, le Coran, contrairement ร la Thora, ne fut pas rรฉvรฉlรฉ en une seule fois et ne fut pas lโobjet de difficultรฉs ultรฉrieures pour distinguer le vrai manuscrit. Les versets du Coran furent progressivement rรฉvรฉlรฉs tout au long de vingt-deux ans.
ย ย Dรจs le premier jour, les Musulmans mรฉmorisรจrent ses versets avec toute leur ardeur et ils les prรฉservรจrent. En ce temps-lร , la sociรฉtรฉ musulmane, ne sachant ni lire ni รฉcrire, possรฉdait une prodigieuse mรฉmoire. Le message du Coran, si proche de leur sensibilitรฉ et de leur nature, sโimprรฉgna dans leurs cลurs comme des gravures sur la pierre.
ย Sachant quโil sโagissait de la Parole divine, ils la sacralisรจrent. Ils ne pouvaient, dรจs lors, se permettre dโaltรฉrer ni de remplacer, mรชme une lettre. Ils essayรจrent de se rapprocher dโAllah, Exaltรฉ soit-Il, en rรฉcitant ses versets.
ย ย ย Bien plus, il faut noter quโau temps de la Rรฉvรฉlation, le prophรจte (SAW) engagea des scribes chargรฉs de transcrire le Coran, connus sous lโappellation ยซย les scribes de la Rรฉvรฉlationย ยป.ย Cโest des mรฉrites du Coran que dโavoir รฉtรฉ transmis sans aucunes altรฉration ni changement de la Parole de Dieu, et cela est dรป en partie au fait dโavoir รฉtรฉ transcrit dรจs le dรฉbut.
ย ย Une autre raison explique la popularitรฉ de Saint Livre parmi les gens, il sโagit de son extraordinaire et exceptionnelle dimension artistique et littรฉraire dont lโรฉloquence favorisa la mรฉmorisation. Mais contrairement aux textes littรฉraires comme le Iwan de Hafiz ou les poรจmes de Rumi, que les admirateurs cherchent ร plagier, personne ne peut se permettre dโimiter le Texte sacrรฉย ; le Coran ayant dรฉclarรฉ dans un de ses versetsย :
ยซย Si (Muhammad) Nous avait attribuรฉ quelques propos (inexacts), Nous lโaurions, certes, saisi par la main droite et lui aurions sectionnรฉ lโaorteโฆย ยป (Al-Haqqatย : 44-46)
ย ย La gravitรฉ de ce pรฉchรฉ, telle que dรฉcrite par le Coran, marqua fortement les esprits et demeura un sรฉvรจre empรชchement ร entreprendre un pas dans ce sens. Avant mรชme que toutes sortes dโaltรฉrations puissent intervenir, ses versets furent souvent rรฉpรฉtรฉs, ร tel point quโil fut impossible dโรดter, dโajouter ou dโaltรฉrer un seul mot du Coran. Cโest la raison pour laquelle il nโest nul besoin de discuter de son authenticitรฉ. Cependant, il semble utile de rappeler quโร cause de la rapide expansion du domaine de lโislam et de la distance qui sรฉparait certaines rรฉgions de Mรฉdine, centre oรน se trouvaient les huffadh et les compagnons du Prophรจte, le danger dโaltรฉration du Coran a existรฉ. Mais une prompte dextรฉritรฉ et une attention soutenue de la part des Musulmans รฉloignรจrent ce danger. Avec lโaide des compagnons et des huffaz, ils firent en sorte dโรฉcarter toutes tentatives, voulues ou non, dโaltรฉrer la Parole divine et distribuรจrent des copies approuvรฉes du Coran ร toutes les contrรฉes nouvellement soumises ร lโIslam.
b- Lโรฉtude analytique
ย ย Au cours de cette รฉtape, il serait essentiel de comprendre, ร propos du Livre รฉtudiรฉย :
- le sujet traitรฉ
- les buts poursuivis
- la vision ou conception du monde, de lโhomme de la sociรฉtรฉ qui sโy trouve
- 4) le style utilisรฉ et la mรฉthode dโapproche de lโauteur, sโagit-il dโune approche intellectuelle, รฉrudite ou dโune approche toute particuliรจre ร ce Livreย ? Contient-il un message ou un appel adressรฉ ร lโhumanitรฉ pour suivre telle ou telle voieย ? Si oui, quel est le contenu de ce messageย ?
Le premier groupe de ces questions concerne la vision de lโhomme et lโunivers, la vie et la mort, etc.โฆ En terme de philosophe islamique, il traite deย al-hikmat al-nadhariyyahย (Sagesse thรฉorique). Le second volet concerne plutรดt la perspective du futur de lโhumanitรฉ et cโest en ces sens quโil sโagit dโun message.
ย ย Nous pouvons nous poser ce genre de questions ร propos de tous les livres, que ce soit ร propos du traitรฉ mรฉdical dโIbn Sina ou du Gulistan de Saโdi. Concernant le Coran, nous devons nous attacher ร analyser ร quelle sorte de problรจmes il sโattaque et de quelle faรงon il les traite. Quel argument utilise-t-il et quelle est son approcheย ? Le Coran, en tant que dรฉfenseur et protecteur de la foi et porteur dโun message religieux, considรจre-t-il la raison comme rivale ร ses enseignementsย ? Se retire-t-il dans une attitude dรฉfensive vis-ร -vis dโelle ou bien la juge-t-il comme un support et un alliรฉ pour la prรฉservation de la foiย ? Ces questions et des centaines dโautres soulevรฉes lors de lโรฉtude analytique nous aident ร comprendre le Coran.
c-Etude des sources
ย ย Aprรจs la vรฉrification de lโauthenticitรฉ dโun livre et lโanalyse de son contenu, nous passons ร lโรฉtape de savoir si les idรฉes avancรฉes par lโauteur sont originales ou bien empruntรฉes ร dโautres ouvrages. Il sโagit donc dโรฉtudier les sources de la pensรฉe de tel ou tel auteur et pour cela, cette derniรจre devra รชtre totalement comprise sinon le rรฉsultat serait faussรฉ, comme celui qui entreprendrait une รฉtude comparative des idรฉes dโIbn Sina et dโAristote sans quโau prรฉalable, les deux auteurs aient รฉtรฉ รฉtudiรฉs ร fond.
ย Le rรฉsultat dโune telle รฉtude oรน les similitudes et les diffรฉrences seraient notรฉes, serait superficiel. Pour entreprendre une รฉtude comparative, une connaissance large et profonde de la pensรฉe des auteurs en question est exigรฉe.
