Abstract
L’embellissement de la voix dans la récitation du noble Coran est un art où les musulmans ont brillé depuis la naissance de l’islam et le début de la révélation. Les nobles Compagnons ont appris le Coran de la bouche du Bien-aimé de Dieu, le Messager Muhammad, si bien que la Parole de Dieu a éclairé leur cœur et s’est mêlée aux profondeurs de leur âme. Certains Compagnons s’étaient distingués par la beauté de leur voix lors de la récitation du Coran. Le Prophète, paix et bénédiction de Dieu sur lui, prenait plaisir à entendre le Coran récité par les voix chaleureuses et agréables de certains Compagnons. Il dit de Salim, l’affranchi de Abû Hudhayfah, qui était un excellent récitateur du Coran : « Louange à Dieu qui a fait surgir dans ma Communauté un homme comme celui-là. » Le Messager fit également l’éloge de la beauté de la récitation de Abû Mûsâ Al-Ash`arî, que Dieu l’agrée, et dit de Ubayy Ibn Ka`b qu’il était l’un des meilleurs récitateurs du Coran de sa Communauté.
Que dire alors de la beauté de la récitation du Noble Prophète lui-même ? Jubayr Ibn Mut`im dit : « J’entendis le Messager de Dieu, paix et bénédiction de Dieu sur lui, réciter à la prière du coucher du soleil la sourate At-Tûr ; je n’avais jamais entendu une voix ni une récitation plus belles que les siennes. Puis, quand je l’entendis réciter dans cette sourate le verset : « Ont-ils été créés à partir du néant ou bien sont-ils eux-mêmes les créateurs ? » [1], j’ai eu l’impression que mon âme s’était fendue et que mon cœur allait s’envoler. »
Puis, de génération en génération, les musulmans se sont transmis l’art de la récitation du Coran, selon les règles bien connues de la récitation du Prophète, consignées par la science du tajwîd qui régit la correction de la diction et la perfection de la récitation.
L’Égypte et la récitation du Coran
Dieu a voulu que l’Égypte occupe une place saillante dans le monde de la récitation coranique, notamment au cours des deux derniers siècles. De nombreux savants, comme Sheikh Muhammad Ahmad Al-Mitwallî (décédé en 1895) ou Sheikh `Âmir `Uthmân (décédé en 1988), ont œuvré au service du Coran en composant divers ouvrages traitant des sciences et de la récitation coraniques. D’autres figures ont excellé dans la récitation du Coran, grâce au talent que Dieu leur a accordé. Ainsi, Dieu a-t-il comblé l’Égypte et le monde musulman, par des géants de la psalmodie aussi doués que Sheikh Muhammad Rif`at, Sheikh Mustafa Isma`îl, Sheikh Abû Al-`Aynayn Shu`aysha`, Sheikh Mahmûd Khalîl Al-Husarî, Sheikh Muhammad Siddîq Al-Minshâwî, Sheikh Kâmil Yûsuf Al-Bahtîmî ou Sheikh `Abd Al-Bâsit `Abd As-Samad.
Ces grands maîtres marquèrent de manière indélébile le monde de la récitation. Leur influence ne fait que confirmer cette phrase devenue célèbre : « Le Noble Coran fut révélé à La Mecque, récité au Caire et transcrit à Istanbul. »
Naissance et jeunesse
Parmi les maîtres-récitateurs qui possédèrent les cœurs de tous les musulmans sans exception, figure Sheikh `Abd Al-Bâsit Muhammad `Abd As-Samad. Son étoile brilla au milieu du XXe siècle et sa réputation ne cessa de croître, même après son décès. Tel est le bienfait de Dieu qu’Il accorde à qui Il veut.
Ce talentueux récitateur naquit dans le village de Armant, rattaché à la province de Qinâ, en Haute-Égypte, en 1927. Depuis sa plus tendre enfance, son cœur s’attacha au Coran. Il parcourait des kilomètres à pied pour se rendre dans un village voisin où il pouvait écouter, assis dans un café, la psalmodie de Sheikh Muhammad Rif`at et de Sheikh Ash-Sha`shâ`î, transmise par la Radio du Coran du Caire. Le jeûne `Abd Al-Bâsit confia à son père son souhait de se consacrer à l’apprentissage du Coran et des règles de sa récitation. Les frères aînés de Sheikh `Abd Al-Bâsit exprimèrent une opposition à ce choix, préférant pour leur cadet la voie qu’ils avaient eux-mêmes empruntée, à savoir, l’apprentissage des sciences islamiques dans les prestigieux instituts islamiques d’Al-Azhar.
Mais le père, sentant la motivation en son jeune fils, l’encouragea et s’apprêta à voyager avec lui pour le laisser à Tantâ, ville phare du delta du Nil, célèbre pour ses savants et ses récitateurs. Mais, avant qu’ils ne partent, Sheikh Muhammad Salim, un professeur de récitation coranique, quitta le nord de l’Égypte et alla s’installer dans un village de Haute-Égypte, tout près du village de Sheikh `Abd Al-Bâsit. Le père de Sheikh `Abd Al-Bâsit le lui confia. Le jeûne garçon mémorisa le Coran avant l’âge de dix ans. Puis, dans les années qui suivirent, il apprit de son Sheikh les sept lectionnaires (al-qirâ’ât as-sab`). Le cœur du professeur s’attacha à son élève brillant et précoce. Il l’emmena avec lui à toutes les soirées organisées pour la récitation coranique et l’enveloppa de ses soins. Il l’encourageait à réciter en public alors qu’il n’avait que 14 ans. Cet entraînement et ce contact avec le public perfectionna le talent de Sheikh `Abd Al-Bâsit.
