Abstract
Sourate (40)ย : Le pardonneur (Gafir)
A- La Sourate
Au Nom d’Allah, le Clรฉment, le Misรฉricordieux
1- ยซย Ha Mim.ย ยป
2. ยซย La rรฉvรฉlation du livre vient d’Allah, le Puissant, celui qui saitย ยป
3-ยซ ย Celui qui pardonne le pรฉchรฉย ; celui qui accueille le repentirย ; celui qui est redoutable dans son chรขtimentย ; celui qui est plein de longanimitรฉ. Il nโy a de Dieu qui Luiย ! Vers Lui sera le retour.ย ยป
4-ยซ ย Seuls, les incrรฉdules discutent les signes de Dieu .Que leur agitation ย ย dans ce pays ne te trouble pasย !ย ยป
5-ยซ ย Avant eux, le peuple de Noรฉ et les factieux ensuite, ont criรฉ au mensonge. Les membres de chaque communautรฉ avaient conรงu le dessein de s’emparer de leurs prophรจtes respectifs.
Ils ont usรฉ d’arguments faux pour rejeter la Vรฉritรฉ.
Je les ai donc saisis. Quel fut alors Mon chรขtimentย !ย ยป
6-ยซ ย Voilร comment se rรฉalise la Parole de ton Seigneur contre
les incrรฉdulesย : ils seront les hรดtes du Feu.ย ยป
7-ยซ ย Ceux qui portent le Trรดne et ceux qui se tiennent autour cรฉlรจbrent les louanges de leur Seigneur. Ils croient en Lui, ils implorent Son pardon pour les croyantsย : ยซNotre Seigneurย ! Tu embrasses toute chose en Ta Misรฉricorde et en Ta Scienceย : pardonne ร ceux qui reviennent repentants vers Toi; ร ceux qui suivent Ton cheminย ! รpargne-leur le chรขtiment de la Fournaiseย !ย ยป
8-ยซ ย Notre Seigneurย ! Introduis-les dans ces Jardins dโEden que Tu leurs as promisย ; ainsi quโร ceux de leurs pรจres, de leurs รฉpouses et de leurs descendants qui sont justes. Tu es le Tout-Puissant, le Sageย !ย ยป
9-ยซ ย Celui que Tu prรฉserves aujourdโhui des mauvaises actions bรฉnรฉficie de Ta Misรฉricordeย : Voilร le bonheur sans limitesย !ย ยป
10-ยซ ย On criera aux incrรฉdulesย : ยซLa haine de Dieu envers vous est plus grande que votre haine envers vous-mรชmes, quand vous restiez incrรฉdules alors que vous รฉtiez appelรฉs ร la foiยป.
11-ยซ ย Ils dirontย : ยซNotre Seigneurย ! Tu nous as fait mourir deux fois et deux fois Tu nous as fait revivre. Nous reconnaissons nos pรฉchรฉs; existe-t-il un chemin pour sortir d’ici?ยป.
12-ยซ ย Il en est ainsi, parce que vous รชtes restรฉ incrรฉdules lorsque Dieu, lโUnique, รฉtait invoquรฉย ; mais si des associรฉs Lui sont donnรฉs, vous croyez en eux. -Le Jugement appartient ร Dieu, le Trรจs-Haut, le Trรจs Grandย !ย ยป
13-ยซย Cโest Lui qui vous montre Ses Signes et qui fait descendre du ciel de quoi pourvoir ร vos besoins. Seul se souvient de Lui celui qu revient repentant vers Lui.ย ยป
14-ยซ ย Invoquez Dieu en Lui rendant un culte pur en dรฉpit des incrรฉdules.ย ยป
15-ยซ ย Il est Celui qui est รฉlevรฉ aux degrรฉs les plus hauts. Le Trรดne Lui appartient. LโEsprit qui provient de Son commandement, IL le lance sur qui IL veut parmi Ses serviteurs avec la mission dโavertir les hommes du Jour de la Rencontreย ;ย ยป
16-ยซ ย du Jour oรน ils comparaรฎtront.- Rien de ce qui les concerne ne sera cachรฉ pour Dieu – ยซร qui donc la Royautรฉ appartiendra-t-elle en ce Jour ? – ร Dieu, l’Unique, le Dominateurย ยป
17-ยซ ย Tout homme, ce Jour-lร sera rรฉtribuรฉ pour ce quโil aura accomplir. Nulle injustice ne subsistera ce Jour-lร ย : Dieu est prompt dans Ses comptes.ย ยป
18-ยซ ย Avertis-les du Jour qui approcheย : Les coeurs seront angoissรฉs jusqu’ร serrer les gorges; les injustes ne trouveront aucun ami zรฉlรฉ, aucun intercesseur susceptible d’รชtre รฉcoutรฉ.ย ยป
19-ยซย Dieu connaรฎt la perfidie des regards et ce qui est cachรฉ dans les cลurs.ย ยป
20-ยซ ย Dieu juge en toute Justice, tandis que ceux quโils invoquent en dehors de Lui, ne jugent rien. Dieu est celui qui entend et qui voit parfaitementย ยป
21-ยซ ย Ne parcourent-ils pas la terreย ? Ne voient-ils pas quelle a รฉtรฉ de ceux qui vรฉcurent avant euxย ? Ceux-ci รฉtaient plus redoutables qu’eux par la force, et par les traces qu’ils ont laissรฉes sur la terre.
Dieu, cependant, les a saisis ร cause de leurs pรฉchรฉs, et ils n’ont pas trouvรฉ de protecteur contre Dieu.ย ยป
22-ยซ ย Il en est ainsi, parce quโil restรฉs incrรฉdules, lorsque leurs prophรจtes leur ont apportรฉ des preuves dรฉcisives. Dieu les a donc saisisย : IL est Fort et Redoutable dans Son chรขtimentย !ย ยป
23-ยซ ย Nous avons envoyรฉ Moise avec Nos Signes et un pouvoir incontestableย ยป
24- ยซย ร Pharaon, ร Hamann et ร Corรฉ. Ils disentย : ยซC’est un sorcier, un imposteurยปย ยป.
25-ยซ ย Mais quand il leur apporta la Vรฉritรฉ รฉmanant de Nous, ils direntย : ยซTuez les fils de ceux qui croient comme lui, et laissez vivre leurs fillesยป. – La ruse des incrรฉdules ne fait que les รฉgarerย ยป
26-ยซ ย Pharaon ditย : ยซLaissez-moi tuer Moรฏseย ! Qu’il invoque donc son Seigneurย ! Je crains qu’il n’altรจre votre religion et qu’il ne sรจme la corruption sur la terreยป.ย ยป
27-ยซ ย Moรฏse ditย : ยซJe cherche la protection de mon Seigneur et votre Seigneur contre tout orgueilleux qui ne croit pas au Jour du Jugementยป.ย ยป
28-ยซ ย Un homme croyant, qui appartenait au peuple de Pharaon et qui cachait sa foi, ditย : ยซTuerez-vous un homme parce qu’il a ditย : ยซย Mon Seigneur est Dieuย !ย ยป alors qu’il vous a apportรฉ des preuves รฉvidentes de la part de votre Seigneur? S’il est menteur, son mensonge retombera sur lui; s’il dit la vรฉritรฉ, ce dont il vous menace vous atteindra. – Dieu ne dirige pas celui qui est pervers et menteurย ยป
29- ยซย ร mon peupleย ! La royautรฉ vous appartient aujourd’hui et vous triomphez sur la terre; mais qui donc nous dรฉlivrera de la rigueur de Dieu quand elle nous atteindra?ยป Pharaon ditย : ยซJe ne vous montre que ce que j’ai vu moi-mรชme. Je ne vous dirige que sur le chemin de la rectitudeยป.
30-ยซ ย Celui qui รฉtait croyant ditย : ยซร mon peupleย ! Oui, je crains pour vous un jour semblable ร celui des factieux;ย ยป
31-ยซ ย un sort semblable ร celui du peuple de Noรฉ, des ‘Ad, des Thamoud et de ceux qui vรฉcurent aprรจs eux. – Dieu ne tolรจre pas l’injustice envers ses serviteursย !ย ยป
32- ยซย ร mon peupleย ! Oui, je crains pour vous le Jour oรน les hommes s’interpelleront les uns les autres;ย ยป
33-ยซ ย le Jour oรน vous vous dรฉtournerez. Vous ne trouverez, alors, aucun dรฉfenseur contre Dieu. Personne ne dirige celui que Dieu รฉgareยป.
34-ยซ ย Joseph leur avait autrefois apportรฉ des preuves dรฉcisives; vous n’avez pas cessรฉ d’en douter; mais, lorsqu’il eut disparu, vous avez ditย : ยซDieu n’enverra plus jamais de prophรจte aprรจs luiยป.ย Dieu รฉgare celui qui est pervers et celui qui douteย ยป
35-ยซ ย Ceux qui discutent au sujet des Signes de Dieu sans en avoir reรงu mandat, provoquent la grande haine de Dieu et des croyants. Dieu met un sceau sur le coeur de tout tyran orgueilleuxย ยป
36-ยซ ย Pharaon ditย : ยซร Hamannย ! Construis-moi une tour pour que j’atteigne les cordes,ย ยป
37-ยซ ย les cordes cรฉlestes et je monterai vers le Dieu de Moรฏse. Je pense que celui-ci est menteurย !ยป. Ainsi, la mauvaise action de Pharaon a รฉtรฉ revรชtue, ร ses propres yeux, d’apparences trompeuses. Il fut รฉcartรฉ du chemin droit; mais la ruse de Pharaon a รฉtรฉ anรฉantieย ยป.
38-ยซ ย Celui qui รฉtait croyant ditย : ยซร mon peupleย ! Suivez-moiย ! Je vous dirigerai sur le chemin de la rectitude.ย ยป
39- ยซย ร mon peupleย ! La vie de ce monde n’est qu’une jouissance รฉphรฉmรจre. La vie future est la demeure de la stabilitรฉ.ย ยป
40-ยซ ย Celui qui commet une mauvaise action ne sera rรฉtribuรฉ que par un mal รฉquivalent. Quiconque, homme ou femme, fait le bien en รฉtant croyant … Voilร ceux qui entreront au Paradis oรน ils recevront de tout ร profusionย ยป.
41- ยซย ร mon peupleย ! Pourquoi vous appellerais-je au salut, alors que vous m’appelez au Feu ?ย ยป
42-ยซ ย Vous m’appelez ร l’incrรฉdulitรฉ envers Dieu, au polythรฉisme dont je n’ai aucune connaissance, mais moi, je vous appelle auprรจs du Tout-Puissant, auprรจs de celui qui ne cesse de pardonnerย ยป.
43-ยซ ย Celui auprรจs duquel vous m’appelez ne peut, sans aucun doute, รชtre invoquรฉ ni en ce monde, ni dans la vie future. Oui, notre retour sera vers Dieu et les pervers deviendront les hรดtes du Feu.ย ยป
44-ยซ ย Vous vous souviendrez de ce que je vous disย : je confie mon sort ร Dieu. Dieu voit parfaitement ses serviteursยป.
45-ยซ ย Dieu prรฉserva ce croyant de leurs mรฉchantes ruses, et les gens de Pharaon, IL les enveloppa du chรขtiment le plus durย :ย ยป
46-ยซ ย le Feu. ย Ils y seront exposรฉs, matin et soir, et l’on dira, le Jour oรน se dressera lโHeureย : ยซIntroduisez les gens de Pharaon au sein du chรขtiment le plus durยป.ย ยป
47-ยซ ย Lorsqu’ils se disputeront dans le Feu, les faibles diront aux orgueilleuxย : ยซNous vous avons suivis; pouvez-vous, maintenant, nous prรฉserver d’une partie de ce Feu?ยป
48-ยซ ย Les orgueilleux dirontย : ยซNous y sommes plongรฉsยป. Dieu juge Ses serviteursย ยป
49-ยซ ย Ceux qui seront dans le Feu diront aux gardiens de la Gรฉhenneย : ยซPriez votre Seigneur de diminuer d’un jour notre chรขtimentยป.
50-ยซ ย Les gardiens dirontย : ยซVos Prophรจtes ne vous ont-ils pas apportรฉ des preuves dรฉcisives?ยป Ils rรฉpondrontย : ยซOui, ils sont venusย !ยป Les gardiens dirontย : ยซInvoquez Dieuย !ยป mais la priรจre des incrรฉdules n’est quโaberrationย !ย ยป
51-ยซ ย Nous secourons nos prophรจtes et ceux qui auront cru durant leur vie en ce monde, comme le Jour oรน les tรฉmoins se dresserontย : par les injustes leur seront inutiles. Ils seront alors maudits. La pine des demeures leur est destinรฉeย ยป.