ย ย Pour lโรฉtude et la comprรฉhension du Coran, une รฉtude analytique doit รชtre suivie par un examen comparatif et historique. Le contenu du Coran devrait รชtre comparรฉ ร dโautres ouvrages contemporains, et notamment aux livres religieux. Pour mener ร bien cette รฉtude, il est indispensable de prendre en compte les conditions de vie de lโenvironnement de la pรฉninsule arabiqueย ; comme par exemple le nombre de personnes instruites vivant ร la Mecque ร cette รฉpoque. Cโest alors que nous pouvons estimer lโinfluence exercรฉe par dโautres livres et la production de cette influence sur le Coran, mais aussi si la maniรจre empruntรฉe ร dโautres livres fut utilisรฉe de maniรจre original ou non, ou mรชme si elle ne fut pas plutรดt rectifiรฉe et clarifiรฉe.
Trois traits distinctifs du Coran
ย Notre รฉtude du Coran nous affirme quโil bรฉnรฉficie de trois traits particuliersย : le premier concerne lโabsolue authenticitรฉ de sa source. Sans avoir besoin de le comparer ร dโautres manuscrits, il est รฉvident que les versets que nous rรฉcitons ร lโheure actuelle sont exactement les mรชmes que ceux rรฉvรฉlรฉs ร Muhammad (SAW)ย ; le second trait concerne son contenuย : son enseignement demeure original et nโa รฉtรฉ empruntรฉ ร aucune source, lโanalyse de son contenu aide ร le prouver. Le troisiรจme trait concerne son identitรฉ divineย : son enseignement fut rรฉvรฉlรฉ au prophรจte (SAW) ร partir dโun monde qui transcende son esprit et sa pensรฉe. Le prophรจte ne fut que le dรฉpositaire de cette rรฉvรฉlation et de ce message. En rรฉalitรฉ, lโรฉtude des sources du Coran et la confirmation de son originalitรฉ dรฉpendant de son analyse. Cโest pourquoi nous nous pencherons, dans les pages suivantes, sur cette forme dโรฉtude en exposant les sujets traitรฉs et les questions discutรฉes, quelles sont les questions prioritaires et comment celles-ci sont abordรฉes. Si nous, pourrons alors confirmer la troisiรจme caractรฉristique, celle de la nature divine du Coran, soit le fait quโil est un miracle divin.
Conditions nรฉcessaires ร lโรฉtude du Coran
ย ย La comprรฉhension du Coran nรฉcessite certaines exigences prรฉliminaires comme la connaissance de la langue arabe et de lโhistoire de lโIslam. En effet, contrairement ร la Bible et ร la Torah, le Coran fut rรฉvรฉlรฉ de faรงon progressive tout au long dโune pรฉriode de vingt-deux ans de la vie du prophรจte, pรฉriode assez tumultueuse de lโhistoire de lโIslam. Chaque verset du Coran se rapporte ร un fait historique et doit, de ce fait รชtre compris ร la lumiรจre des conditions de sa rรฉvรฉlation (shaโn-nuzul). Cependant, le sens du verset nโest pas limitรฉ ร celle-ci, au contraire, mais la connaissance des conditions particuliรจre de sa rรฉvรฉlation aide ร sa comprรฉhension. Il est รฉgalement indispensable de connaรฎtre les paroles du prophรจte (SAW). Dโaprรจs le Coran lui-mรชme, il est lโinterprรจte par excellence du Livre rรฉvรฉlรฉย :
ยซย (Cโรฉtaient des hommes) apportant des preuves et les Ecrituresย ยป (An-Nahlย :44) etย ยซย Cโest Lui qui a envoyรฉ chez les incultes un prophรจte issu dโeux qui leur rรฉcite ses versets, les purifie, leur enseigne le livre et la sagesse bien quโils aient รฉtรฉ antรฉrieurement dans une รฉvidente aberrationย ยป (Al-Jumiuโaย :2).
ย ย Le Coran affirme que le prophรจte (SAW) est lui-mรชme lโexรฉgรจte et lโinterprรจte du Coran. Tout ce qui nous est en est parvenu nous aide ร comprendre le Livre Saint.ย Pour les chiites qui croient en lโinfaillibilitรฉ des Imams (as) et que le prophรจte (SAW) a transmis son savoir ร ses successeurs spirituels (awsiya), les rรฉcits vรฉridiques qui nous sont transmis par les Imam (as) ont le mรชme degrรฉ dโauthentique que ceux du prophรจte (SAW). Et ainsi, les rรฉcits des Imams nous sont dโun grand secours pour la comprรฉhension du Coran.
Par ailleurs, nous devons constamment remarquer, lors de lโรฉtude du Livre rรฉvรฉlรฉ, que ses verset constituent un tout unique et intรฉgral, une structure cohรฉrente et unifiรฉeย ; si nous voulons comprendre isolรฉment un verset nous nโadoptons pas la bonne mรฉthode bien quโil soit parfois possible de saisir son sens de cette faรงon, car dโune maniรจre gรฉnรฉrale, les versets sโexpliquent les uns les autres. Tous les illustres commentateurs ont approuvรฉ cette mรฉthode, ainsi que les Imams infaillibles.ย Le Coran a une maniรจre spรฉcifique dโaborder certains sujets similaires. Par exemple, nous pouvons noter la distinction entre les versetsย muhkamatย et les versetsย mutashabihatย (ambigus) desquels les gens commun ont une conception bien particuliรจre. Certains croient que lesย muhkamatย sont des versets om les questions sont traitรฉes clairement et simplement et lesย mutashabihatย sont celles qui sont รฉnigmatiques et secrรจtes. A partir de lร , les gens se limitent ร vivre selon les versetsย muhkamat, pensant que les autres sont difficiles ร saisir.
ย ย Mais la question doit รชtre soulevรฉe. Quelle est la philosophie sous-jacente ร lโexistence des versetsย mutashabihatย ? Pourquoi le Coran comporte-t-il des versets incomprรฉhensiblesย ? La rรฉponse est simpleย : ni les versetsย muhkamatย ne signifient quโils sont clairs et simples, ni les versetsย mutashabihatย nโimpliquent quโils sont รฉnigmatiques. Y aurait-il des versets obscurs dans le Coranย ?