La renommée de Sheikh Abd Al-Bâsit commença à croître avec les soirées religieuses organisées pendant le Ramadân en Haute Égypte. Ces soirées rassemblaient une grande foule venue pour écouter des psalmodies et des hymnodes. Les anniversaires des pieux savants étaient également le rendez-vous des grands récitateurs de la région. La Haute Égypte avait déjà un poids non négligeable dans la récitation coranique, avec des noms aussi célèbres que « le Récitateur de la Haute Égypte », le Sheikh Siddîq Al-Minshâwî – qui était le père des deux grands récitateurs Sheikh Mahmûd Siddîq Al-Minshâwî et son frère aîné, le dévot, Sheikh Muhammad Siddîq Al-Minshâwî – ainsi que Sheikh `Abd Ar-Râdî, Sheikh `Awadî Al-Qûsî, autant de récitateurs qui ont profondément influencé Sheikh `Abd Al-Bâsit. Celui-ci fut également sensible aux voix des grands récitateurs des provinces du Nord de l’Égypte, comme Sheikh Muhammad Rif`at et Sheikh Mustafâ Ismâ`îl.
Le départ au Caire
A l’occasion de l’anniversaire de la naissance de Dame Zaynab, en 1950, de nombreux récitateurs de Haute Égypte se rendirent au Caire pour participer à des soirées religieuses organisées dans l’illustre Mosquée As-Sayyidah Zaynab. Les maîtres-récitateurs finirent par convaincre Sheikh `Abd Al-Bâsit, à peine âgé de 23 ans, de se rendre avec eux au Caire. C’était le rendez-vous avec la renommée pour le jeune récitateur. Gêné par son jeune âge, intimidé par la présence des plus grands récitateurs du pays, Sheikh `Abd Al-Bâsit refusa de réciter. Mais Sheikh `Alî Subay`, l’Imâm de la mosquée à cette époque, connaissait déjà le jeune Sheikh et insista pour le présenter au public.
Il commença sa récitation par le verset 56 de la sourate 33, Al-Ahzâb : « Certes, Allah est Ses Anges prient sur le Prophète ; vous qui croyez, priez sur lui et adressez-lui vos salutations. » Dieu déversa Sa Grâce sur le jeûne récitateur dont la voix séduisit la grande assemblée réunie dans la mosquée. Les gens ne cessèrent de s’étonner : « Comment un talent aussi brillant n’était pas connu jusque-là ? » La renommée ne tarda pas. Un an plus tard, Sheikh `Abd Al-Bâsit se présenta au concours très sélectif de la Radio du Coran du Caire. Le jury comptait entre autres Sheikh Ad-Dabbâ`, le Président de la Ligue des Récitateurs d’Égypte, Sheikh Mahmûd Shaltût, futur Recteur d’Al-Azhar, et le grand récitateur Sheikh Mahmûd `Alî Al-Bannâ. Il fut admis à la Radio du Caire qui diffusa sa voix toutes les semaines, les samedis soir.
En 1952, il devint le récitateur attitré de la Mosquée de l’Imâm Ash-Shâfi`î. Puis, il succèda en 1985 à Sheikh Mahmûd `Alî Al-Bannâ au poste de récitateur attitré de la Mosquée de l’Imâm Al Husayn.
Voyages
La renommée de Sheikh `Abd Al-Bâsit dépassa rapidement les frontières de l’Égypte pour s’étendre aux différents pays musulmans. Durant ses déplacements, le brillant récitateur fut accueilli avec l’amour et l’émotion des peuples qu’il visitait. Parmi ses voyages les plus émouvants, Sheikh `Abd Al-Bâsit cite sa visite en Inde. Il commença à réciter devant une grande foule de musulmans qui, gagnés par l’émotion, se mirent à pleurer à l’écoute du Sheikh. A leur tour, les larmes de Sheikh `Abd Al-Bâsit se précipitèrent pour rejoindre les leurs.
On lui doit l’enregistrement de la récitation intégrale du Noble Coran dans divers lectionnaires : Hafs, Warsh, Qâlûn, Hamzah, etc… Son tartîl (récitation rapide) passe régulièrement sur la Radio du Coran du Caire, en alternance, avec le tartîl de Sheikh Al-Minshâwî, de Sheikh Mustafâ Isma`îl et de Sheikh Al-Husarî. Ses enregistrements se sont diffusés dans tout le monde musulman, si bien qu’on les trouve dans toute librairie islamique.
Décès
Sheikh `Abd Al-Bâsit poursuivit son voyage avec le Noble Coran, accueilli par les foules et les princes qui se sentaient honorés par sa présence, et ce, jusqu’à ses derniers jours. Le 30 décembre 1988, dans un accident de voiture, Sheikh `Abd Al-Bâsit `Abd A<US< u>-Samad arriva au terme de son voyage ici-bas avec le Noble Coran. Mais même après son décès, Sheikh `Abd Al-Bâsit continue à bercer les cœurs des croyants, fidèles à cette voix du ciel. Puisse Dieu éclairer sa tombe par le Coran, puisse-t-Il élever son rang au Paradis et lui accorder la compagnie de notre Prophète Muhammad.