52-ยซ ย Le Jour oรน les excuses prรฉsentรฉes par les injustes leur seront inutiles. Ils seront alors maudits. La pire des demeures leur est destinรฉe.ย ยป
53-ยซ ย Nous avons donnรฉ la Direction ร Moiseย ; Nous avons donnรฉ en hรฉritage aux fils dโIsraรซl le livreย ยป
54-ยซ ย comme une Direction et un Rappel adressรฉ aux hommes douรฉs dโintelligence.ย ยป
55-ยซ ย Sois constantsย ! La promesse de Dieu est vraie. Demande pardon pour ton pรฉchรฉ. Cรฉlรจbre, soir et matin, les louanges de ton Seigneursย !ย ยป
56-ยซ ย Ceux qui discutent au sujet des Signes de Dieu sans en voir reรงu mandat, nโa que de lโorgueil dans leurs cลursย ; ils nโatteindront pas leur but. Cherche la Protection de Dieu; IL est celui qui entend et qui voit toutย ยป.
57-ยซ ย La Crรฉation des ceux et de la terre est quelque chose de plus grand que la crรฉation des hommesย : mais la plupart dโentre eux ne savent pas.ย ยป
58-ยซ ย Lโaveugle et celui qui voit clair ne sont pas รฉgaux.
Ceux qui croient et qui accomplissent des oeuvres bonnes ne peuvent รชtre comparรฉs ร celui qui fait le mal. ย – Petit est le nombre de ceux qui rรฉflรฉchissentย ยป
59-ยซ ย Oui, sans aucun doute, lโHeure approcheย ; mais la plupart des hommes sont incrรฉdules.ย ยป
60-ยซ ย Votre Seigneur a ditย : ยซInvoquez-moi et Je vous exaucerai. Ceux qui, par orgueil, refusent de m’adorer entreront bientรดt, humiliรฉs, dans la Gรฉhenneยป.
61-ยซ ย Cโest Dieu qui a disposรฉ pour vous la nuit afin que vous vous reposiez, et le jour, pour vous permettre de voir clair. Dieu est le Maรฎtre de la grรขce envers les hommes; mais la plupart d’entre eux ne sont pas reconnaissantsย ยป.
62-ยซ ย Tel est Dieu, votre Seigneur, le Crรฉateur de toute chose. Il nโy a de Dieu que Lui. – Comme vous รชtes stupidesย !ย ยป
63-ยซ ย Cโest ainsi que se dรฉtournent ceux qui nient les Signes de Dieu.ย ยป
64-ยซ ย Dieu est celui qui a รฉtabli pour vous la terre comme une demeure stable et le firmament comme un รฉdifice. IL vous a modelรฉs selon une forme harmonieuse. IL vous a accordรฉ d’excellentes nourritures. Tel est Dieu, votre Seigneurย ! Bรฉni soit Dieu, le Seigneur des mondesย !ย ยป
65-ยซ ย IL est le Vivantย ! Il n’y a de Dieu que Lui. Invoquez-le en Lui rendant un culte pur. Louange ร Dieu, le Seigneur des mondesย ยป.
66-ยซ ย Disย : ยซย Lorsque les preuves dรฉcisives me sont venues de la part de mon Seigneur, il mโa รฉtรฉ interdit dโadorer ceux que vous invoquez en dehors de Dieuย ; et il mโa รฉtรฉ ordonnรฉ de me soumettre au Seigneur des mondesย ยป.
67-ยซ ย Cโest Lui qui vous a crรฉรฉs de terre, puis dโune goutte de spermeย ; puis dโun caillot de sang. IL vous a fait ensuite surgir petit enfant pour que vous atteigniez plus tard votre maturitรฉ, pour que vous deveniez des vieillards – certains d’entre vous meurent plus tรดt – et pour que vous parveniez ร un terme fixรฉ. – Peut-รชtre comprendrez-vousย ?ย ยป
68-ยซ ย Cโest Lui qui donne la vie et qui fait mourir. LorsquโIL dรฉcrรจte une chose, IL lui ditย : ยซย Soisย !ย ยป et elle estย ยป
69-ยซ ย Ne vois-tu pas ceux qui discutent les Signes de Dieuย ? Ils sont รฉcartรฉs de Lui.ย ยป
70-ยซ ย Ceux qui ont traitรฉ de mensonge le Livre et les messages de nos prophรจtes sauront bientรดt,ย ยป
71-ยซ ย lorsque, carcan au cou, ils seront traรฎnรฉs avec des chaรฎnesย ยป
72-ยซ ย dans lโeau bouillante, et prรฉcipitรฉs dans le Feuย ยป
73-ยซ ย On leur diraย : ยซย Oรน sont donc ceux que vous avez associรฉs ร Dieuย ?ย ยป
74-ยซ ย Ils rรฉpondrontย : ยซย Ils se sont รฉcartรฉs de nous, ou, plutรดt, nous nโinvoquions auparavant que le nรฉantย ยป Voilร comment Dieu รฉgare les incrรฉdulesย !ย ยป
75-ยซ ย Il en est ainsi pour vous, parce que vous vous rรฉjouissiez sans raison sur la terre, et parce que vous รฉtiez orgueilleuxย ยป
76-ยซ ย Franchissez les portes de la Gรฉhenne pour y demeurer immortels. Combien est dรฉtestable le sรฉjour des orgueilleuxย !ย ยป
77-ยซ ย Sois constantย ! Oui, la promesse de Dieu est vraie. Soit que Nous te montrions une partie de ce dont Nous les menaรงons, soit que Nous te fassions mourir auparavant, ils seront ramenรฉs vers Nous.ย ยป
78-ยซ ย Nous avons envoyรฉ des prophรจtes avant toi. Il en est parmi eux dont Nous t’avons racontรฉ l’histoire, et d’autres, dont Nous ne t’avons pas racontรฉ l’histoire. Nul prophรจte n’est venu avec un Signe sans la permission de Dieu. Quand l’Ordre de Dieu vient, tout est dรฉcrรฉtรฉ selon la Vรฉritรฉ. Ceux qui profรจrent des mensonges sont alors perdus.ย ยป
79-ยซ ย Dieu est celui qui a crรฉรฉ pour vous les animaux, afin que certains dโentre eux vous servent de montures, et dโautres de nourritureย ยป
80-ยซ ย Afinย ; aussi, que vous y trouviez des produits utiles, et que, grรขce ร eux, vous puissiez satisfaire les dรฉsirs de vos cลurs. Ils vous servent, ainsi que les bateaux, de moyens de transport.ย ยป
81-ยซ ย Dieu vous montre Ses Signes. Quels sont donc les Signes de Dieu que vous nierezย ?ย ยป
82-ยซ ย Ne parcourent-ils pas la terreย ? Nโont-ils pas considรฉrรฉ quelle a รฉtรฉ la fin de ceux qui vรฉcurent avant euxย ? Ceux-ci รฉtaient cependant plus nombreux et plus redoutables qu’eux, par la force et par les traces qu’ils ont laissรฉes sur la terre. Mais ce qu’ils avaient acquis ne leur a servi ร rien.ย ยป
83-ยซ ย Quand leurs prophรจtes leur apportaient des preuves dรฉcisives, ils se rรฉjouissaient de la science quโils dรฉtenaientย : mais ils furent enveloppรฉs par ce dont ils se moquaient.ย ยป
84-ยซ ย Lorsquโils vient ensuite Notre violence, ils direntย : ยซย Nous croyons en Dieu, lโUnique. Nous ne croyons pas ร ceux que nous Lui avons associรฉsย ยป
85-ยซ ย Mais leur foi ne leur a servi ร rien, aprรจs quโils eurent constatรฉ Notre rigueur. Cโest lร , depuis longtemps, la faรงon dโagir de Dieu envers Ses serviteurs. – Les incrรฉdules ont alors tout perduย ยป
* * *
Cette Sourate de 85 versets est souvent nommรฉe Sourateย Ghรขfirย (L’Indulgent), attribut divin par lequel dรฉbute le troisiรจme verset. Elle fait partie des sept Souratesย [1]ย dites lesย Hawรขmรฎm, parce qu’elles commencent par les initialesย Hย (Hรข’) M (Mรฎm).[2]ย Les interprรฉtations de ces initiales sont nombreuses et divergentes.
Certains commentateurs du Coran (comme al-Qaradhรฎ) avancent que ces initiales (H. M.) signifientย : ยซJe jure parย Hilmihiย (Son Indulgence) etย Molkihiย (Son Royaume) qu’IL ne soumettra pas ร la Torture quiconque se protรจge par Lui et dit sincรจrement et du fond du coeurย :ย ach-hadu anlรข ilรขha illallรขhย (j’atteste qu’il n’y a de Dieu qu’Allah)ยป.
D’autres (tel ‘Atรข’ al-Khorรขsรขnรฎ) affirment qu’elles constituent l’ouvrant des Noms dโAllahย : ยซHalรฎm (Clรฉment),ย Hamรฎd (Digne de louanges),ย Hakรฎm (Sage),ย Hayy (Toujours Vivant),ย Hannรขn (Trรจs Compatissant), Malik (Roi), Majรฎd (Glorieux), Mobdi’ (Prรฉvenant), Mo’รฎd (Celui qui ressuscitera Ses crรฉatures)ยป.
D’autres encore, tel al-Kalabรฎ, interprรจtent ces initiales comme dรฉsignant lโexpressionย : ยซAllah a dรฉcrรฉtรฉ ce qui est (qadhรข mรข howa kรข’inun)ยป.
La Sourate traite de l’orgueil des mรฉcrรฉants et de leur argumentation fallacieuse en vue de rรฉcuser la Vรฉritรฉ ร laquelle ils sont appelรฉs. Aussi reproduit-elle ร plusieurs reprises leurs raisonnements capiteux (versets 35, 56, 69) et s’applique-t-elle ร montrer la futilitรฉ de cet orgueil dรฉplacรฉ et de cette attitude polรฉmique nรฉgative, en leur rappelant la punition sรฉvรจre qu’Allah a administrรฉe aux nations passรฉes qui avaient dรฉmenti la Vรฉritรฉ, et en leur exposant le sort horrible qui les attend, ร leur tour, dans l’Au-delร .
Et en rรฉfutant les faux arguments des incroyants par les preuves solides de l’Unicitรฉ d’Allah, la Sourate demande au Prophรจte et ร ses adeptes de s’armer de patience devant leurs contradicteurs et leur promet une victoire รฉvidente.
Sur le plan stylistique les orientalistes distinguent, selon Jaques Berque, dans cette Sourate ยซdeux sรฉquences (versets 1-56 et 57-85), la seconde รฉtant d’allure et d’assonance diffรฉrentes de la premiรจre. Les aphorismes qui s’en dรฉtachent reprennent pourtant les idรฉes de la premiรจre partie, non qu’on ne puisse reconnaรฎtre en celle-ci deux morceaux d’une vingtaine de versets chacunยป. A noter aussi la frรฉquence de la forme internรฉe dans cette Sourate, et des aphorismes oรน ยซchaque argument d’รฉvidence est suivi d’un constat dรฉsabusรฉยป (versets 57, 58, 59, 61).ย [3]
Les mรฉrites de la rรฉcitation de cette sourate
La Tradition souligne les mรฉrites de la rรฉcitation desย Hawรขmรฎm,ย en gรฉnรฉral, et la Sourate du Croyant en particulier. En effet, selon Abรป Burayrah al-Aslamรฎ, le Prophรจte (P) ditย : ยซQuiconque aimerait jouir des Jardins du Paradis, qu’il rรฉcite lesย Hawรขmรฎmย pendant la priรจre de la nuitยป.
Et d’aprรจs le tรฉmoignage d’Anas Ibn Mรขlik, le Messager d’Allah (P) dรฉclaraย : ยซLesย Hawรขmรฎmย constituent la belle faรงade du Coranยป.
Pour sa part, Obay Ibn Ka’ab a tรฉmoignรฉ que le Prophรจte (P) ditย : ยซTous les Prophรจtes, tous les amis et tous les croyants, sans exception, prieront et imploreront le Pardon divin pour quiconque rรฉcite la Sourate Hรข’Mรฎm, le Croyantยป.