ย Le Coran le nie en tout cas, affirmant quโil sโagit dโun livre clair et comprรฉhensible, et dont les versets guident vers la voie divine et apportent la lumiรจre. Seulement, certaines questions traitรฉes se rapportent au monde mรฉtaphysique et transcendent, qui ne peut รชtre exprimรฉ en langage ordinaire. Comme le dit Sheik ash- Shabistariย :
ยซย Tout comme on peut enfermer les sens dans une lettre, on ne peut enfermer la mer infinie dans un rรฉcipientย ยป.
ย ย Puisque la langue du Coran est la mรชme que celle utilisรฉe par les gens, il รฉtait inรฉvitable que les termes utilisรฉs pour les thรจmes les plus sublimes soient les mรชmes que ceux que nous, humains, utilisons pour les choses terrestres. Cependant, afin dโรฉviter toute confusion ร propos de certains problรจmes, certains versets furent exposรฉs de maniรจre ร รชtre compris en se rรฉfรฉrent ร dโautres. Il nโy a pas dโautre issue. Par exemple, le Coran a voulu aborder la rรฉalitรฉ de ยซย la vision dโAllah par le cลurย ยป cโest-ร -dire le fait dโรชtre tรฉmoin de la prรฉsence divine par lโintermรฉdiaire de son propre cลur.
ย ย ยซย Le jour de la Rรฉsurrection il y aura des visages resplendissants, contemplant leur Seigneurย ยป (Al- Qiyama, 22-23).
ย ย Le Coran utilise ici un terme qui se rapporte ร la vue parce quโil nโexiste pas dโautre terme pouvant exprimer lโidรฉe voulue. Mais pour nous รฉviter toute confusion ou doute, il prรฉcise ailleursย :
ย ยซย Il est inaccessible aux regards, alors quโils Lui sont accessibles. Il est lโimpondรฉrable, le Bien informรฉย ยป (Al-Anโam, 103).
ย ย ย ย ย ย ย Ce second verset nous fait distinguer les deux sens dรฉgagรฉs du mรชme terme. Pour รฉviter toute confusion entre les sens terrestre et cรฉleste, le Coran nous demande de vรฉrifier lesย mutashabihatย avec leย muhkamat.
ย ย ยซย Cโest Lui qui tโa rรฉvรฉlรฉ le livre contenant des versets parachevรฉs – qui en sont la base- et des versets ambigusย ยป (Al-Imran, 7).
ย ย Le Coran indique donc que certains versets ne peuvent comporter de significations autres que ce quโils affirment. Ils sont laย ยซย mรจreย ยป du Livre (umm al-Kitab). Tout comme la mรจre est refuge de ses enfants ou la citรฉ cosmopolite (umm al-qura) le pivot des petites villes, les versetsย muhkamatย sont lโaxe des versets mutashabihat.ย ย Ces derniรจres doivent รชtre mรฉditรฉes et comprises ร la lumiรจre des premiรจres, sinon toute interprรฉtation est invalide.
Que signifie comprendre le Coranย ?
ย ย Au cours de lโanalyse du Coran, la premiรจre question que lโon pourrait se poser serait de savoir si le Coran peut รชtre รฉtudiรฉ et compris. Fut-il rรฉvรฉlรฉ pour รชtre รฉtudiรฉ ou juste pour รชtre lu et rรฉcitรฉ en vue dโobtenir la rรฉcompense et la rรฉmission de ses pรฉchรฉsย ? Poser cette question nโest pas totalement superflu puisque sont apparus du courant de pensรฉe, responsables du dรฉclin des Musulmans, mettant en cause la possibilitรฉ de comprendre le Livre Saint.
ย ย Trois ou quatre siรจcles plut tรดt, un groupe de Shiite a considรฉrรฉ que le Coran nโรฉtait pas une preuve (hujja) et parmi les quatre sources lรฉgales de la lรฉgislation (fiqh), le Coran, la Sunna, la raison et le consensus, ils ne reconnaissaient quโun seul. Considรฉrant lโijma, ils dรฉclarรจrent quโil fait partie de la tradition sunnite et quโils ne pouvaient sโy rรฉfรฉrer. Concernant la raison, ils maintinrent que celle-ci peut รชtre dans lโerreur et ร propos du Coran, ils jugรจrent quโil est tellement รฉlevรฉ et sublime qโun humble humain ne peut prรฉtendre ร le comprendre. Seuls le prophรจte et les Imams jouissent du privilรจge dโy accรฉder. Nous, simples humains, nโavons le droit que de le rรฉciter. Ce groupe, dรฉnommรฉ Akhbรขrรฎs, considรจre les hadiths et les traditions comme la seule source autorisรฉe du fiqh. Certains peuvent mรชme sโรฉtonner que dans quelques-uns de leurs ouvrages, seuls les versets auxquels sont rattachรฉs de hadiths est citรฉs.
ย ย Une telle attitude constitue un vรฉritable injuste envers le Coran. Une sociรฉtรฉ qui nรฉglige son Livre divin ne suit รฉvidement pas le chemin quโil a tracรฉ. Dโautres groupes ont รฉgalement vu la nรฉcessitรฉ dโรฉloigner le Coran de la comprรฉhension du commun des gens. Les Acharites considรจrent que sa connaissance nโimplique pas la mรฉditation de ses versets mais de les prendre ร la lettre, nโen retirant que leur signification apparente. Il est รฉvident quโune telle lecture ne peut quโentraรฎner des erreurs et de graves dรฉviations, car expliquer le sens des versets sans faire appel ร la raison mรจne ร lโadoption dโinterprรฉtations simplistes et superficielles de ces versets et ร de croyances erronรฉes comme par exemple, la personnification dโAllah le Tout- puissant ou dโautres mythes similaires, tels la possibilitรฉ de voir Allah le Trรจs- Haut et de Lui parler, etc.โฆ
ย ย A lโopposรฉ de ses groupes qui abandonnรจrent de fait le Coran, une autre tendance fit du Livre Saint un moyen de parvenir ร ses propres buts, en interprรฉtant ses versets en fonction de ses intรฉrรชts et en imputant au Coran des questions qui ne sโy trouvent pas. En rรฉpons ร ceux qui contestaient leur lecture, les adeptes de cette tendance avanรงaient quโils รฉtaient les seuls ร pouvoir saisir le sens รฉsotรฉrique des versets coraniques.
Deux groupes appartiennent ร cette tendanceย :
Les Ismaรฉlites connus รฉgalement sous lโappellation de Batinis, et de Sufis. La majoritรฉ des Ismaรฉlites se trouve en Inde, il y en a, en faible nombre, en Iran. Ils fondรจrent un empire en Egypte, le califat fatimide.
