Abstract
Le Coranestuneprédicationorale. Reçufragmentairement de l’ange Gabriel, par voieauditive, comme parole incréée de Dieu, par Muhammad ellefûtcommuniquéeoralement par celui-ci et mise par écrit, de son vivant, par des scribes bénévolessur des omoplates, des morceaux de parchemin, des tablettes de bois, des débris de poterie. Parmices scribes (‘Ali b. AbîTalib, ‘Uthmân b. Affân, ‘Ubayy b. Ka’b, Hassân b. Thâbit, Mu’awiyya b. ‘AbîSufiyân), il y a lieu de notersurtoutZayd b. Thâbit qui devaitjouerultérieurement un rôlemajeurdansl’établissementdéfinitif du textesacré.
La tradition et les étudesislamiquesentreprisessur la recension du Coransontformellessurl’ordre des versets à l’intérieur des fragments, ousourates, de la révélation, exception faite de quelques-uns qui furentdéplacés sous le règne de ‘Uthmân (23-35/644-655) et dont on ne savait plus â quellesourate et dansquelordre les incorporer.
Rappelonsseulementque, du vivant du Prophète, la plupart de sescompagnons (sahâba) savaient par cœur le textesacrédans son intégralité. Après sa mort, un grand nombre des “porteurs du Coran en leurmémoire” (hâmilû-l-Qur’ân) furenttués au cours des sanglantesexpéditionsordonnées par son successeurimmédiat, le calife ‘Abû Bakr, dès son accession au pouvoir (an 11/632), contre les tribusbédouines en révolte, les apostats et les faux prophètes, en particuliercontre le plus dangereux de cesderniers, Musaylima, surnommé al-Kazhzâb (l’imposteur). Ilfutaidé par un transfuge de l’Islâm, nomméNaharu-r-Rajjâl et par la puissantetribu des BanûHanîfa, solidementretranchéedans les forteresses de Yamâma. Le besoin se fit sentiralors de fixer d’urgence le Coran par écrit. Le premier à s’inquiéter de cette situation et de l’avenir du textesacréfut ‘Omar B. al Khattâb, qui fit part de sescraintes à ‘Abû Bakr. Celui-ci refusa tout d’abordd’entreprendreun travail auquel le Prophètelui-mêmen’avait pas songé. Cependant, ‘Omar parvint, en insistant à plusieurs reprises, à persuader le calife de l’utilité d’un tel travail et à dissipersesscrupules. Faisantappel, tousdeux, au concours du meilleursecrétaire du Prophète, Zayd b. Thâbit, ilsfirentétablir un premier corpus de la Vulgate de l’Islâm, sous formed’une collection de feuillets formant un volume (mushaf).
Ilcontenait les versetscoraniquesrecueillis de la bouche d’aumoinsdeuxrécitateurs, honorablementconnus pour leurprobitéintellectuelle et leurpiété. Zayd qui savaitlui-même le Coran par cœur, mais a qui ‘Abû Bakr avaitrecommandé de ne pas se fier à saseulemémoire, entrepritsabesogne en touteindépendance, n’acceptantque les versetsindiscutablementétablis. C’estainsiqu’ilrefusad’incorporerunversetrelatif à la lapidation des adultères, rapporté par le seul ‘Omar, en dépit de son autorité et de sanotoriété de musulmanintransigeant, et malgré son insistance, fauted’autresrécitateurstémoins.
Ce prototype futconservé par ‘Abû Bakr durant son califat et, à sa mort, ilfutconfié par son successeur ‘Omar à Hafsa, fille de ce dernier et veuve du Prophète. Lorsqu’une multitude de textescoraniquesincontrôlablesetsouventfarcisd’inexactitudescirculèrentdans les diversescontrées de l’Islam, le troisièmecalife, ‘Uthmân b. ‘Affân, jugeaaussinécessairequ’urgent de mettre fin à cetteanarchie qui risquait de compromettre la pureté et l’unité du dogme et de diviser les musulmans. Il emprunta à Hafsal’exemplaireétabli sous ‘Abû Bakr et le remit comme document de base à une commission d’expertsqu’ilchargea de procéder à unerecension du texte.
Cette commission trèsrestreinteétaitcomposée de Zayd b. Thâbit, ‘Abdallah b. Zubayr, Sa’d b. Al’As, ‘Abdû-r-Ramhân b. Al Harith. leurconnaissance en la matière et leurautorité – Zayd b. Thâbitexcepté – étaient loin d’égalercelles des compagnonsque le califeavait, pour des mobiles personnels, injustementécartés, en particulier ‘Ali b. AbiTâlib, Ibn ‘Abbâs, ‘Abdallah b. Mas’ûd et ‘AbûMûsâ-l-Ash’ari. Unautrerécitateurtémoin non moinsréputé, qui avaitservi de secrétaire au Prophète, ‘Ubayy b. Ka’b, n’enfaisait pas partie, étant mort deuxansauparavant.
Elle pritsatâche à cœur et dut faire appel, en unesorte de consultation générale, à tous les musulmansdépositaires de la prédicationrévélée (huffâdh). Son appelfutentenduet les bonnesvolontésnemanquèrent pas. Les matériauxqu’elle put ainsiréunirfurentsoumis à une critique externe des plus sévères. Pour qu’unversetrécitéfûtretenuet pour qu’une lecture fûtpréférée à uneautre, ilfallait, pour en garantirl’authenticité, la concordance des témoignages, le critère de formeétant, a priori, la primauté du parler de Quraysh, langue du Prophète, sur les autresparlersarabes. Elle put, par cetteméthode, compléteretréviser le corpus d’Abû Bakr et de ‘Omar et procéder à unemise en ordre des sourates et des versets.
C’estdans de telles conditions qu’elle put donnerun corpus intégral et définitif, connu sous le nom de Mushaf ‘Uthrnân (Corpus de ‘Uthmân), devenu la Vulgate officielle de l’lslâm, sunnites et shj’itescompris. Ilcontientaussibien des versetsabrogés (mansûkh), maintenus par un souci de probité et de fidélité, que les versetsmodificatifs (nâsjkh).
Ce corpus futreproduit en plusieursautresexemplaires qui furentenvoyésdans les diverses provinces de l’Empiremusulman. Les versions coraniques, incomplètesou mal établies, furentconsidérées de planocomme sans valeur et déclaréesnulles.
Quelquesannées plus tard, un des plus dévouéssoutiens de la dynastieomeyyade à ses débuts, Al Hajjâj b. Yûsuf le Thaqîfit, entreprit de donnerunemeilleureprésentation au Corpus de ‘Uthmân, pour l’imposer au détriment des autres versions, par une fixation plus sûre du texte et par la réduction des variantes au minimum.