Quant ร l’Imรขm al-Sรขdiq (p), citรฉ par Abรป Baรงรฎr, il dit ร ce proposย : ยซLesย Hawรขmรฎmย sont les bouquets odorants du Coran. Remerciez Allah et louez-Le donc en les apprenant par coeur en les rรฉcitant. Que le croyant rรฉcite lesย Hawรขmรฎm, et un parfum plus agrรฉable que celui du musc et de l’ambre s’exhale de sa bouche. Allah couvrira de Sa Misรฉricorde celui qui les lit et rรฉcite, ainsi que ses voisins, ses amis, ses connaissances, son entourage et ses proches; et le Jour de la Rรฉsurrection, le Trรดne, la Chaise et les Anges rapprochรฉs d’Allah imploreront le Pardon pour luiยปย [4]
B- Le Rรฉcit
La Sourate de ยซย Croyantย ยป renferme une sรฉrie de rรฉcits qui gravitent autour des รle Pharaon. Ces rรฉcits ou contes divers sont liรฉs par un mรชme fil qui les unit de telle sorte qu’on peut les considรฉrer comme un seul rรฉcit sur la vie linรฉaire de ce peuple (les รle Pharaon) depuis l’arrivรฉe de Moรฏse (P) parmi eux, en passant par leur pรฉrissement, jusqu’ร leur demeure finale le Jour dernier, leย Barzakh, puis l’Enfer.
La construction ou la structure architecturale de ce rรฉcit repose sur la description de vies ou de milieux diversย : le milieu de la vie terrestre, d’abord, le milieu du Barzakh ou du tombeau ensuite, et le milieu infernal enfin. Tous ces milieux mettent en scรจne la conduite des รle Pharaon, sous une forme romanesque rรฉjouissante dans laquelle sont enchevรชtrรฉs ces divers milieux ร travers un enchaรฎnement objectif du temps oรน se mรชlent futur, prรฉsent et passรฉ.
Ceci concerne le milieu du rรฉcit.
Quant aux personnages ou hรฉros, le rรฉcit pullule de personnages secondaires tels Moรฏse (P), Pharaon, Hรขmรขn, Qรขroun. En outre les รle Pharaon eux-mรชmes reprรฉsentent un personnage collectif principal dans le rรฉcit. D’un autre cรดtรฉ, le rรฉcit รฉvoque le personnage de Joseph (Yousouf) aussi, dans un contexte particulier, comme nous allons le remarquer.
Mais le rรดle principal qui domine le rรฉcit c’est celui du hรฉros, le Croyant d’รle Pharaon, comme le titre du rรฉcit le laisse deviner.
L’importance du rรดle de ce hรฉros tient ร l’importance de la mรฉthode d’action missionnaire du Croyant d’รle (du peuple) Pharaon, que le rรฉcit nous prรฉsente. Cette mรฉthode d’action, ainsi que celle de la confrontation directe choisie par un autre hรฉros, Moรฏse, constituent deux modes d’action dictรฉs aux hรฉrosย mujรขhidย par la nature du climat politique. A travers les champs de bataille dans lesquels les deux hรฉros sont engagรฉs, l’un est amenรฉ ร choisir un combat secret, l’autre une action ouverte et publique.
Quant aux autres ingrรฉdients du rรฉcit, constituรฉs de pรฉripรฉties et de situations diverses, ils sont agencรฉs ร leur tour selon un ordre architectural plaisant dont nous parlerons en dรฉtails, ainsi que de tous les autres รฉlรฉments romanesques, plus loin.
Le rรฉcit commence par le personnage de Moรฏse (P) lors de sa confrontation franche avec Pharaon, Hรขmรขn et Qรขrounย :
ยซNous avons envoyรฉ Moรฏse avec nos Signes et un pouvoir incontestable ร Pharaon, ร Hรขmรขn et ร Qรขroun (Corรฉ).ย ยปIls direntย : ยซย C’est un sorcier, un imposteurย ยป.ย ยปMais quand il leur apporta la Vรฉritรฉ รฉmanant de Nous, ils direntย : ยซย Tuez les fils de ceux qui croient comme lui, et laissez vivre leurs fillesย ยป.ย ยปLa ruse des incrรฉdules ne fait que les รฉgarerยป.ย [5]
Telle est la premiรจre parole du rรฉcitย : le Ciel envoie Moรฏse ร Pharaon, Hรขmรขn et Qรขroun.
Il s’agit de savoir maintenant quels sont les rรดles jouรฉs par chacun de ces trois personnagesย ?
En ce qui concerne Pharaon, il est le chef des tyrans et sa position dans les pรฉripรฉties se passe par consรฉquent de commentaire. Quant ร Hรขmรขn, il est son ministre, et il occupe une position risible, comme nous allons le constater. Pour ce qui concerne Qรขroun, le trรฉsorier de Pharaon, il n’occupe pas une position dans ce rรฉcit, mais d’autres textes coraniques l’ont dรฉpeint ailleurs, dans un autre rรฉcit que nous avons dรฉjร abordรฉ.
Est-ce que cela signifie (du point de vue purement romanesque) que le rรฉcit ne cherche pas ร dรฉterminer les rรดles ou les fonctions que ces trois personnages y jouent, mais vise ร mettre en scรจne les idoles qui occupent une position sociale dans le milieu oรน se meuvent les รle Pharaon dans leur relation avec Moรฏse, et ce abstraction faite du mouvement effectif dรฉterminรฉ pour telle ou telle autre idoleย ?
La rรฉponse est trรจs probablement positive, รฉtant donnรฉ que les grandes idoles ont leur influence sociale dans le cadre de la place qu’elles occupent dans l’esprit de la populace, et que Satan a rรฉussi ร ensorceler celle-ci, malgrรฉ les preuves et les arguments irrรฉfutables que Moรฏse a fournis ร cette populace dont fait partie Qรขroun qui reprรฉsente l’une des figures de proue alliรฉes aux รle Pharaon autour desquels se dรฉroulent les pรฉripรฉties du rรฉcit.
La rรฉaction de ces idoles au message que leur avait prรฉsentรฉ Moรฏse consistait ร le traiter de sorcier et de menteur.
Toutefois, le rรฉcit a enjambรฉ la chaรฎne chronologique pour anticiper sur des pรฉripรฉties futures, avant de retourner de nouveau au prรฉsent pour suivre le dรฉroulement des รฉvรฉnements selon leur ordre chronologique normal.
Le laps de temps futur que le rรฉcit a anticipรฉ concerne les rรฉactions suscitรฉes par Moรฏse chez la populace en question, et exprimรฉes comme suitย :
ยซTuez les fils de ceux qui croient comme lui, et laissez vivre leurs fillesยป.ย [6]
De ce dialogue on peut infรฉrer – suivant le procรฉdรฉ romanesque empruntรฉ par le rรฉcit – que le message de Moรฏse invitant les gens ร Allah a fait ses effets, puisque beaucoup y ont cru, ce qui a poussรฉ Pharaon et sa clique ร rรฉclamer l’assassinat des croyants et la violation de leurs femmes, comme le font les tyrans de notre รฉpoque contemporaine.
Toutefois, le rรฉcit a commentรฉ cette rรฉaction par ces proposย : ยซLa ruse des incrรฉdules ne fait que les รฉgarerยปย [7], ce qui signifie, du point de vue romanesque, que les pรฉripรฉties suivantes rรฉvรฉleront que les tyrans seront vouรฉs ร la dรฉfaite.
De lร , le rรฉcit retourne vers l’enchaรฎnement chronologique des pรฉripรฉties, aprรจs avoir abordรฉ une pรฉriode future oรน il montre que le public – nombreux ou peu nombreux – a rรฉpondu positivement ร l’Appel du Ciel et que la fin catastrophique des tyrans s’est bel et bien prรฉcisรฉe.
Donc le rรฉcit revient de nouveau pour dรฉcrire les rรฉactions engendrรฉes par l’Appel ร Allah, suivant l’ordre chronologique des pรฉripรฉties qui ont commencรฉ par cette rรฉaction du tyran Pharaonย :
ยซPharaon ditย : ยซย Laissez-moi tuer Moรฏseย ! Qu’il invoque donc son Seigneurย ! Je crains qu’il n’altรจre votre religion et qu’il ne sรจme la corruption sur la terreย ยปยป.ย [8]
Cette logique ridicule est l’un des outils de propagande auxquels recourent les tyrans ร toutes รฉpoques et partout. Nous entendons par ยซcette logique ridiculeยป, ce qu’on appelle dans la terminologie de la psychologie collective, la ยซprojectionยป des traits de caractรจres nรฉgatifs qui sont propres aux corrupteurs sur les rรฉformateurs. Ainsi, le corrompu, le vilain, l’avide, le mesquin etc. a tendance ร projeter sur autrui le dรฉfaut qu’il porte afin d’une part que toute valeur morale saine s’รฉcroule (au cas oรน les autres sont conscients de la mesquinerie d’un tel procรฉdรฉ de propagande), et que, d’autre part toutes les vรฉritรฉs soient altรฉrรฉes ou dรฉformรฉes, et ce pour pouvoir prรฉserver son pouvoir (au cas oรน les autres sont inconscients de la vraie situation).
Pharaon, lequel est le chef des corrupteurs sur la terre, ร son รฉpoque, accuse (comme le font les tyrans de l’รฉpoque contemporaine) Moรฏse de corruption et affecte sa crainte de voir altรฉrer la religion du peuple. Il s’est imaginรฉ que ce stratagรจme psychologique suffirait ร tromper la lie du peuple et ร susciter une rรฉaction douloureuse chez les gens conscients qui rรฉpugnent vraiment ร l’altรฉration des vรฉritรฉs.
Mais ce qui lui a รฉchappรฉ, c’est que le Ciel est ร l’affรปt de toute ruse ร laquelle font appel les corrupteurs sur terre et que la fin des tyrans serait toujours impitoyable, et semblable ร celle de Pharaon et des siens, pรฉris noyรฉs et complรจtement anรฉantis.
Donc, Pharaon, le tyran de son รฉpoque, a suggรฉrรฉ l’assassinat de Moรฏse afin de prรฉserver son trรดne qu’il a essayรฉ de renforcer en trompant les ignorants et en nuisant aux gens instruits par le recours ร la dรฉsinformationย : ยซJe crains qu’il n’altรจre votre religion et qu’il ne sรจme la corruption sur la terreยป.ย [9]
Toutefois, il semble que sa proposition de tuer Moรฏse se soit heurtรฉe ร l’opposition de certains de ses conseillers, comme nous le dรฉvoilera le rรฉcit plus tard, selon un procรฉdรฉ romanesque indirect.
Mais avant de disparaรฎtre de la scรจne des pรฉripรฉties de ce rรฉcit, Moรฏse nous a fourni ร ce propos, un รฉlรฉment important pour la suite des รฉvรฉnements (que le texte romanesque rรฉvรฉlera) lorsqu’il a commentรฉ les rรฉactions suscitรฉes par son appel ร Allah, dans les termes suivants:
ยซJe cherche la protection de mon Seigneur et votre Seigneur contre tout orgueilleux qui ne croit pas au Jour du Jugementยป.ย [10]
Lร se termine le rรดle de Moรฏse – ou disons plutรดt sa position fonctionnelle – dans le rรฉcit pour cรฉder la place ร un nouveau hรฉros, lequel exerce d’innombrables sortes d’activitรฉs qui occupent une grande partie de la surface du rรฉcit, ou qui influent considรฉrablement sur son mouvement.
Ce nouveau hรฉros commence ร assumer l’opposition ร partir du moment oรน Pharaon s’est mis ร penser ร l’assassinat de Moรฏse; et depuis qu’il est apparu sur la scรจne des รฉvรฉnements, l’opposition ร Pharaon a revรชtu une forme flagrante et ouverte, et d’autant plus importante que ledit hรฉros n’รฉtait autre que le trรฉsorier ou le cousin (maternel) de Pharaon, et que l’importance de son engagement dans l’opposition n’รฉtait pas sans consรฉquence sur la dรฉcision ou le projet de l’assassinat de Moรฏse.
Comme nous l’avons dit, Moรฏse, avant de disparaรฎtre du thรฉรขtre des รฉvรฉnements, a dรฉclarรฉย : ยซJe cherche la protection de mon Seigneur et de votre Seigneur contre tout orgueilleux qui ne croit pas au Jour du Jugementยป.ย [11]
Et comme nous l’avons notรฉ รฉgalement, cette dรฉclaration projettera une lumiรจre sur le futur des รฉvรฉnements et notamment sur la personnalitรฉ du Pharaon, marquรฉe par l’orgueil et le refus de se rendre ร l’รฉvidence, comme nous le montrerons ses agissements ridicules ร ce propos.