ย ย Bien que croyant en lโinfaillibilitรฉ de six Imams, ils ont, par rapport aux Shiites duodรฉcimains, plus รฉloignรฉs que les Sunnites qui eux, ne croient pas en lโImamat, car les croyances รฉsotรฉriques ont secrรฉtรฉ de multiples dรฉviations tant au niveau pratique quโau niveau intellectuel et spirituel.
ย ย Quant aux Sufis, ils ont รฉgalement dรฉformรฉ le sens de versets coranique en fonction de leurs propres croyances. Nous citerons en exemple le verset oรน Ibrahim (as) se montre ร sacrifier son fils Ismaeil qui, lui aussiย ; accepte le Vouloir divinย :
ย ยซย Lorsquโil fut en รขge dโaccompagner (son pรจre), celui-ci lui ditย : Mon cher fils, jโai vu en songe que je tโimmolais. Quโen penses-tuย ? โ Pรจre, dit lโenfant, exรฉcutรฉ lโordre que tu as reรงu. Tu verras, sโil plaรฎt ร Dieu, que je suis de ceux qui supportent (lโรฉpreuve)ย ยป (As-Safat, 102).
ย ย ย Il sโagit de souligner, dans ce verset, la soumission totale au Dรฉcret divin. Pour la mรชme raison, le pรจre et le fils sont prรชts ร exรฉcuter le commandement, stoppรฉ par la Volontรฉ de Dieu. Cet incident est interprรฉtรฉ par les Sufis qui voient dans Ibrahim la raison et dans Ismail lโรขme. Il sโagirait, pour eux, dโune allรฉgorie oรน la raison essaie dโรฉtouffer lโรขme humaine.
ย Une telle interprรฉtation ne peut รชtre que gratuite et dรฉviรฉe car basรฉe sur des caprices personnels mais le Prophรจte (SAW) avait dit ร ce sujetย : ยซย celui qui interprรจte le Coran selon son opinion doit sโattendre ร retrouver sa place en enferย ยป.
ย Le Coran, face ร lโattitude rigide des Akhbรขrรฎs et celle frivole des Batinis, offre une voie mรฉdiane, qui est celle de la rรฉflexion et de la mรฉditation saine. Il recommande dโentreprendre une รฉtude sincรจre et dรฉsintรฉressรฉe de ses versets, non seulement aux croyants mais aussi ร tous ceux qui le rejettent. Il rรฉclame la mรฉditation et non le parti pris dโavanceย : ยซย Ne mรฉditent-ils pas le Coranย ? (Auraient-ils) des cลurs cadenassรฉsย ?ย ยป (Muhammad, 24) et ยซย (Voici) un Livre bรฉni que Nous te rรฉvรฉlons pour quโon rรฉflรฉchisse sur ses versets et pour que les hommes douรฉs dโintelligence mรฉditent (son contenu)ย ยป (Sad, 29).
ย ย Le Coran, immensรฉment fructueux, prodigue des bienfaits. Il ne sโagit pas de le dรฉposer sur une รฉtagรจre mais lโรฉtudier. De nombreux versets incitent les humains ร le comprendre sans toutefois tomber dans lโinterprรฉtation personnelle et capricieuse. Si nous essayons de comprendre le Coran de faรงon honnรชte et objective, il nโest pas nรฉcessaire que nous arrivions ร rรฉsoudre tous les problรจmes quโil expose. En ce sens, le Coran est comme la nature. Dans la nature, de nombreux mystรจres ne sont pas encore expliquรฉs mais peuvent lโรชtre dans lโavenir. De plus, en รฉtudiant la nature lโhomme doit accorder sa pensรฉe ร la nature et non lโexpliquer comme bon lui semble. Il en est de mรชme pour le Coran qui ne fut pas rรฉvรฉlรฉ pour une pรฉriode donnรฉe, sinon ses systรจmes auraient รฉtรฉ dรฉvoilรฉs et il aurait perdu tout son attrait et son influence. En rรฉalitรฉ, le dรฉsir de le comprendre et de dรฉcouvrir les nouvelles dimensions quโil rรฉvรจle demeure toujours vivace.
ย ย Cette idรฉe fut soulignรฉe par le prophรจte (SAW) et les Imams (as). Le prophรจte (SAW) avait ditย :
ยซย Le Coran est semblable au soleil et ร la lune, comme eux, il est en mouvement perpรฉtuelย ยป et ยซย le Coran a une apparence รฉloquente et un intรฉrieur profondย ยป.
ย Dansย Uyun akhbar ar-Rida (as),ย on rapporte quโune question fut posรฉe ร lโImam as Sadiq (as) ร propos du Coran, dont la nouveautรฉ et la fraรฎcheur augmentent au fur et ร mesure quโil est rรฉcitรฉ. Il rรฉponditย : ยซย Car le Coran nโest pas rรฉservรฉ ร une รฉpoque ni ร un peuple particulierย ยป. Ayant รฉtรฉ rรฉvรฉlรฉ pour tous les รขges et tous les temps, il est ainsi composรฉ quโen dรฉpit des changements survenus sur le plan de la connaissance, il continue ร prodiguer des enseignements et des idรฉes pouvant satisfaire les besoins de toute รฉpoque.
II โ Etude du contenu du Coran
ย ย Il est bien รฉvident que si nous voulons รฉtudier tout le contenu du Coran, cela demanderait dโuser des tonnes de papier. Nous nous contenterons, dans cet article, de discuter des thรจmes gรฉnรฉraux puis de quelques sujets particuliers.
ย ย Le Coran a traitรฉ dโun groupe nombre de sujets mais en insistant sur certains, comme par exemple lโunivers et son Crรฉateur. Nous devons comprendre comment le Coran conรงoit Allah. Sโagit-il dโune conception philosophique ou gnostiqueย ? Traite-t-il de ce sujet comme le font la bible et la Thora, comme dans les livres des religions hindous ou bien en a-t-il une conception particuliรจre et indรฉpendanteย ?
ย ย Concernant lโunivers et la crรฉation, le Coran les considรจre-t-il comme le produit dโun jeu futile ou bien basรฉs sur une vรฉritรฉ cohรฉrenteย ? Considรจre-t-il lโunivers en mouvement rรฉgi par des lois et des principes ou bien nโest-il quโun phรฉnomรจne chaotique oรน rien ne semble รชtre la cause de quoi que ce soitย ? Parmi les sujets gรฉnรฉraux traitรฉs par le Coran se trouve celui de lโรชtre humain. La conception coranique de lโรชtre humain mรฉrite dโรชtre analysรฉe.
