Abstract
Par Dr. Dalil BOUBAKEUR
Recteur de la Mosquée de la Paris
Ilfut un temps dansL”histoirereligieuse de L’humanitéoù 1a science étaitl’affaire des prêtres qui en faisaient un domaineréservéexclusivement à leur caste. Plus tard, les sages de la Grèce antique l’inclurentdans la philosophie. Sa vulgarisation, sans garantie morale, leurparaissantdangereuse, ilsénoncèrentcommeprincipepréventif : “science sans conscience n’estqueruine de l’âme”. L’attitude des doctrines monothéistesvis à vis de la science n’aensuiteéténiidentique, ni invariable. Dans la mesureoù les découvertesscientifiquesmettaient en cause leurdogmatisme, les dirigeants de certaines religions n’ont pas manqué de s’alarmer et de s’enprendre aux savants, voire de les massacrer à l’occasion. Tel n’ajamaisété le cas de l’Islam qui, n’ayant pas de clergéstructuré, a toujoursglorifié la science et honorésesdétenteurs.
“Ceux qui saventsont-ils à mettresur le même pied d’ égalitéqueceux qui ne saventpas ?” (S. XXXIX, 9. “AzZumar” (les groupes “Hel YestaouiLadhinaYa ‘LamunaWal- LadhinLâYa ‘Lamûna” ).
L’Islamaccorde à la science et aux savants une place privilégiée en incitantsur plus de 750 versets du Coran (selonJawhâriTantâwi) à la réflexion, à l’observation et à la connaissance par l’intelligence et la raison. Coran S. 111-190 : “En vérité, dans la création des cieux et de la Terre, dans l’ alternance de la Nuit et du Jour il y a certes des signes pour ceux qui sontdouésd’intelligence.” Science etconnaissancesontdonc des exigences de la Foi. Le CoranenseignequeDieuaétabli Adam comme son Vicaire (Khalifa) sur Terre, et le Coran: S.llVersets 30-34, nous ditqueDieu le pourvut de la science des Noms de tous les êtres et de toutes les choses queDieu a crées, capacitéquen’avaient pas les Anges.
Ilestainsiprescrit au musulman de faire confiance à la science positive, de ne jamaisvoirdanssesprogrèsune menace pour safoi. D’où l’ obligation pour tout théologien de l’Islam de suivre en touteobjectivitéetprobitéintellectuelle la marche du savoir humain. Il ne s’agit point, au demeurant pour lui, de faire de la théologieunebranche des spéculationsscientifiques, maisd’avoir, s’ilveuts’occuper de théologie, une base scientifiquesuffisante pour être au courant du mouvementintellectuel qui parcourt le monde. Car c’estlà son devoir en tantquedocteur et “successeur des Prophètes” ( ‘Inna-l-ulamâ ‘a warathatu-I-Anbiya) (Cf., Al Bukhârî, Bâb-l-‘Ilm ; AbûDâwud, id. ; Ibn Mâjah, Muqaddima, etc). Il s’agitdonc de concilier la religion, dont l’ enseignement repose sur des dogmes intangibles, et des actes de Foicomme “don total” avec la science, dont les acquits relèvent de l’ expérimentationvérifiable et des conjectures de la démonstrationrationnelleouphilosophique.
Les temps modernesontfaitapparaître de plus en plus aux savants de l’Islam la nécessitéd’allier Science etFoi, et non dansunedogmatiquethéologique et technique figées par les chaînes de l’imitation qui sont les signesavérés de la stagnation intellectuelle. Citonsdanscedomaine le Professeur Mohamed Arkoun : “La penséereligieusenepeut plus rester le monopole des théologiens”, maisfournirtoujours des réponsesvivantes aux questions vivantes et évolutives de notre temps. Le mouvementétant le signe de la vie (biologique). L’Islamresteetdoitresterunespiritualitévivante pour tous les temps, tous les lieux et danstous les domaines
Cetteexigence de la Foipermanenteetéclairéepar la connaissanceestparticulièrementnécessairedevant les débordementsscientifiques et techniques étonnantsoù la pensée-religieuseest sans cessesollicitée en vue d’un Jjtihad permanent. Ceciestparticulièrementvraidans le domaine des sciences médicales et biotechnologiquesoùunevéritableBioéthiquereligieusevient de naître – et oùl’Islam tend à fournir des réponseshumanistes, se fondant sur le respect de la dignité de la PersonneHumaine, sur le respect du sacré de la vie et du devenir de l’espècehumaine, faisant de la religion une source inépuisable de véritéséternelles, et uneresponsabilitédirecte de l’Homme (cf. Bans Jonas : “l’Ethique -Responsabilité” ).
Aujourd’hui la penséereligieuse de l’Islam ne peut plus ignorer les mouvements des idées du monde, niceux de la penséemoderne, notamment en matière de nouveaux droits de l ‘homme et de la place légitime de la femme dans la société.
Elle le peutd’autantmoinsque le progrèsscientifique et technique appelle à un renouveau permanent de la considération de l’exacte nature biologique et spirituelle de l’êtrehumain et de saresponsabilitévis à vis de lui-même et de la préservation de sapropreespèce.
Encore faut-ilquecerenouveauéthique et spirituel de la penséereligieusesoitpartagé par les masses musulmaneselles-mêmes, empêchées de s’ouvrir à tout progrèsspirituel par une “pensée unique” limitéebiensouvent à uneexégèseétroitementlittéraliste et stagnante de la jurisprudence.
D’oùl’importance de l’éducation et de la formation du musulman, futurcitoyen d’un monde à venir, où la Foi tout en gardantsaprimautédans le rapport de transcendance avec Dieu et avec les hommesdevras’épanouir à la lumière de la science, et non se réfugierdansune attitude frileuseoucraintivedevant tout progrès.
Après tout, la science a pour éthique la Toléranceetl’Humilitédevant la Vérité. Cetteéthique, bien loin de contrarier la Foi ne peutque la renforceretépanouir 1’humanité devantDieu Tout Puissant.