Il est indubitable que lorsque Moรฏse a commencรฉ ร se mouvoir vers Pharaon et son peuple, son mouvement a รฉtรฉ accompagnรฉ de plus d’une situation sur lesquelles le rรฉcit se tut. Mais le nouveau hรฉros (le Croyant d’รle Pharaon, dont nous aborderons les dรฉtails de la personnalitรฉ sous peu) dรฉvoile un aspect des mouvements de Moรฏse (P). Cette faรงon de tisser le rรฉcit rรฉvรจle certaines caractรฉristiques techniques que celui-ci a adoptรฉes dans la construction des pรฉripรฉties et des personnages.
En effet, le rรฉcit s’est contentรฉ d’aborder du personnage de Moรฏse, le fait qu’il s’รฉtait prรฉsentรฉ aux รle Pharaon avec ยซdes Signes et un Pouvoir incontestableยป[12]ย et qu’il avait cherchรฉ refuge auprรจs d’Allah contre tout orgueilleux qui ne croit pas au Jour du Jugement.
Quant aux dรฉtails de la situation dans laquelle il a appelรฉ les gens ร Allah, le rรฉcit les a passรฉs sous silence, laissant d’une part, au lecteur le soin d’en dรฉduire quelques-uns, estimant d’autre part que certains dรฉtails ne rรฉpondraient ร aucune nรฉcessitรฉ romanesque, chargeant enfin le nouveau hรฉros (le Croyant d’รle Pharaon) de nous faire dรฉcouvrir ร travers la prรฉsentation de sa personnalitรฉ, certains autres dรฉtails relatifs au personnage de Moรฏse et ร la situation dans laquelle il a agi auprรจs des รle Pharaon.
Un lecteur attentif ou averti ne peut qu’admirer ce procรฉdรฉ de prรฉsentation des personnages et des รฉvรฉnements trรจs intรฉressant et plaisant sur le plan de la technique romanesque.
Ceci dit, Moรฏse ayant disparu totalement de la scรจne romanesque, laissant la place ร un nouveau hรฉros qui va complรฉter le rรดle qu’il a commencรฉ dans le dรฉroulement du rรฉcit.
Quels sont donc les traits caractรฉristiques de ce nouveau hรฉrosย ?
Le rรฉcit dรฉbute la prรฉsentation du nouveau hรฉros comme suitย :
ยซUn homme croyant, qui appartient au peuple de Pharaon et qui cachait sa foi, dit: …ยป.ย [13]
Ce qu’a dit le hรฉros, nous le saurons plus tard. Mais il convient tout d’abord de mettre en exergue les traits caractรฉristiques de ce hรฉros dont nous avons dit qu’il รฉtait au dรฉbut opposรฉ ร l’assassinat de Moรฏse (P) et qu’il complรฉtera les tรขches que le Ciel avait confiรฉes ร Moรฏse.
Le rรฉcit nous a dรฉvoilรฉ trois traits de ce personnageย : ยซย homme croyantย ยป, ยซย appartenant au peuple de Pharaonย ยป, ยซย il cachait sa foiย ยป.
Lร il faut mรฉditer profondรฉment sur l’importance romanesque de la prรฉsentation de ces trois traits de la personnalitรฉ du nouveau hรฉros. Car cette prรฉsentation est riche en significations que nous devons suivre dans le domaine du ยซCombat sur le Chemin d’Allahยป et adopter dans toute action politique, sociale ou individuelle que le Ciel nous demande d’entreprendre dans une situation particuliรจre de terreur, oรน les tyrans ne laissent ร la personnalitรฉ musulmane aucune latitude d’agir ouvertement, ou dans des circonstances ponctuelles oรน l’action secrรจte s’avรจre plus efficace que l’action ouverte, comme nous allons en avoir l’illustration dans la conduite de notre hรฉros ici.
En effet, le simple fait que notre hรฉros appartienne au peuple de Pharaon atteste que les membres des groupes, des peuples ou des bandes corrupteurs sur la terre ne sont pas forcรฉment tous, rรฉfractaires au bien et dรฉpouillรฉs de tout bon fond, รฉtant donnรฉ que l’รฉducation sociale spรฉcifique ร chacun et la diffรฉrence entre un individu et un autre dรฉterminent et rรฉforment les comportements individuels, ou mรชme effacent le caractรจre hรฉrรฉditaire aberrant dans des cas particuliers, et ร fortiori les influences du milieu dรฉviรฉ. La femme de Pharaon lui-mรชme รฉtait croyante. Pourquoi pas son cousin maternel, par exempleย !
L’observation de cette vรฉritรฉ, pourrait nous aider ร mettre ร profit des individus qui appartiennent ร des peuples, des familles, des milieux ou des rรฉgimes dรฉviรฉs, ร les arracher (secrรจtement ou ouvertement, selon les circonstances) ร la dรฉviation et ร les sortir des tรฉnรจbres ร la lumiรจre, et ceci est d’autant plus important pour la bonne cause que de tels individus, du fait de la position qu’ils occupent auprรจs du rรฉgime, du milieu ou du groupe corrompu, pourraient s’avรฉrer plus efficaces que d’autres.
En tout รฉtat de cause ce trait social soulignรฉ par le rรฉcit, c’est-ร -dire le fait de l’appartenance du hรฉros au peuple de Pharaon influera beaucoup sur le dรฉroulement des pรฉripรฉties, comme nous allons le constater.
Quant au second trait, le fait qu’il soit ยซย Croyantย ยป. Le rรฉcit l’a entourรฉ de silence. Mรชme les textes exรฉgรฉtiques ne nous apprennent pas grand-chose sur ce trait, se bornant ร nous informer que ce Croyant avait cachรฉ sa foi pendant des annรฉes ou des siรจcles, sans nous renseigner plus sur le comment et le pourquoi.
Mรชme sur le troisiรจme trait, la dissimulation de la foi, ces textes restent peu loquaces, se contentant d’aborder son aspect gรฉnรฉral et sa durรฉe.
Il est clair, du point de vue purement romanesque, que le rรฉcit se soucie moins de la dรฉtermination des prรฉliminaires de la foi ou de sa durรฉe, que du soulignement de son caractรจre de ยซsecretยป, ร cause de l’importance de ce caractรจre pour la prรฉservation de la vie du personnage, d’une part, pour l’accomplissement de sa tรขche d’adoration (mรชme dans un cadre individuel) de l’autre, et pour les possibilitรฉs de l’action sociale que le travail secret actuel pourra permettre: rรฉtablir un droit, effacer un faux, ramener d’autres individus des tรฉnรจbres vers les lumiรจre, ou enfin attendre une occasion propice pour agir ouvertement dans une situation dรฉcisive, comme le fera effectivement ยซle Croyant du peuple de Pharaonยป qui interviendra ร un moment d’extrรชme gravitรฉ, oรน les tyrans s’apprรชteront ร assassiner une personnalitรฉ รฉlue par le Ciel (Moรฏse).
Le rรดle ou la position fonctionnelle du nouveau hรฉros, ยซle Croyant du peuple de Pharaonยป, dรฉbute avec la situation suivanteย :
ยซUn homme croyant, qui appartenait au peuple de Pharaon et qui cachait sa foi, ditย :ยปTuerez-vous un homme parce qu’il a ditย : ยซย Mon Seigneur est Dieuย ยป, alors qu’il vous a apportรฉ des preuves รฉvidentes.ยป S’il est menteur, son mensonge retombera sur lui, s’il dit la vรฉritรฉ, ce dont il vous menace vous atteindra. – Dieu ne dirige pas celui qui est pervers et menteur -ยปร mon peupleย ! La royautรฉ vous appartient aujourd’hui et vous triomphez sur la terre, mais qui donc nous dรฉlivrera de la rigueur de Dieu quand elle nous atteindra?ยป .[14]
Cette sรฉquence ou ce monologue nous permet de relever plusieurs traits de la technique romanesque utilisรฉe dans le rรฉcit.
Ainsi, on peut deviner (de ce monologue) que lorsque Pharaon a ditย :ย ยซLaissez-moi tuer Moรฏseยป, il avait vraiment l’intention de le tuer et qu’il รฉtait en train de consulter les autres ร ce propos ou ร obtenir un soutien pour son projet. La preuve en est l’intervention du Croyant des รle Pharaon pour donner vraisemblablement son opinion ร ce sujet, ayant peut-รชtre promis au peuple le salut au cas oรน il croirait en Allah, ou la torture terrestre au cas oรน il refuserait d’entendre raison.
Ceci, on peut le dรฉduire de l’allusion faite par le hรฉros ร l’adresse de son peuple de la possibilitรฉ pour eux d’obtenir une partie de ce que Moรฏse leur promet au cas oรน il dit la vรฉritรฉ, d’une part, et de subir la rigueur ou la torture d’Allah (comme en avait brandi la menace, Moรฏse)ย : ยซqui donc nous dรฉlivrera de la rigueur de Dieu quand elle nous atteindraยป.
Ces positions prises par Moรฏse, le rรฉcit ne nous les a pas relatรฉes lorsqu’il a abordรฉ sa (de Moรฏse) confrontation avec le peuple. C’est le nouveau hรฉros, le Croyant du peuple de Pharaon qui nous les rรฉvรจle.
Ceci est un des traits de la prรฉsentation artistique du rรฉcit.
Mais en dehors de ce trait artistique, il importe de dรฉcouvrir l’importance du rรดle ou de la position fonctionnelle du nouveau hรฉros relativement ร sa faรงon d’intervenir, ร son intervention intelligente pour sauver la situation, ร l’incidence de cette intervention sur Pharaon lui-mรชme et puis sur les รฉvรฉnements en gรฉnรฉral, sans parler des situations รฉquivoques diverses qui l’ont accompagnรฉ.
Le lecteur est portรฉ ร croire que Pharaon รฉtait bien dรฉterminรฉ ร tuer Moรฏse. L’apparence du texte romanesque l’induit ร concevoir une telle pensรฉe. Toutefois, les textes deย tafsรฎr, qui projettent un peu de lumiรจre sur la situation, laissent entendre qu’il hรฉsitait ร mettre en exรฉcution sa dรฉcision, et tentent de justifier cette hรฉsitation, ou cette consultation ou l’ajournement du projet.
Ces textes exรฉgรฉtiques indiquent schรฉmatiquement que le fait que Pharaon, sachant que l’assassinat des Prophรจtes et de leurs enfants ne peut รชtre commis que par des fils de prostituรฉes, s’est abstenu d’รชtre l’auteur de ce crime. De mรชme quelques textes d’exรฉgรจse nous rapportent une partie d’opinions semblables des conseillers de Pharaon, lesquels lui ont suggรฉrรฉ de reporter l’exรฉcution de Moรฏse et de son frรจre Haroun ร une date ultรฉrieure, invoquant le mรชme argument : seule la progรฉniture des dรฉbauchรฉes oseraient assassiner les grandes personnalitรฉs.
Cela signifie, au moins, que Pharaon tenait ร sa rรฉputation, craignait qu’elle ne fรปt entachรฉe, et voulait รฉviter que sa naissance ou son lignage fasse l’objet de clins d’oeil et de chuchotements allusifs au cas oรน il commettrait l’assassinat d’un Prophรจte.
En tout รฉtat de cause, les ambiguรฏtรฉs de la situation relative au projet de l’assassinat, nous montrent que Pharaon n’a pas mis ร exรฉcution sa dรฉcision immรฉdiatement et que celle-ci a fait l’objet de tergiversations, d’atermoiements, de consultations et d’examens, dont l’une des consรฉquences รฉtait l’intervention du nouveau hรฉros, le Croyant du peuple de Pharaon, intervention dont nous nous devons d’expliquer les dรฉtails maintenant.
Si le crime d’assassinat d’un serviteur d’Allah ne peut รชtre perpรฉtrรฉ que par les fils de dรฉbauchรฉes, l’intervention en vue d’empรชcher un tel crime rรฉvรจle l’existence d’un trait de caractรจre tout ร fait opposรฉ chez l’auteur d’une telle intervention, ร savoir la puretรฉ et la bonne naissance. De mรชme si l’assassinat d’un Prophรจte dรฉcรจle la mauvaise naissance de l’assassin, le fait de rester les bras croisรฉs devant le projet d’un tel assassinat (alors qu’on peut l’empรชcher) indique la prรฉsence d’un trait semblable au trait pervers qui caractรฉrise les assassins.