ย Sโagit-il dโune vision optimiste et positive ou pessimiste et nรฉgativeย ?
ย ย Lโhomme est-il pour le Coran, un รชtre mรฉprisable ou bien un crรฉature digne et nobleย ?
ย Concernant la sociรฉtรฉ humaine, nous devons savoir si le Coran la juge-t-il prioritaire ร lโindividu ou bien si elle lui est subordonnรฉe. Les sociรฉtรฉs sont-elles, pour le Coran, soumises ร des lois qui gouvernent leur vie te leur mort, leur avancรฉe ou leur dรฉclin, ou bien ces attributs ne concernent-ils que les รชtre humainsย ? Sa conception de lโhistoire nรฉcessite de mรชme dโรชtre clarifiรฉe. Quel est le pont de vue du Coran concernant lโhistoireย ? Quelles sont les forces qui contrรดlent la dynamique du processus historiqueย ? Dans quelles mesures lโindividu peut-il exercer une influence sur ce processusย ? Le Coran traite encore de nombreux autres sujets comme par exemple quelle idรฉe se fait-il de lui-mรชme, comment prรฉsente-t-il le prophรจte, comment voit-il le croyant (muโmin)ย et quelles en sont les caractรฉristiques.
a โ Le Coran vu par le Coran
ย ย La premiรจre et la plus importante qualitรฉ que le Coran sโaccorde ร lui-mรชme est que lโensemble de ses mots et phrases constituent la Parole dโAllah. Il annonce clairement que le prophรจte nโen est pas lโauteur, son rรดle a consistรฉ ร transmettre ce qui lui fut rรฉvรฉlรฉ par le truchement deย Ruh al-Qudusย (Gabriel), avec la permission dโAllah. Il expose sa propre mission qui consiste ร guider lโhumanitรฉ et ร la sortir des tรฉnรจbres vers la lumiรจreย :
ยซย Un livre que Nous te communiquons pour que tu fasses sortir, avec la permission de leur Seigneur, les gens des tรฉnรจbres vers la lumiรจre, vers la voie ( de Dieu) Tout Puissant et digne de louangeย ยป (Ibrahim,1).
ย ย Les tรฉnรจbres de lโignorance font assurรฉment partie des vices desquels le Coran libรจre lโhumanitรฉ pour la conduire ร la lumiรจre de savoir et de la sagesse. Cependant, si lโignorance รฉtait la seule a en fait partie, les philosophes auraient pu accomplir la tache. Il en existe dโautres et bien plus dangereux, que la science est incapable dโenrayer, comme par exemple la cupiditรฉ, lโรฉgoรฏsme, la soumission ร ses propres dรฉsirs et autres vices individuels. Dโautres concernant plutรดt la sociรฉtรฉ, tels lโoppression et la discrimination. En arabe, le termeย dulmunย (injuste) dรฉrive de la mรชme racine queย dulmunย (obscuritรฉ), indiquant que lโinjustice est une forme dโobscuritรฉ sociale et spirituelle. La responsabilitรฉ et la mission du Coran consistent ร lutter contre toutes ces formes de tรฉnรจbres.
ย Les exรฉgรจtes soulignent quโร chaque fois que le Coran mentionne lโobscuritรฉ, il le fait au pluriel,ย adh-dhulumat,ย alors que la lumiรจre,ย an-nur,ย est au singulier, expliquant que le termeย adh-dhulumatย inclut toutes les formes, toutes les voies menant ร lโobscuritรฉ, alors queย an-Nurย signifie la seule voie juste, celle de la droitureย ; les voies de la dรฉviation et la perversion sont รฉvidement nombreuses.
ยซย Dieu est la fondรฉ de pouvoir de ceux qui croient. Il les fait sortir des tรฉnรจbres vers la lumiรจre. Quant aux mรฉcrรฉants, leurs mandataires sont les dรฉmons qui les tireront de la lumiรจre pour les plonger dans les tรฉnรจbres. Ceux-lร sont vouรฉs au feu pour lโรฉternitรฉย ยป (al-Baqarah, 257).
ย Ainsi, le Coran dรฉtermine sa missionย : briser les chaรฎnes de lโignorance, de la perdition, de la corruption sociale et morale ou, en dโautres termes, guider lโhumanitรฉ en direction de la justice, la bontรฉ et la lumiรจre.
b- Le langage du Coran
ย La question se pose sur la maniรจre dโacquรฉrir une familiaritรฉ avec le langage du Coran et sa rรฉcitation. Certains pensent que sa rรฉcitation consiste ร le lire pour obtenir le pardon sans nรฉcessairement comprendre le sens de ses versets, comme ceux qui ยซย achรจventย ยป la rรฉcitation des dizaines de fois. Si nous demandons ร lโun dโeux de nous expliquer ce quโil a compris, il en sera incapable. La lecture du Coran en vue de comprendre son sens est nรฉcessaire, il ne sโagit pas uniquement dโobtenir le pardon.
ย ย Pour comprendre le Coran, il faut remplir certaines exigences. Alors que dโautres livres sont lus pour acquรฉrir des connaissances qui, souvent exigent un effort de la raison et des facultรฉs intellectuelles, le Coran doit รชtre รฉtudiรฉ dans le but de sโauto รฉduquer. Il lโexprime dโailleurs lui-mรชmeย :
ยซย Un livre bรฉni que Nous te rรฉvรฉlons pour quโon rรฉflรฉchisse sur ses versets et pour que les hommes douรฉs dโintelligence mรฉditent (son contenu)ย ยป (Sad, 29)
ย ย Lโune de ses fonctions est dโenseigner et dโรฉduquer. Pour ce faire, le Coran sโadresse ร la raison en termes logiques et dรฉductifs. Il utilise รฉgalement un autre langage qui sโadresse cette fois au cลur. Cโest le langage de la sensibilitรฉ. Quiconque voudrait connaรฎtre et se familiariser avec le Coran doit apprรฉcier et profiter de ces deux langages, ensemble, car toute sรฉparation entre eux ne peut que mener ร lโerreur et ร la mรฉsinterprรฉtation.