De lร , notre hรฉros (รฉtant donnรฉ sa puretรฉ et la bontรฉ de son fond) qui avait dissimulรฉ sa foi pendant une longue durรฉe, a estimรฉ que se taire sur un assassinat, constitue une contribution ou une participation au crime. Aussi intervint-il directement pour empรชcher la perpรฉtration de ce crime. Telle est l’explication et la cause psychologique et artistique de l’intervention de notre hรฉros.
Mais ce nouveau hรฉros, qui fait preuve d’une grande maturitรฉ, de sagesse, d’intelligence sociale et de pertinence, n’est pas intervenu d’une faรงon passionnelle ou naรฏve, mais avec intelligence et par une attitude fondรฉe sur des arguments irrรฉfutables qui ne laissent aux adversaires aucun prรฉtexte et les dรฉsarment complรจtement, et ce peu importe quel sort lui sera rรฉservรฉ ร la suite de cette intervention, sort ร propos duquel les textes de tafsรฎr ne sont pas trรจs tranchants, laissant entendre seulement que ledit hรฉros a รฉtรฉ sauvรฉ avec Moรฏse en traversant la mer, ou qu’il a รฉchappรฉ ร une tentative d’assassinat qu’on avait prรฉparรฉe contre lui.
En tout รฉtat de cause, son argument prรฉsentรฉ au peuple a tenu compte de l’intรฉrรชt de celui-ci, de ses dรฉsirs et de ses sentiments, puisqu’il ditย : ยซla royautรฉ vous appartient aujourd’hui et vous triomphez sur la terreยป.ย [15]
En d’autres termes, il les a confirmรฉs dans leur pouvoir dont ils jouissaient, et les a mis en garde contre le risque de le perdre au cas oรน la menace – brandie par Moรฏse – du chรขtiment se concrรฉtisera. De mรชme, il les a confirmรฉs dans ce ร quoi ils aspiraient et que Moรฏse leur a promis au cas oรน ils croiraient en Allahย : ยซs’il dit la vรฉritรฉ, ce dont il vous promet vous parviendraยป.ย [16]
Bref, son intervention a รฉtรฉ empreinte de marques de maturitรฉ, de sagesse et surtout elle a jouรฉ sur leurs fibres sensibles.
La question qui se pose ร prรฉsent est quelle a รฉtรฉ la rรฉaction de Pharaon ร cette intervention ou ร ce conseilย ? Puis, quelles sont les donnรฉes (est la portรฉe) de cette intervention dans le cadre de l’action en vue des principes divinsย ?
La rรฉaction de Pharaon au conseil du ยซย Croyantย ยป ressort de la sรฉquence suivante :
ยซPharaon ditย : ยซย Je ne vous montre que ce que j’ai vu moi-mรชme. Je ne vous dirige que sur le chemin de la certitudeยป.ย [17]
Cela signifie que Pharaon reste sur sa position antรฉrieure et dans le cadre du langage trompeur, fait de mensonges et de discours faussement moralisateurs.
Le rรฉcit se contente de prรฉsenter cette partie de la rรฉaction de Pharaon sans entrer dans les dรฉtails de ses dรฉcisions pratiques ร ce sujet, lesquelles traduisent pourtant mieux sa rรฉaction rรฉelle.
Puis le rรฉcit entreprend l’exposรฉ de nouvelles positions du hรฉros, comme nous allons le voir plus loin.
Mais lร le lecteur peut s’interroger, sur un plan purement romanesqueย : Pourquoi le rรฉcit s’est-il abstenu de dรฉterminer l’action que Pharaon entreprendra contre Moรฏseย ? S’est-il apprรชtรฉ ร le tuerย ? A-t-il ajournรฉ son exรฉcutionย ?
Pourquoi le rรฉcit a-t-il enjambรฉ ces dรฉtails pour poursuivre son exposรฉ sur les positions du hรฉrosย ? Quelle est la raison artistique de ce procรฉdรฉ romanesqueย ?
Il est ร remarquer que le rรฉcit du ยซCroyant du peuple de Pharaonยป est conรงu selon une ossature romanesque spรฉcifique, fondรฉe sur la ยซย thรฉรขtralisationย ยป du rรฉcit, en ce qui concerne le dialogue de chacun de ses deux hรฉros: le Croyant et Pharaon. Ainsi, le Croyant s’adresse trois fois ou plus ร son peuple, et son dialogue est entrecoupรฉ, plus d’une fois par le dialogue de Pharaon avec son peuple.
ยซย Le Croyantย ยป, parlant ร son peuple, ditย : ยซne tuez pas Moรฏseย !ยป. Puis, il se tait. Et lร Pharaon, ร ce moment prรฉcis s’interpose, pour dire que la sagesse est de tuer Moรฏse.
Jusque lร le dialogue semble se dรฉrouler entre le Croyant et Pharaon, mais par peuple interposรฉ, ou tout en faisant semblant, chacun ร son tour, de s’adresser au peuple et non ร l’autre. C’est donc un dialogue indirect.
Puis, le Croyant revient ร la charge, s’adresse ร son peuple et lui rappelle l’anรฉantissement des peuples des siรจcles passรฉs, avant de se taire, comme pour cรฉder la place ร Pharaon, lequel s’adresse ร son ministre Hรขmรขn et lui ditย : ยซconstruis-moi une tour pour que je puisse voir le Dieu de Moรฏseยป, et ensuite il se tait. Lร le Croyant revient et dit ร nouveau ร son peupleย : ยซsuivez-moi, je vous conduirais vers la Voie de la rectitudeยป, etc.
Ce dialogue divisรฉ en parties, aurait pu รชtre dรฉroulรฉ d’un seul trait, et c’est d’autant plus faisable, que le Croyant et Pharaon ne se parlent pas directement pour que leur dialogue requiรจre des questions et des rรฉponses et prenne la forme d’un dialogue multilatรฉral, mais parlent chacun ร son tour, ร leur peuple, au point que la parole de chacun semble n’avoir aucun rapport avec celle de l’autre.
Par exemple, alors que le Croyant du peuple de Pharaon parlait de l’anรฉantissement des peuples des siรจcles passรฉsย : le peuple de Noรฉ, le peuple de ‘รd, le peuple de Thamรปd, le rรฉcit rompt la chaรฎne de son exposรฉ pour donner la parole ร Pharaon. Mais qu’a dit Pharaon ร ce moment-lร ย ? Il a demandรฉ ร son ministre Hรขmรขn de lui construire une tour pour qu’il voie le Dieu de Moรฏse. Or, il n’y a aucun rapport apparent entre les propos du croyant et la dรฉclaration de Pharaon. Le premier parle des expรฉriences et sorts des peuples passรฉs, et Pharaon de la construction d’une tour !
Puis, le Croyant a repris la parole, mais pour dire quelque chose qui n’a rien ร voir, lร non plus, avec ce que Pharaon venait de dรฉclarer, puisque le Croyant dit ร l’adresse de son peupleย : ยซSuivez-moiย ! Je vous dirigerai sur le Chemin de la rectitudeยป.
Donc les interruptions des dialogues de la sorte, sans qu’il y ait entre les deux personnages, Pharaon et le Croyant, une discussion qui l’exigerait, doivent rรฉpondre ร un motif artistique important. Autrement, pourquoi, ce rรฉcit ร la diffรฉrence de tous les autres rรฉcits coraniques est-il le seul ร adopter ce type de dialogue entrecoupรฉ en sรฉquences, sans qu’il y ait un rapport manifeste entre les dialogues interrompus tantรดt par le Croyant tantรดt par Pharaon, alors que l’un et l’autre ne se parlent pas.
A notre avis, nous avons affaire ici ร un rรฉcit ยซย thรฉรขtralisรฉย ยป, s’il est permis de s’exprimer ainsi.
Car il est familier (dans le domaine de la littรฉrature romanesque) que certains romans ou rรฉcits, sont conรงus pour รชtre lus seulement, et d’autres sont รฉcrits pour รชtre jouรฉs sur scรจne. Certes, le roman et le thรฉรขtre se veulent deux genres bien distincts, mais il arrive que dans certains rรฉcits les situations sont totalement ou partiellement thรฉรขtrales, tout en conservant leur genre ou leur caractรจre romanesque. Or dans le texte dont nous traitons ici, bien qu’il soit romanesque et non thรฉรขtral, certaines parties en sont conรงues avec une dimension thรฉรขtrale exigรฉe par la situation romanesque.
On peut imaginer cette situation de la faรงon suivanteย :
Supposons qu’il y ait une salle de confรฉrence ou de rรฉunion dans laquelle sont prรฉsents Pharaon, Hรขmรขn et tous les ministres du premier nommรฉ, ainsi que les hauts fonctionnaires, et peut-รชtre une foule du public.
Assiste ร cette rรฉunion รฉgalement le Croyant du peuple de Pharaon en tant que haut fonctionnaire. Pharaon ouvre la sรฉance en proposant l’รฉlimination physique de Moรฏse.
Lร , le Croyant du peuple de Pharaon intervient, exprimant son opinion et demandant ร l’assemblรฉe de ne pas le tuer.
Mais Pharaon l’interrompt, ou commente son opinion et affirme que l’assassinat de Moรฏse est la voie de la rectitude.
Lร , le Croyant du peuple de Pharaon intervient de nouveau, s’adresse ร l’assistance, leur rappelle les รฉvรฉnements des siรจcles passรฉs et comment les peuples de ‘รd, de Thamรปd et de Noรฉ y avaient pรฉris, en raison de leur persistance dans la mรฉcrรฉance.
Puis le Croyant cesse de parler, et Pharaon reprend la parole, s’adresse aux auditeurs – comme s’il cherchait ร discrรฉditer la personnalitรฉ du Croyant, ร rรฉfuter ses opinions ou ร le ridiculiser en parlant de tout autre chose – et dit ร son ministre Hรขmรขnย : ยซconstruis-moi une tour pour monter au ciel et voir le Dieu de Moรฏseยป.
Mais le Croyant (conscient des propos ridicules et insignifiants de Pharaon), reprend encore la parole et dit ร lโassemblรฉeย : ยซร mon peupleย ! Suivez-moiย ! Je vous dirigerai sur le Chemin de la rectitudeยป, et continue ร discourir sincรจrement et sรฉrieusement, ร l’opposรฉ de Pharaon qui leur a rebattu les oreilles d’insanitรฉs, de sottises et de sarcasmes.
Sur ce, la rรฉunion se termine avec cette derniรจre intervention du Croyant.
Et puis, le rรฉcit s’engage dans un autre tournant.
En tout รฉtat de cause, le rรฉcit, selon notre opinion artistique particuliรจre, รฉtait en train de rapporter le dรฉroulement de la rรฉunion ร laquelle avaient assistรฉ Pharaon, Hรขmรขn, le Croyant, et tous ceux qui รฉtaient concernรฉs par cette affaire.
Voilร pourquoi l’รฉlรฉment ยซย dialogueย ยป รฉtait coupรฉ en sรฉquences, et Pharaon, en raison de sa personnalitรฉ corruptrice, dรฉchirรฉe et perverse avait empรชchรฉ que ce dialogue prenne la forme de ยซย question-rรฉponseย ยป ou de discussion soutenue et cohรฉrente, il a mรชme essayรฉ de banaliser cette affaire en rรฉpondant par des sarcasmes, comme nous le montre le rรฉcit en dรฉtails.
Et c’est lร donc l’explication de la formulation du dialogue ยซย ร bรขton rompuย ยป de telle maniรจre qu’on croirait ร l’absence de rapport entre ses rรฉpliques ou entre les interlocuteurs…
Il est clair que l’รฉlaboration du dialogue de cette faรงon que la nature de la rรฉunion ou de l’assemblรฉe tenue par Pharaon, a dictรฉe, reste trรจs vital, trรจs rรฉjouissant, reflรฉtant le mouvement de la rรฉalitรฉ dans tout ce qu’elle comporte de simplicitรฉ et de complexitรฉ ร la fois. Il nous transmet tous les faits de la rรฉunion ou de l’assemblรฉe, avec toutes ses contradictions qu’incarne Pharaon, et tout son sรฉrieux que personnifie le Croyant du peuple de Pharaon.
Mais il le transmet – non pas directement, ร travers une scรจne et un public d’assistants, mais indirectement – sous une forme romanesque et non thรฉรขtrale – par un procรฉdรฉ de dialogue spรฉcifique, diffรฉrent des autres procรฉdรฉs de dialogue qu’on rencontre familiรจrement dans les autres rรฉcits coraniques, et ce afin de nous amener, nous les lecteurs ou les auditeurs de Coran, ร dรฉceler, nous-mรชmes, la prรฉsence d’un nouveau mouvement dans le rรฉcit, qui traduit l’existence d’une rรฉunion privรฉe ou publique, dictรฉe par des circonstances particuliรจres et marquรฉe par des traits spรฉcifiques, rรฉunion dont nous dรฉtaillerons les rรฉsultats plus loin.