ย ย Ce que nous, appelons cลur nโest que la sensibilitรฉ profonde et immense qui gรฎt au fond de lโรชtre humain. Cโest ce quโon appelle aussi la sensation dโรชtre cโest-ร -dire la sensation dโappartenir ร lโexistence et ร lโEtre absolu. Quiconque sait parler avec le langage du cลur, lorsquโil sโadresse aux รชtres humains, peut faire vibrer les profondeurs de leur รชtre et de leur existenceย ; la raison nโest plus alors la seule ร รชtre influencรฉe mais lโexistence dans sa totalitรฉ. Pour illustrer notre propos, prenons en exemple la musique. La sโadresse, sous toutes ses formes, ร la sensibilitรฉ de lโhomme. Elle le plonge dans un univers particuliers de sensation variant en fonction des mรฉlodies.
ย ย La sensibilitรฉ et lโinstinct le plus noble de lโhomme sont sa sensibilitรฉ religieuse et sa nature innรฉe de la recherche de Dieu. Le Coran sโadresse ร cette noble et sublime sensibilitรฉ. Il nous recommande de le lire avec une voix mรฉlodieuse et agrรฉable. Cโest par cette voix cรฉleste que le Coran sโadresse ร la nature innรฉe de lโhomme et quโil lโattire ร lui. En parlant de lui-mรชme, le Coran dit quโil use de deux langages, celui de la logique et de la dรฉduction, et celui des sensations et de lโamourย ; car il nโest pas uniquement une nourriture pour la raison et lโintellect mais une nourriture pour lโรขme aussi.
ย ย Le Coran insiste sur sa propre mรฉlodie car elle exerce une grande influence sur la sensibilitรฉ de lโhomme. Il demande aux croyants de passer certaines nuits ร le psalmodier et de le rรฉciter au cours de leurs priรจres. Il sโadresse au prophรจteย :
ย ย ยซย ร toi qui tโes enveloppรฉ (dans les vรชtements) Lรจve-toi (pour prier) seulement une partie de la nuitย ยป (al-muzzammil, 1-2).
ย ย ย ย Lรจve toi et demande la protection dโAllahย ! Psalmodie le Coran au cours de ta priรจreย ; la psalmodie implique de na pas hรขter sa lecture afin que les mots ne sโenchevรชtrent pas, ce qui risque de nuire ร sa comprรฉhension, et ne pas le lire trรจs lentement au point de ne plus avoir conscience de la liaison entre les mots.
ย Cโest ร cause de la mรฉlodie du Coran que les Musulmans parvinrent ร garder leur courage, ร demeurer fermes et sincรจres et ร purifier leur intรฉrieur. Lโappel du Coran rรฉussit, en un temps trรจs court, ร transformer les esprits rigides et creux de la pรฉninsule arabique en fermes et croyants. Ces derniers parvinrent ร faire face aux plus puissantes autoritรฉs de leur รฉpoque. Les Musulmans ne pensaient pas que le Coran รฉtait un simple livre dโinstruction, mais plutรดt une nourriture pour lโรขme, une source de force et de foi. Au cours des nuits ils le rรฉcitaient, avec une intention sincรจre, et demandaient la protection de leur Seigneur, et pendant les jours ils se jetaient sur leurs ennemis tels des lions fรฉroces.
ย ย La vie du messager dโAllah (SAW) illustre notre propos. Il brandit le Coran, tout seul et sans appui, il mena sa rรฉvolution en sโappuyant sur lui, il lui apprรชta une armรฉe et des munitions et il parvint finalement ร faire plier et ร soumettre lโadversaire, attirant un ร un les membres de son armรฉe ennemie, qui sโinclinรจrent devant le message dโAllahย ; ainsi, la promesse dโAllah fut exรฉcutรฉe.
ย ย Lorsque le Coran dรฉcrit son langage comme รฉtant celui du cลur, il veut indiquer quโil sโagit du cลur quโil tend ร polir et รฉduquer par ses versets. Ce langage cet diffรฉrent de la musique qui alimente parfois les dรฉsirs et instincts humains, il est celui qui fit des nomades du dรฉserts des combattants desquels il fut ditย : ยซย Ils portรจrent leur clairvoyance au bout de leurs รฉpรฉesย ยป. Ceux-lร ne prenaient pas en compte leurs intรฉrรชts personnels, et bien quโils nโaient pat รฉtรฉ infaillibles ils reprรฉsentaient lโexpression ยซย debout la nuit pour prier et en รฉtat de jeune le jourย ยป. Ils รฉtaient constamment en profonde relation avec lโEtre, passant leur nuit dans lโadoration et leur jour dans le djihad.
ย ย Le Coran en tant que Livre sโadressant au cลur et ร lโรขme, incite ร la tristesse, fait couler les larmes et trembler les cลurs. Cette particularitรฉ sโapplique รฉgalement ร ceux qui croient dans les autres Livresย :
ยซย Ceux ร qui Nous avions donnรฉ lโEcriture antรฉrieurement y croient lorsquโon la leur rรฉcite, ils sโรฉcrient Nous y croyonsย ! Cโest la vรฉritรฉ รฉmanant de notre Seigneur. Nous รฉtions avant (cette rรฉvรฉlation) des (gens) soumisย ยป (Al-Qasas, 52-53).
ย ย Dans un autre verset, le Coran affirme quโau sein des Ahl al-Kitab, les Chrรฉtiens sont plus proches des Musulmans que les Juifs ou les idolรขtres. Il dรฉcrit ainsi un groupe de Chrรฉtiens ayant cru et devenus Musulmansย :
ยซย Lorsquโils entendent (la rรฉcitation) de ce qui a รฉtรฉ rรฉvรฉlรฉ ร lโEnvoyรฉ, on voit leurs yeux dรฉborder de larmes, par suite de la vรฉritรฉ quโils y reconnaissentย ; ils disentย : Seigneur, nous croyonsย ! Inscris-nous au nombre des tรฉmoinsย !ย ยป (Al-Maโida, 83).
Et ร propos des croyants en gรฉnรฉral, il ditย :
ยซย Dieu a rรฉvรฉlรฉ les paroles les plus belles (en) un livre dont les (versets) se ressemblent et se rรฉpรจtent. La peau de ceux qui craignent Dieu se crispe, au souvenir de Dieuย ยป (Az-Zumar, 23).
ย ย Dans ce verset et dans dโautres, le Coran indique clairement quโil nโest pas seulement un livre renfermant des connaissances et des analyses, mais quโau mรชme moment oรน il utilise les arguments logiques faisant appel ร lโintellect, il sโadresse aux sensibilitรฉs les plus subtiles de lโรขme humaine.