Avant d’aborder ces rรฉsultats, rรฉcapitulons pour mieux suivre le dialogue thรฉรขtral dont la majeure partie est constituรฉe du discours du hรฉros, le Croyant du peuple de Pharaon, entrecoupรฉe par des commentaires ponctuels de Pharaon lui-mรชme.
Aprรจs avoir constatรฉ que Pharaon reste insensible ร ses conseils, le Croyant a poursuivi son discours ร l’adresse du peuple, en lui rappelant les sorts peu enviables rรฉservรฉs aux peuples passรฉs et le sort abominable qui lui serait rรฉservรฉ dans l’autre monde, s’il persiste dans son polythรฉisme.
ยซร mon peupleย ! Oui, je crains pour vous un jour semblable ร celui des factieux ;ยป un sort semblable ร celui du peuple de Noรฉ, de ‘รd, des Thamรปd et de ceux qui vรฉcurent aprรจs eux – Dieu ne tolรจre pas l’injustice envers ses serviteursย ! -ยซร mon peupleย ! Oui, je crains pour vous le Jour oรน les hommes s’interpelleront les uns les autres;ยปle Jour oรน vous vous dรฉtournerez. Vous ne trouverez, alors aucun dรฉfenseur contre Dieu. Personne ne dirige celui que Dieu รฉgareยป.ย [18]
Et lร le hรฉros (le Croyant) va mettre l’accent sur la personnalitรฉ d’un Prophรจte en particulier, Joseph (Yousouf) (P), rappelant ร son peuple l’attitude sceptique des Coptes envers le message de ce Prophรจteย :
ยซJoseph leur avait autrefois apportรฉ des preuves dรฉcisives; vous n’avez pas cessรฉ d’en douter; mais lorsqu’il eut disparu, vous avez ditย :ย ยซDieu n’enverra plus jamais de prophรจte aprรจs luiย ยป.ยป – Dieu รฉgare celui qui est pervers et celui qui doute -ยซCeux qui discutent au sujet des Signes de Dieu sans en avoir reรงu mandat, provoquent la grande haine de Dieu et des croyants.ยป – Dieu met un sceau sur le coeur de tout tyran orgueilleux –ย ยป.ย [19]
Ceci dit, on peut se demander iciย : quelle est la nรฉcessitรฉ romanesque de cette รฉvocation de la personnalitรฉ de Joseph ร l’exclusion de tout autre Prophรจteย ?
La question est relative aux Coptes et au peuple de Moรฏse. Joseph avait lui aussi (comme l’affirment certains textes exรฉgรฉtiques) attirรฉ l’attention de son peuple sur les difficultรฉs qu’il rencontrerait dans l’avenir.
Cela signifie que l’รฉvocation par le Croyant du peuple de Pharaon de la personnalitรฉ de Joseph implique un รฉlรฉment artistique et psychologique clair, relatif ร la situation nouvelle (celle du peuple de Pharaon). Car en effet, la prรฉdication de Joseph s’รฉtait rรฉalisรฉe, puisque les hommes ont รฉtรฉ tuรฉs, les enfants รฉgorgรฉs et les femmes enceintes รฉventrรฉes, de la faรงon qu’on sait ร propos du traitement que les Coptes avaient rรฉservรฉ aux israรฉlites.
Nous devons attirer l’attention sur le fait que lorsque le rรฉcit coranique rappelle ร un peuple donnรฉ le sort qui a รฉtรฉ assignรฉ ร un autre peuple, il vise ร mettre ce dernier en garde d’une part, et ร lui promettre un sort similaire, au cas oรน il refuserait de tirer la leรงon de l’exemple des peuples passรฉs, d’autre part.
Ainsi, nous remarquons dans l’un des rรฉcits coraniques relatifs ร Moรฏse (P) que l’accent est mis sur les bienfaits prodiguรฉs par le Ciel aux Israรฉlites, et en premier lieu, sur leur dรฉlivrance des griffes des Coptes. Mais les Israรฉlites se sont montrรฉs ingrats ร l’endroit de ces bienfaits, et ont perdu la tรชte au point que leurs crimes ont surpassรฉ ceux de leurs bourreaux et persรฉcuteurs. Aussi le Ciel a-t-il dรฉpeint dans le rรฉcit prรฉcitรฉ (relatif ร Moรฏse) des sorts noirs proportionnels aux crimes qu’ils (les Israรฉlites) avaient commis, ce qui veut dire que le rappel des bienfaits, fait ร ces derniers est associรฉ (sur le plan romanesque) au sort qui leur est rรฉservรฉ en fin de compte, en rรฉcompense de leur ingratitude envers les bienfaits dont ils avaient bรฉnรฉficiรฉ.
Ici dans le rรฉcit du Croyant du peuple de Pharaon, le rappel du passรฉ prend une direction diffรฉrente dont le but n’est pas dรฉterminรฉ par le mรชme souci de dessiner un sort particulier ร un tel ou tel autre peuple, mais plutรดt pour adresser seulement une mise en garde gรฉnรฉrale, afin d’amener les gens ร croire en Dieu.
Effectivement, le Message du Ciel a frayรฉ son chemin parmi de grands nombres de gens, sujet qui ne nous intรฉresse pas actuellement, รฉtant donnรฉ que le rรฉcit vise autre chose.
En tout รฉtat de cause, lorsque, ร travers le Croyant, le rรฉcit fait le rappel de la personnalitรฉ de Joseph ร l’exclusion de toute autre personnalitรฉ historique, il cherche par ce procรฉdรฉ romanesque et psychologique ร introduire la prรฉdiction de Joseph d’une part, et l’incroyance des Israรฉlites – aprรจs sa mort – aux messages des Prophรจtes, d’autre part: ยซmais lorsque Joseph eut disparu, vous avez dit: ยซย Dieu n’enverra plus jamais de prophรจte aprรจs luiยป[20], et ร รฉtablir, enfin, un lien entre tout ce qui prรฉcรจde avec l’รฉtat d’incroyance que vivait le peuple de Pharaon, quand Moรฏse a prรฉsentรฉ son message.
Pendant que le hรฉros, le Croyant poursuivait, lors de la rรฉunion sa mise en garde, Pharaon qui y รฉtait prรฉsent demandait ร son ministre Hรขmรขn de lui construire une tour pour qu’il voie ce qui se passe dans le Ciel (Pharaon ditย : ยซร Hรขmรขn, construis-moi une tour pour que j’atteigne les cordes cรฉlestes et je monterai vers le Dieu de Moรฏseยป)ย [21].
Mais le hรฉros, fait l’ignorance totale de ce propos ridicule de Pharaon qui montre davantage son insolence, et va continuer imperturbablement son discours qui porte implicitement entre les lignes une rรฉponse indirecte au Tyran (Pharaon).
Remarquons que sur le plan romanesque, si le Croyant a conclu la derniรจre sรฉquence de son discours par: ยซDieu met un sceau sur le coeur de tout tyran orgueilleuxยป – et si l’on considรจre cette phrase comme un commentaire du Ciel et non du Croyant – c’est parce que la derniรจre proposition sarcastique de Pharaon, apparaรฎt comme l’application concrรจte de cette Parole d’Allah: ยซDieu met un sceau sur le coeur de tout tyran orgueilleuxยป[22], laquelle signifie qu’il n’y a plus aucun espoir de ramener la personne รฉgarรฉe de la sorte sur le Chemin de la guidance.
Donc, comme nous l’avons dit, le Croyant n’a prรชtรฉ aucune attention ร cette sottise (la construction d’une tour), et poursuivi son discoursย :
ยซLe Croyant ditย : ยซย ร mon peupleย ! Suivez-moiย ! Je vous dirigerai sur le Chemin de la rectitude.ยป ร mon peupleย ! La vie de ce monde n’est qu’une jouissance รฉphรฉmรจre. La vie future est la demeure de la stabilitรฉยปย [23].
Il ne faut pas perdre de vue que dans la rรฉunion Pharaon avait dรฉjร adressรฉ la parole au peuple, en prรฉtendant qu’il le guiderait sur la voie de la rectitudeย :
ยซJe ne vous montre que ce que j’ai vu moi-mรชme. Je ne vous dirige que sur le chemin de la rectitudeยป.ย [24]
Mais le rรฉcit rรฉpond ร cette prรฉtention en faisant dire au Croyant que la rectitude rรฉside dans la soumission aux principes du Ciel.
Suivons encore le hรฉros qui continue son discours ร l’attention de son peupleย :
ยซร mon peupleย ! Pourquoi vous appellerais-je au salut, alors que vous m’appelez au Feuย ? ยปVous m’appelez ร l’incrรฉdulitรฉ envers Dieu, au polythรฉisme dont je n’ai aucune connaissance, mais moi, je vous appelle auprรจs du Tout-Puissant, auprรจs de Celui qui ne cesse de pardonner.ยปCelui auprรจs duquel vous m’appelez ne peut, sans aucun doute, รชtre invoquรฉ ni en ce monde, ni dans la vie future. Oui, notre retour sera vers Dieu et les pervers deviendront les hรดtes du Feu.ย ยปVous vous souviendrez de ce que je vous disย : je confie mon sort ร Dieu. Dieu voit parfaitement Ses serviteursยปย [25].
Par ces sรฉquences, se termine le discours du hรฉros, le Croyant du peuple de Pharaon, et le rรฉcit s’engage dans un autre tournant.
De lร , il convient d’attirer l’attention sur l’importance de ces propos par lesquels le hรฉros achรจve son discours. Leur importance rรฉside en ceci qu’ils rรฉvรจlent des traits spรฉcifiques de l’art ou de la technique romanesque utilisรฉs dans ce rรฉcit et dont la suite sera reflรฉtรฉe sur le mouvement des pรฉripรฉties, le sort du hรฉros et sur les fins que connaรฎtra son peuple, comme nous les dรฉtaillerons dans les pages suivantes.
La valeur des mots par lesquels le hรฉros a clos son discours, considรฉrรฉe sur le plan de la structure organique du rรฉcit et l’adhรฉsion de ses lignes architecturales, tient au fait qu’ils amรจnent le lecteur ou l’auditeur ร se creuser la tรชte pour prรฉdire ou deviner les fins ou les cheminements des pรฉripรฉties. Si certains de ces propos du hรฉros laissent entrevoir la suite des รฉvรฉnements, d’autres restent entourรฉs de mystรจre. Les uns suscitent chez le lecteur la crainte et l’apprรฉhension relativement au sort du hรฉros, d’autres รฉveillent en lui des sentiments de pitiรฉ et d’affliction pour les sorts rรฉservรฉs au peuple qui n’a pas voulu entendre raison.
En tout รฉtat de cause l’รฉlรฉment d’intรฉressement (ou de suspense) ร la suite des รฉvรฉnements, pourrait ne pas paraรฎtre ร un lecteur non averti, mais pour un connaisseur ou un lecteur assidu de roman, cet รฉlรฉment de suspense est prรฉsent dans son esprit, puisqu’il ressent que chaque mot prononcรฉ par le hรฉros et chaque geste qu’il esquisse porte un sens ou une signification, surtout lorsqu’on sait que ce hรฉros n’รฉtait pas un personnage ordinaire, mais un des tout premiers pionniers des Croyants, quelqu’un qui a cru en Dieu trรจs tรดt, au point que certains textes d’exรฉgรจse le considรจrent comme au nombre des quatre personnages de l’histoire, ร incarner ceux qu’Allah a dรฉsignรฉs sous le vocable: ยซ…les premiers arrivรฉs[26], qui seront bien les premiersยป[27], c’est-ร -dire ร la tรชte des ยซย premiersย ยป ร avoir la Foi, dans des circonstances oรน personne d’autre n’avait cette chance. Or une personnalitรฉ d’une telle piรฉtรฉ, qu’Allah a entourรฉe de Ses soins particuliers ne saurait prononcer une mise en garde ou lancer un avertissement sans que cet avertissement ou cette mise en garde n’influe sur le mouvement du rรฉcit et le futur des pรฉripรฉties.
Cette mise au point faite, examinons les significations que comportent les propos du hรฉros ร la clรดture de la sรฉance ou de la rรฉunion tenue en vue de dรฉbattre du projet de l’assassinat de Moรฏse (P).
Le Croyant du peuple de Pharaon ditย : ยซร mon peupleย ! Pourquoi vous appellerais-je au salut, alors que vous m’appelez au Feuย !ยป.[28]
C’est la premiรจre des sรฉquences dont nous attendons, sur le plan romanesque, qu’elle ait des incidences sur les sorts rรฉservรฉs au peuple de Pharaon, puisqu’elle fait allusion au Feu.
Le hรฉros dit aussiย : ยซVous vous souviendrez de ce que je vous disยป.ย [29]
Et lร c’est la deuxiรจme sรฉquence qui promet une suite, puisqu’elle est chargรฉe d’une menace sรฉrieuse qui n’a rien de rodomontade.
Et le hรฉros dโajouterย : ยซJe confie mon sort ร Dieuยป.ย [30]
ย Cet รฉnoncรฉ laisse supposer que les tyrans vont pourchasser ce hรฉros, mais le lecteur a en mรชme temps tendance ร se rassurer, en pensant que le Ciel n’abandonnera pas le hรฉros ร son sort et qu’IL l’entourera de Ses soins.
Donc lorsqu’on mรฉdite sur ces trois รฉnoncรฉsย :
1- ยซPourquoi vous appellerais-je au salut, alors que vous m’appelez au Feu?ยป;
2- ยซVous vous souviendrez de ce que je vous disยป ;
3- ยซJe confie mon sort ร Dieuยป,
On se demande quelle suite le rรฉcit va-t-il y donner et on reste dans l’attente.
Effectivement, l’attente ne sera pas longue. Le rรฉcit annonce promptement et d’une faรงon brusque, le sort subi par le peuple de Pharaon et la dรฉlivrance du hรฉros de la malveillance de ce peuple, et ce tout de suite et directement aprรจs que le Croyant eut terminรฉ son discoursย :
ยซDieu prรฉservera ce Croyant de leurs mรฉchantes ruses, et les gens de Pharaon, IL les enveloppera du chรขtiment le plus durยป.ย [31]
Par ces mots le rรฉcit a tout tranchรฉ, achevant le rรดle du hรฉros et du peuple de Pharaon dans ce bas monde.
Ensuite le rรฉcit abordera directement le sort rรฉservรฉ au peuple de Pharaon dans le milieu deย Barzakh, puis dans le milieu de l’Enfer, comme nous en parlerons en dรฉtails ultรฉrieurement.
Mais avant d’aborder cette phase, il est nรฉcessaire de nous attarder encore sur la corrรฉlation organique entre les mots du hรฉros et les sorts rรฉservรฉs ร Pharaon et ร son peuple, et de tirer quelques leรงons idรฉologiques qui nous serviraient dans notre conduite terrestre.
Nous avons vu concernant le sort du hรฉros que la rรฉplique du Ciel ร l’รฉnoncรฉ de celui-ci ยซje confie mon sort ร Dieuยป futย : ยซDieu prรฉserva ce Croyant de leurs mรฉchantes rusesยป.
Dans cette sรฉquence, outre le trait romanesque qui consiste en l’รฉtablissement d’un lien entre le discours du hรฉros ร l’adresse de son peuple, et le commentaire du rรฉcit sur ce discours, il y a un message idรฉologique qu’il est important de retenir, car il est chargรฉ d’enseignements.
En effet on doit remarquer que ce hรฉros a dissimulรฉ sa foi durant de longues annรฉes (pour des raisons relevant du principe de laย taqiyyahย (la dissimulation lรฉgale de la foi) qui requiert une telle dissimulation tantรดt par souci de prรฉserver la pratique religieuse, tantรดt pour mieux servir sa foi, au moment propice, tantรดt pour prรฉparer une rรฉvolution pour les raisons prรฉcitรฉes et par la nรฉcessitรฉ qu’impose la nature de l’action clandestine des mouvements de libรฉration. Et subitement, il nous surprend en manifestant sa colรจre au moment appropriรฉ, et selon une mรฉthode psychologique intelligenteย : d’abord en se prรฉsentant sur un registre de neutralitรฉ.
ยซTuerez-vous un homme parce qu’il a ditย : ยซย Mon Seigneur est Dieuย ?ย ยปยป.[32]
Puis en se montrant solidaire avec son peuple et soucieux de son intรฉrรชtย : ยซla royautรฉ vous appartient aujourd’hui, et vous triomphez sur la terre; mais qui donc nous dรฉlivrera de la rigueur de Dieu quand elle nous atteindra?ยป[33], Et avant tout cela il a calmรฉ le jeu ou tempรฉrรฉ l’enjeu en dรฉclarantย : ยซS’il est menteur, son mensonge retombera sur lui; s’il dit la vรฉritรฉ, ce dont il vous menace vous atteindra…ยป.[34]
Par cette mรฉthode le hรฉros a modรฉrรฉ l’importance du problรจme d’une part, l’a liรฉ ร l’intรฉrรชt du peuple de l’autre (au cas oรน Moรฏse aurait dit la vรฉritรฉ) – ce qui sert ร rassurer les gens quant ร ses bons sentiments envers eux, avant de monter progressivement le ton en leur rappelant d’abord le sort rรฉservรฉ aux peuples passรฉs et comment ils avaient mis en doute le message de Joseph (P), et en affichant enfin sa vรฉritable position lorsqu’il a utilisรฉ le mรชme ton franc sur lequel Moรฏse (P) s’รฉtait adressรฉ ร eux, c’est-ร -dire le langage de la confrontation directe avec les tyrans, mais formulรฉ selon un style affectif propre ร tous les messages du Ciel, et doublรฉ du langage de la menace, mais une menace plutรดt paternelle que vindicative, car elle vise ร amener les gens ร la Foi avec tout ce qu’elle apporte de bienfaits dans ce bas monde et dans l’Au-delร , au peuple.
En tout รฉtat de cause, le hรฉros a commencรฉ par laย taqiyyahย (dissimulation de la Foi) pour avancer progressivement vers la ยซย neutralitรฉย ยป et arriver enfin ร ยซย la confrontation francheย ยป, et d’autant plus directe qu’il รฉtait amenรฉ ร envisager le pire pour lui-mรชme: son arrestation ou son assassinat. Et lร il s’est รฉcriรฉย : ยซje confie mon sort ร Dieuยป.ย [35]
Moralitรฉ, il est important, d’une part, de savoir dissimuler parfois notre foi, pour pouvoir par la suite exploiter notre position, le moment venu, d’une faรงon intelligente, et non passionnelle ni naรฏve qui ne tient pas compte des circonstances ambiantes, et d’autre part de nous confier et de nous fier ร Allah lorsque nous nous engageons dans la confrontation directe.
Le rรฉcit a conclu le sort du hรฉros et ceux de ses ennemis d’une faรงon brรจve et sans dรฉtails.
Concernant le sort du premier, le hรฉros, le rรฉcit s’est contentรฉ de faire allusion ร la prรฉservation de sa vie terrestreย : ยซDieu prรฉserva ce croyant de leurs mรฉchantes rusesยป.ย [36]
Notons tout d’abord que ce qui importe pour le rรฉcit c’est d’รฉtablir un lieu de cause ร effet entre le fait que le hรฉros se soit confiรฉ ร Allah et le fait qu’Allah l’ait sauvรฉ des menรฉes mรฉchantes de ses ennemis. Et s’il a tissรฉ un silence autour de la faรงon dont fut sauvรฉ le hรฉros, c’est parce qu’il s’intรฉresse uniquement au salut lui-mรชme du personnage et non ร son comment. Telle est donc la justification romanesque de l’absence de dรฉtails relatifs au sort du Croyant des gens de Pharaon.
En effet, ce que vise le rรฉcit, c’est d’attirer notre attention sur la soustraction du hรฉros aux mauvais desseins des gens de Pharaon ร son รฉgard, dรจs lors qu’il s’รฉtait confiรฉ ร Allah.
ยซย La confiance en Allahย ยป, voilร le message que cette sรฉquence du rรฉcit nous transmet, aprรจs nous avoir communiquรฉ le message de laย taqiyyahย et le message de ยซย la confrontation directe avec les ennemisย ยป dans le domaine du djihรขd.
ยซย Se confier ร Allahย ยป signifie que le combattant dans les champs de bataille ou dans le domaine du combat intรฉrieur (le grand djihรขd contre le moi), ou encore dans tout acte envers d’Allah, est assurรฉ de la protection du Crรฉateur lorsqu’il se trouve dans les difficultรฉs – si extrรชmes soient-elles, ร condition que cette confiance soit sincรจre, profonde et รฉprouvรฉe dans tous les actes d’adoration en gรฉnรฉral. Et c’est ce que nous avons observรฉ dans les actes ou la conduite du Croyantย : il a dissimulรฉ sa foi pour la cause d’Allah; il est intervenu dans le projet de l’assassinat de Moรฏse, pour la cause d’Allah ; il a conseillรฉ son peuple, puis l’a menacรฉ – au risque de s’exposer ร la mort – pour la cause d’Allah.
Il avait confiรฉ son sort ร Allah, et Allah ne l’a pas dรฉรงuย : IL l’a prรฉservรฉ des mรฉchantes ruses des gens de Pharaon et IL a administrรฉ ร ceux-ci le chรขtiment le plus dur.
Passons maintenant au sort des gens de Pharaon.
Le rรฉcit, lร encore, fait l’รฉconomie des dรฉtails du sort rรฉservรฉ ร ces tyrans, se bornant ร annoncerย : ยซet les gens de Pharaon, Dieu les enveloppa du chรขtiment le plus durยปย [37], rรฉalisant ainsi une symรฉtrie ou un รฉquilibre entre le sort du hรฉros sauvรฉ par le Ciel sans plus de dรฉtails sur ce sauvetage et la vengeance du Ciel des ennemis, sans plus de dรฉtails sur cette vengeance.
On ne peut donc qu’apprรฉcier cet art romanesque qui se signale clairement ร travers cet รฉquilibre gรฉomรฉtrique entre le sort respectif des deux parties du conflitย : la Vรฉritรฉ et le Faux.
Mais il est ร noter que le rรฉcit n’est pas encore sorti du cadre du sort terrestre des gens de Pharaon. Car nous avons dรฉjร dit, au dรฉbut de notre exposรฉ, que le milieu dans lequel รฉvolue le rรฉcit est composรฉ de trois milieuxย : le milieu de la vie terrestre, le milieu deย Barzakhย (tombeau), et le milieu de la vie de l’Au-delร . Il reste donc encore deux milieux qui attendent les gens de Pharaonย : le Barzakh ou la tombe, et le milieu infernal dans la Vie future.
Mais avant d’aborder ces deux milieux, il est important d’รฉtablir un lien de causalitรฉ, sur le plan de l’art romanesque, entre lesdits milieux et les derniers mots par lesquels le Croyant a achevรฉ son discours ร l’adresse de son peuple…
Comme on s’en souvient, ร peine ce Croyant a-t-il ditย : ยซJe confie mon sort ร Allahยปย [38], le rรฉcit a annoncรฉ au dรฉbut de la sรฉquence suivanteย : ยซDieu prรฉserva ce croyant de leurs mรฉchantes rusesยป.[39]
Mais le hรฉros avait dit aussiย : ยซร mon peupleย ! Pourquoi vous appellerais-je au salut, alors que vous m’appelez au feuยปย [40]ย etย ยซvous vous souviendrez de ce que je vous disยป.[41]
Ces deux derniรจres paroles du Croyant dรฉnotent une signification romanesque de la premiรจre importance dans la mesure oรน elles se reflรฉteront sur les sorts des gens de Pharaon dans ce monde et dans la Vie future en particulier, c’est-ร -dire dans le milieu deย Barzakhย (tombe) et le milieu de l’Enfer.
En d’autres termes, ou en terminologie de la critique romanesque, les deux phrases par lesquelles le hรฉros a clos son discours, ยซย dรฉveloppentย ยป le mouvement des pรฉripรฉties et les font รฉvoluer organiquement, de sorte qu’elles laissent un effet ยซย causalย ยป sur la variation des pรฉripรฉties suivantes et sur leur attachement ร tel sort ou tel autre.
En effet, l’ ยซย Enferย ยป dont le hรฉros a menacรฉ les gens de Pharaon et le salut auquel il les a invitรฉs se sont concrรฉtisรฉs par le ยซย salutย ยป (la vie sauve) effectif du hรฉros et la ยซย punitionย ยป effective de ses interlocuteurs (les gens de Pharaon).
En outre les pรฉripรฉties du rรฉcit rรฉalisent les prรฉdictions du hรฉrosย : ยซVous vous souviendrez de ce que je vous disยป, et font rappeler les gens de Pharaon, mais quand ce sera trop tard.