Ceux que le Coran interpelle
ย ย Un autre point notre attention pour la comprรฉhension du Coran. Il sโagit de savoir) qui il sโadresse. Nous y trouvons des expressions telles que ยซย la voie juste pour ceux qui craignent Allahโ, ยซย la voie juste et la bonne nouvelle pour ceux qui croientย ยป ou ยซย pour mettre en garde celui qui est vivantย ยป.
ย La question peut รชtre posรฉeย : de quelle bonne voie ont besoin ceux qui sont dรฉjร guidรฉs, les pieux et les justesย ? Par ailleurs, le Coran se dรฉcrit lui-mรชme en ces termesย :
ยซย Ce Coran est seulement un rappel adressรฉ aux mondes. Vous connaรฎtrez (la vรฉracitรฉ) de ce quโil annonce dans quelque tempsย ยป (Sad, 87-88).
ย ย Donc, fut-il rรฉvรฉlรฉ pour tous les gens ou seulement pour les croyantsย ?
ย En rรฉalitรฉ, nous pouvons affirmer que le Coran interpelle lโhumanitรฉ entiรจre, quiconque sโen rapproche peut รชtre sauvรฉ. Quant aux versets qui interpellent les croyants et les pieux, ils dรฉsignent ceux que le Coran va attirer vers lui, par opposition ร ceux qui vont sโen รฉloigner en fin de compte.
ย ย Le Coran ne se considรจre pas rรฉservรฉ ร une classe particuliรจre au sein de la sociรฉtรฉ humaine ni ne prรฉtend dรฉfendre les intรฉrรชts dโune classe contre une autre. Il affirme รชtre un Livre rรฉvรฉlรฉ pour รฉtablir la justice. A propos des messagers, il prรฉciseย :
ยซย (Par leur intermรฉdiaire) Nous avons rรฉvรฉlรฉ lโEcritureย ; Nous avons fait descendre la balance pour que les hommes observent lโรฉquitรฉโฆย ยป (Al-Hadid, 25).
ย Le Coran veut instaurer la justice pour toutes les sociรฉtรฉs humaines et non pour une classe ou un peuple au dรฉtriment des autres. Contrairement aux idรฉologies nationalistes, il nโattire pas les gens en excitant leurs appartenances tribales ou nationales et contrairement au marxisme, il ne sโappuie pas sur le profit et lโintรฉrรชt inhรฉrents ร lโรขme humaine pour les mener dans ce sens, car le Coran, lui, croit en sa conscience intrinsรจque. Cโest sur la base de son potentiel moral et sa nature attirรฉe par le vrai et la justice que lโhomme peut aller vers le progrรจs. Ainsi, le message communiquรฉ par le Prophรจte de lโIslam ne sโadresse pas aux ouvriers ou aux paysans, aux dรฉmunis ou aux opprimรฉs. Le Coran sโadresse ร tous, oppresseurs et opprimรฉs, et les incite ร suivre le chemin du vrai.
ย ย ย Le Prophรจte Mussa communiqua le message divin ร la fois ร Banu Israรซl et ร Pharaon, les invitant ร croire en Dieu et ร suivre son chemin. De mรชme, Muhammad (SAW) exposa son message ร la fois aux chefs de Quraysh et ร Abu Dharr et Ammar.
ย ย Le Coran cite de nombreux exemples oรน lโindividu se rรฉvolte contre lui-mรชme et retrouve le chemin du repentir. Il ne fait doute que le repentir de ceux qui avaient dans le luxe et lโopulence est plus difficile que celui des dรฉmunis et des opprimรฉs, ces derniรจres รฉtant enclins, de par leur situation, ร la voie de la justice, alors que les premiers devraient au prรฉalable se dรฉbarrasser de leurs profits et privilรจges.
ย ย Il affirme aussi que ses adeptes sont ceux qui ont la conscience claire te pur. Ils le sont ร cause de leur amour innรฉ de la vรฉritรฉ et de la justice et non pas ร cause de leurs penchants ou intรฉrรชt matรฉriels.
III -La raison vue par le Coran
ย ย ย Nous devons savoir si, pour le Coran, la raison constitue un appuie ou, comme disent les juristes, une autoritรฉ (hujja). Les รชtres humains doivent-ils respecter les jugements de la raison et agir conformรฉment ร euxย ? Et sโils le font et commettent parfois des erreurs, Dieu leur accordera-t-Il Son pardon ou nonย ? Et sโils ne le font pas, les chรขtiera-t-Ilย ?
a-Les preuves de lโautoritรฉ de la raison
ย ย Pour lโIslam, il est clairement รฉtabli que la raison est une autoritรฉ et un appui. Les savants lโont reconnu dรจs le dรฉbut, mise ร part une faible minoritรฉ, comme lโune des quatre sources de la jurisprudence.
ย ย Puisque le Coran est notre objet dโรฉtude, retournons ร lui pour chercher les preuves qui dรฉmontrent que la raison constitue une autoritรฉ. Le Coran le confirme de plusieurs maniรจres. Soixante-dix versets indiquent la nรฉcessitรฉ de rรฉflรฉchir ร propos de certaines questions.
ยซย Au regard de Dieu, les pires des bรชtes sont celles qui sont sourdes et muettes et qui ne raisonnent pasย ยป (Al-Anfal, 22).
ย ย Il est รฉvident quโil ne sโagit pas ici des sourds et des muets organiquement, mais de ceux qui refusent dโentendre la vรฉritรฉ et de la reconnaรฎtre par leur parole. Ceux qui ne raisonnent pas sont ceux qui ne profitent pas de leur rรฉflexion. Ceux-lร , ils ne mรฉritent pas dโรชtre appelรฉs รชtres humains.
ย ย Dans un autre verset, รฉvoquant lโUnicitรฉ, le Coran ditย :
ยซย Alors quโil nโappartient ร aucune รขme dโavoir la foi, sans la permission, de Dieuย ยป Il poursuitย :ย ยซย qui accablera dโopprobre ceux qui raisonnent pasย ?ย ยป (Yunus, 100).
ย ย ย ย ย Dans ces deux versets citรฉs en exemples, le Coran invite ร utiliser la raison. Dans dโautres, il confirme son autoritรฉ nรฉcessaire et demande, par exemple, ร lโadversaire, une preuve rationnelleย :
ยซย Dis-leurย : apportez votre preuve si vous รชtes vรฉridiquesย !ย ยป (Al-Baqara, 111) et veut dรฉmontre quโil reconnaรฎt lโautoritรฉ de la raison. A un autre endroit, il utilise un argument logique pour prouver lโUnicitรฉ de lโEtreย : ยซย Sโil y avait dโautres divinitรฉs que Dieu dans (le ciel et la terre), ces derniers eussent รฉtรฉ dans le chaosย ยป (Al-anbiya, 22).