Prรฉsentons maintenant le milieu eschatologique, dans ses deux volets, en l’occurrence le milieu deย Barzakhย et le milieu du Jour dernier, et examinons leur rapport aux paroles du hรฉrosย : ยซles pervers deviendront les hรดtes du Feuยปย [42]ย etย ยซvous vous souviendrez de ce que je vous disยป.
Il est indubitable que les tyrans se souviendront de ce que le hรฉros leur a dit de mรชme qu’il ne fait pas de doute qu’ils deviendront comme l’a promis les hรฉros, lโhรดte du Feu subconsรฉquemment ร leur persรฉvรฉrance dans la tyrannie.
Le voilร donc le milieu de Barzakh qui arrachent les coeurs des tyrans sans relรขcheย : ยซLe Feu, ils (y) seront exposรฉs matin et soirยป.ย [43]
Et voilร le milieu du Jour dernier oรน ils doivent entrer dans le Feu auquel ils ont รฉtรฉ exposรฉs matin et soir, dans la tombeย : ยซl’on dira, le Jour oรน se dressera lโHeureย : ยซย Introduisez les gens de Pharaon au sein du chรขtiment le plus durย ยปยป.ย [44]
Le lecteur peut s’interroger ici sur la justification (romanesque) de la prรฉsentation du milieu de Barzakh d’abord, et de celui du Feu (et notamment cette sรฉquenceย : ยซintroduisez les gens de Pharaon au sein du chรขtiment le plus durยป) par la suiteย ?
Nous verrons dans la derniรจre partie du rรฉcit une place spรฉciale pour les gens de Pharaon dans le milieu du Feu, dans laquelle sont exposรฉes les discussions de ces derniers entre eux, et les blรขmes que les uns adressent aux autres, ainsi que le reflet d’autres pรฉripรฉties du rรฉcit sur la relation organique รฉtablie entre la conduite des gens de Pharaon dans la vie terrestre et son incidence sur leur position dans l’Au-delร , ainsi que sur leur faรงon d’agir avec le hรฉros (le Croyant des gens de Pharaon).
Avant de traiter de la signification romanesque de la prรฉsentation de Barzakh, puis du milieu de l’Enfer lui-mรชme ร travers les discussions que les gens de Pharaon y engagent, il est nรฉcessaire de noter que le hรฉros (le Croyant) disparaรฎtra complรจtement de la scรจne, exactement comme l’a fait avant lui, Moรฏse, et que cette derniรจre partie du rรฉcit sera rรฉservรฉe exclusivement aux gens de Pharaon (dans le milieu eschatologique de l’aprรจs vie terrestre).
Quant ร la raison technique de la disparition du hรฉros des thรฉรขtres des รฉvรฉnements, la question ne pose pas dans la mesure oรน nous avons dรฉjร expliquรฉ que le rรดle du hรฉros s’est achevรฉ avec l’achรจvement de sa mission de confronter les tyrans dans la vie terrestre.
En ce qui concerne son rรดle dans la vie de l’Au-delร , il s’inscrit dans un autre registre et se limite ร la rรฉflexion de l’รฉcho de ses paroles, ses prรฉdictions et ses conseils sur les sorts rรฉservรฉs aux gens de Pharaon aussi bien dans la tombe qu’en Enfer.
Le Croyant des gens de Pharaon a allongรฉ son discours ร l’attention de son peuple, et cet allongement a, sans aucun doute, sa justification.
Ses interlocuteurs, Pharaon en tรชte, ont rรฉagi ร ce discours par le sarcasme, par une attitude encore plus orgueilleuse et par plus d’entรชtement.
De lร , proportionnellement ร l’allongement du discours, on peut prรฉvoir que la punition, dont le hรฉros a menacรฉ son peuple sera allongรฉe aussi pour qu’il y ait รฉquilibre (sur le plan de l’art romanesque) entre l’espace (ou la durรฉe) consacrรฉ ร l’exposรฉ des conseils et des menaces du Croyant et la durรฉe ou l’espace qu’occupe la description de la punition subconsรฉquente au refus des gens de Pharaon d’รฉcouter ses conseils, aprรจs avoir ignorรฉ les conseils de Moรฏse, avant lui รฉgalement.
Ainsi le rรฉcit a consacrรฉ ร la description de l’environnement de Barzakh oรน sombrent les gens de Pharaon une place qui correspond ร leurs attitudes et leurs menรฉes criminelles: ils ont tuรฉ les hommes, laissรฉ vivre les femmes en veuves et orphelines, รฉgorgรฉ les enfants, outre qu’ils se sont entรชtรฉs dans leur orgueil malgrรฉ les conseils sincรจres et dรฉsintรฉressรฉs prodiguรฉs non seulement par un รฉtranger comme Moรฏse, mais aussi par un jeune issu de leurs rangs, faisant partie de la clique au pouvoir, ou mieux un proche parent de Pharaon, un cousin selon certains textes d’exรฉgรจse.
Malgrรฉ tout cela, les gens de Pharaon ont persistรฉ dans la mauvaise voie, attirรฉs viscรฉralement par l’amour du pouvoir.
L’insolence et la vanitรฉ de Pharaon ont รฉtรฉ portรฉes ร leur apogรฉe lorsqu’il a demandรฉ ร son ministre impuissant Hรขmรขn de lui construire une tour qui lui permettrait de voir le Ciel, se moquant ainsi de Dieuย ! Quel horrible sort peut-on prรฉvoir dรจs lors ร un tel tyran, ร sa clique gouvernante et ร son peuple dominateurย !
Mรชme la lie du peuple, les faibles de son peuple รฉtaient รฉblouis par son faux pouvoir, et l’ont suivi et ont suivi sa clique, aspirant ร de petits gains, prรฉfรฉrant la vie d’ici-bas ร celle de l’Au-delร , choisissant la tranquillitรฉ plutรดt que le combat sur le Chemin d’Allah, bien que ce Chemin leur ait รฉtรฉ bien montrรฉ par ceux, parmi eux, qui ont rรฉpondu ร l’Appel de la Vรฉritรฉ, ont cru et ont รฉpousรฉ la cause d’Allah malgrรฉ toutes les รฉpreuves qu’ils ont subies ร cet รฉgard.
Donc l’amour du pouvoir et la prรฉfรฉrence de la tranquillitรฉ, malgrรฉ l’รฉvidence de la Vรฉritรฉ et la profusion de conseils prodiguรฉs, dรฉboucheront forcรฉment sur un sort dont l’horreur est proportionnelle ร la jouissance terrestre tant recherchรฉe, et qui s’est รฉvaporรฉe en quelques secondes, emportรฉe par la noyade qui les a livrรฉs au fond de la mer.
Mais la mer n’a pas tardรฉ ร les livrer ร son tour ร la chaleur du Feu. Les eaux froides les ont remis aux flammes brรปlantes.
Les voilร donc, aprรจs avoir รฉtรฉ emportรฉs par la mer, ยซexposรฉs matin et soir au Feuยป, et tout ceci avant le Jour dernier oรน ce qui les attendra sera de tout autre ampleur.
Dans le milieu du Jour du Compte les gens de Pharaon commencent ร se souvenir du hรฉros et de ce qu’il leur a ditย :ย ยซVous vous souviendrez… ยป. Ne leur a-t-il pas montrรฉ clairement la voie du salutย ? Ne leur a-t-il pas dit que ยซles pervers deviendront les hรดtes du Feuยปย ?
Ils se mettent ร se blรขmer mutuellement. Chacun rejette sur l’autre la responsabilitรฉ de son รฉgarement. Ils se souviennent tous des prรฉdictions du hรฉros. Mais ร quoi bon. Ici ils nโont aucune alternative. L’Enfer et rien que l’Enfer; alors qu’ils avaient le choix le jour oรน le hรฉros s’est adressรฉ ร eux en leur indiquant les deux voies opposรฉes qui se dessinent devant eux: la voie du Paradis et la voie de l’Enfer.
Le rรฉcit s’achรจve sur cet exposรฉ sur les gens de Pharaon dans le milieu dโEnferย :
ยซLorsqu’ils se disputent dans le Feu, les faibles diront aux orgueilleuxย : ยซย Nous vous avons suivis ; pouvez-vous, maintenant, nous prรฉserver d’une partie de ce Feuย ?ย ยป.
ยปLes orgueilleux dirontย : ยซย Nous y sommes tous plongรฉsย ยป – Dieu juge Ses serviteurs – ยป.ย [45]
Tel est le dialogue qui se noue entre les deux classes des gens de Pharaonย : les faibles et les orgueilleux.
Il est un autre dialogue qui s’engage entre les gens de Pharaon et les gardiens de la Gรฉhenneย :
ยซCeux qui seront dans le Feu diront aux gardiens de la Gรฉhenneย : ยซย Priez votre Seigneur de diminuer d’un jour notre chรขtimentย ยป.ยปLes gardiens dirontย : ยซย Vos Prophรจtes ne vous ont-ils pas apportรฉ des preuves dรฉcisives? Ils rรฉpondrontย : ยซย Oui, ils sont venusย !ย ยป. Les gardiens dirontย : ยซย Invoquez Dieuย !ย ยป, mais la priรจre des incrรฉdules n’est quโaberrationย !ยป[46]
Cette prรฉsentation qui conclut le rรฉcit tranche tout. Elle est un dรฉveloppement organique et une รฉvolution artistique d’un exposรฉ riche en pรฉripรฉties et en situations dans lesquelles le hรฉros, le Croyant des gens de Pharaon, a occupรฉ la place centrale, par son argumentation adressรฉe aux gens de Pharaon et par la rรฉplique de Pharaon ร cette argumentation.
Moralitรฉ, le public qui avait assistรฉ ร la rรฉunion tenue par Pharaon et sa clique, ou qui a reรงu l’รฉcho de l’intervention du hรฉros, de son discours et de ses conseils sincรจres, ce public avec son tyran Pharaon et tous les autres orgueilleux, tiennent une rรฉunion semblable dans la Gรฉhenne, mais uniquement pour se blรขmer les uns les autres, et non pour choisir la voie ร suivre, comme ils en avaient la possibilitรฉ lors de la premiรจre rรฉunion, celle de la vie terrestre.
Voilร les faibles, ceux qui se sont contentรฉs de suivre, qui avaient lรฉchรฉ les pieds de leurs chefs, qui se sont comportรฉs en stipendiรฉs pour satisfaire les dรฉsirs malsains de leurs maรฎtres, qui se sont prรฉfรฉrรฉ la tranquillitรฉ et la jouissance รฉphรฉmรจre, les voilร qui blรขment leurs maรฎtresย :
ยซNous vous avons suivis; pouvez-vous, maintenant, nous prรฉserver d’une partie de ce Feu?ยปย [47]
Et leurs chefs de rรฉpondre, sur un ton qui, exaspรจre leur sentiment de douleur, d’amertume et de regretย : ยซNous y sommes tous plongรฉs. Dieu juge Ses serviteursยป.
Combien ces stipendiรฉs se sentent-ils bafouรฉs, รฉcrasรฉs et frustrรฉs lorsqu’ils entendent leurs commanditaires se dรฉgager de toute responsabilitรฉย ? Tout ceci concerne le dialogue des gens de Pharaon entre eux.
Quant ร leur attitude envers les gardiens de la Gรฉhenne, elle est pire encore. Lorsqu’ils ont demandรฉ ร ces derniers de prier Allah pour qu’IL diminue, mรชme d’un seul jour, leur chรขtiment, ceux-ci leur ont rappelรฉ (comme l’avait fait le hรฉros) les Prophรจtes qui รฉtaient venus vers eux avec des preuves รฉvidentes ร l’appui. Et ces gardiens dโajouterย : ยซPriez Dieu vous-mรชmesย !ยป. Ils l’ont dit en se moquant des gens de Pharaon, de la mรชme faรงon dont Pharaon s’รฉtait moquรฉ du hรฉros, dans la rรฉunion terrestre, lorsqu’il avait demandรฉ ร son ministre Hรขmรขn, sur un ton moqueur, de lui construire une tour lui permettant d’avoir une vue sur le Ciel afin de voir le Dieu du Croyant des gens de Pharaon.
La rรฉplique artistique ร la moquerie de Pharaon est donc cette rรฉponse sarcastique lancรฉe par les gardiens de la Gรฉhenne ร la figure des tyrans et de leurs agents stipendiรฉs, qui avaient prรฉfรฉrรฉ la jouissance รฉphรฉmรจre de la vie terrestre et qui avaient raillรฉ les croyants.