ย Le Coran soutient donc le rรดle de la raison et rรฉfute le point de vue de certaines religions qui clament que la foi et la raison sont incompatibles et que, pour croire, il faut sโappuyer sur la sensibilitรฉ de cลur.
B โ la cause et lโeffet
ย ย Le Coran approuve lโautoritรฉ de la raison puisquโil dรฉfinit de nombreux problรจmes en termes de relations de causes ร effets. Cette loi de la causalitรฉ quโil utilise est un des fondements de la pensรฉe rationnelle. Bien quโil parle de Dieu, du Tout Puissant, comme le Crรฉateur du systรจme de la cause ร nโeffet, et que Sa parole transcende les limites de la causalitรฉ, le Coran nโรฉvite pas de mentionner la cause et lโeffet des phรฉnomรจnes de ce monde, intรฉgrant les faits et les รฉvรฉnements dans le cadre de cette loi.
ยซย Dieu, en effet, ne modifie nullement lโรฉtat dโun peuple, tant que les individus (qui le composent) ne modifient pas ce qui est en eux-mรชmesย ยป (Ar-Raโd, 11).
ยซย Que de citรฉs Nous avons fait pรฉrir โ pour leur injustice โ (et qui subsistent encore) affaissรฉes sur elles โmรชmesย ; que de puits comblรฉs, que de palais (puissamment) รฉdifiรฉs (sont maintenant dรฉserts) Ne voyagent-ils pas sur la terre pour avoir des cลurs aptes ร comprendre et des oreilles aptes ร entendreย ?ย ยป (Al-Hajj, 45-46).
ย ย Le Coran invite les Musulmans ร รฉtudier les conditions et les circonstances de la grandeur et de la chute des sociรฉtรฉs passรฉes pour en tirer des leรงons. Si elles avaient vรฉcu au hasard, accidentellement, lโรฉtude deviendrait inutile. Lโinsistance du Coran ร relier les effets aux causes dans le dรฉroulement de lโhistoire montre la place quโil accorde ร la raison, en utilisant une de ses mรฉthodes et en appelant ร lโรฉtudier pour en tirer des leรงons.
C โ La base rationnelle des Commandements divins
Un autre argument prouvant que le Coran admet lโautoritรฉ de la raison est quโil exprime toujours le pourquoi des lois et prรฉceptes divinsย ; les savants des usul (fondements de la loi) soutiennent que les bรฉnรฉfices et les dommages causรฉs par les actes humains font partie des causes qui sous-tendent les lois et les commandements. Par exemple, lorsquโร un endroit, le Coran ordonne lโaccomplissement de la priรจre, il explique, ร un autre, la philosophie de cet acte dโadorationย :
ยซย En vรฉritรฉ, la priรจre empรชche (de se livrer ร ) la turpitude et (de commettre des abominationsย ยป (Al-Ankabut, 45).
ย ย Il รฉvoque les effets spirituels de la priรจre et explique comment elle รฉlรจve lโhomme. Ailleurs, il cite le jeune, lโordonne et ditย : ยซย Il vous a รฉtรฉ prescrit de jeunet ร lโinstar de ceux qui vous ont prรฉcรฉdรฉs, afin que vous soyez en รฉtat de piรฉtรฉย ยป (al-baqara, 183).
ย De mรชme, pour les autres commandements, tels que la Zakat ou le djihad, le Coran explique leur nรฉcessitรฉ, que ce soit pour les individus ou pour la sociรฉtรฉ. En ce sens, le Coran, sans nier la nature transcendante des commandements divins, montre leur dimension terrestre et demande aux hommes dโy rรฉflรฉchir et de les comprendre afin de ne pas les imaginer comme รฉtant basรฉs sur des notions occultes et dรฉpassant lโentendement humain.
d โ Combattre les dรฉviations de la raison
ย ย Tout en affirmant lโimportance de la raison, le Coran en combat les dรฉviations quโelles peuvent susciter. Il est nรฉcessaire, pour expliquer cette question, dโexposer quelques idรฉes prรฉalablesย :
ย Lโesprit humain peut, ร maintes reprises, tomber dans lโerreur, tout comme le peuvent les sens et les sentiments.
ย En ce qui concerne la raison, lโhomme peut bien dรฉtruire une question, arriver ร une conclusion et sโapercevoir que sa dรฉduction รฉtait fausse. Nous nous posons alors la questionย : faut-il supprimer le rรดle de la raison ร cause de telles erreurs de ou bien nos faut-il trouver des moyens qui empรชchent la raison de succomber ร lโerreurย ? Alors que les sophistes approuvent lโidรฉe de la suppression du rรดle de la raison dans lโargumentation, de nombreux philosophes ont cherchรฉ les moyens de lโempรชcher ร commettre des erreurs. Ils obtinrent quelques rรฉsultats avec la logique formelle (Aristote) et la logique gรฉnรฉrale (Bacon, Descartes). Cependant, certains seraient bien compris surpris de constater que le Coran a exposรฉ certains principes pour prรฉvenir les erreurs du raisonnement.
e โ les sources e lโerreur dโaprรจs le Coran
ย ย Parmi les nombreuses sources dโerreur mentionnรฉes dans le Coran, il a celle qui consiste ร prendre lโhypothรจses et la conjecture pour de le certitude. Si lโhomme admet le principe de nโรชtre convaincu que par la certitude, il ne peut tomber dans lโerreur. Cโest ce que confirme le Coran ร plusieurs reprises de la conjecture et de lโhypothรจse. Sโdressant au prophรจte (SAW), le Coran ditย :
ยซย Si tu suivais les avis de la plupart de ceux qui vivent sur terre, ils te feraient perdre le chemin de Dieu, car ils ne suivent que des conjectures et des suppositionsย ยป (al-Anโam, 116) et aussiย :
ยซย Nโaccuse pas sans connaissance de causesย ยป (al-Isra, 36).
ย ย Cโest la premiรจre fois quโune telle recommandation est adressรฉe ร lโhumanitรฉ, la mettant en garde contre une telle erreur.
ย ย La deuxiรจme source dโerreur relative aux affaires sociales est lโimitation. Certains font confiance et acceptent toutes les croyances courantes de leur sociรฉtรฉ. Ils les admettent parce que leurs ancรชtre y ont cru.