Abstract
Rappelons-nous que Mohammed (BSDL) fût un ILLETTRÉ.
« Par sa forme, aussi bien que par son fond, elle donne une entière satisfaction à qui entend son langage. Le Coran, son véhicule, fut et demeure le type par excellence de la lettre arabe. La beauté de son style est universellement admirée. A considérer abstraitement les qualités littéraires qu’il réunit, on peut même dire qu’il représente l’idéal de ce que devrait être une littérature en général. Disons tout de suite que la beauté du langage coranique tient du sublime et du majestueux, et non de l’entraînement séducteur. Elle saisit le cœur plus qu’elle ne flatte l’oreille, elle suscite l’admiration non l’enchantement, elle frappe plus qu’elle n’excite, elle procure du plaisir en repos et non en mouvement.
A l’âge d’or de l’éloquence arabe, où la langue atteignait l’apogée de sa pureté et de sa force, et où les titres d’honneur étaient décernés solennellement aux poètes et orateurs dans des concours annuels, il a suffit de l’apparition du verbe coranique pour que l’enthousiasme pour la poésie et la prose fût balayé, pour que les Sept Poèmes dorés et suspendus sur la porte d’Al-Kaaba fussent descendus et pour que toutes les oreilles se prêtassent à cette merveille de l’expression arabe… »
L’éloquence du Coran est incomparable
Elle ne rentre dans aucune des catégories connues de l’éloquence arabe, Balagha, mot qui s’applique à l’expression saisissante d’une idée, dans un langage qui est en harmonie parfaite avec ce qu’on veut exprimer : plus l’expression est noble, élégante, et expressive, plus l’éloquence de l’écrivain sera grande. La sublimité du style du Coran se prouve de plusieurs manières :
1°, L’éloquence arabe consiste surtout dans les descriptions de la nature visible, de la femme, des animaux, d’un combat, d’un voyage ; il en est de même de la poésie et de l’éloquence des autres nations. En s’appliquant avec assiduité, on peut, si on a de l’intelligence et du goût, arriver à un degré assez élevé dans ces genres de composition. Mais l’éloquence du Coran ne consiste pas dans la description de ces choses ; elle n’est donc pas empruntée aux Arabes, et on ne devait y trouver aucun des tours considérés par les Arabes comme élégants.
2°, Dieu, que son nom soit glorifié, a toujours gardé dans le Coran, la plus scrupuleuse exactitude ; or tout poète qui se tient à la réalité et n’accorde rien à l’imagination, perd tout son mérite. C’est à cause de cela qu’on a dit quels meilleurs poètes étaient ceux qui mentaient le plus. On sait que lorsque les deux poètes idolâtres, Labid ben Rabi’ a et Hassan ben Thabet, se furent convertis à l’Islam, leurs poésies perdirent beaucoup de leur prix. Le Coran, au contraire, est éloquent sans rien accorder au mensonge ni à l’imagination.
3°, Dans un poème (Qasida), on ne trouve généralement que deux ou trois passages vraiment beaux et supérieurs à tout le reste. Dans le Coran, au contraire, malgré son étendue, le tout est d’une beauté, d’une éloquence qui dépasse toutes les capacités humaines ; l’histoire de Joseph, par exemple, malgré sa longueur, est un morceau de la plus haute éloquence d’un bout à l’autre.
4°, Les poètes et les orateurs ne réussissent jamais à traiter deux fois le même sujet avec une égale supériorité ; dans le Coran, les récits relatifs aux prophètes, les descriptions de la résurrection, des attributs divins, les préceptes, se répètent tout en offrant des beautés toujours nouvelles et d’une égale excellence.
5°, Le Coran se borne à prescrire des lois, à défendre certaines choses, à recommander la pratique de la vertu, le renoncement au monde, et autres sujets qui se prêtent peu à l’éloquence ; il serait impossible à un poète ou à un écrivain, d’exposer avec une éloquence supérieure des règles de jurisprudence, par exemple, ou des articles de foi, en y épuisant toutes les ressources de la rhétorique.
6°, Tout poète n’est vraiment supérieur qu’en un seul genre. On a dit qu’Amru-ulqaïs est beau dans la joie, quand il parle des femmes ou des chevaux ; Nabigha exprime supérieurement la terreur ; ElA’scha la demande et les louanges du vin ; Zoheir l’espérance et le désir. Quant aux poètes persans, on a dit que Nizamy et Firdoussi étaient supérieurs dans les descriptions de batailles, Saady dans la poésie érotique, Anouary dans la Qassida. Le Coran atteint l’excellence dans tous les genres, soit qu’il promette, soit qu’il menace, soit qu’il exhorte. Je donnerai ici quelques exemples de son éloquence : – La promesse : « Aucune âme ne sait (ne saurait dire) combien de joies leur (aux hommes vertueux) sont réservées pour prix de leurs actions » (XXXII, 17). La menace : « Et tout homme orgueilleux et rebelle fut frustré dans son attente ; derrière lui est l’enfer il sera abreuvé d’une eau fétide qu’il prendra par gorgées et ne pourra avaler qu’avec difficulté ; la mort fondra sur lui de toutes parts, et il ne mourra pas ; un tourment terrible l’attend » (XIV, 18-20). Le reproche et la réprimande. « Nous avons châtié chacun selon ses péchés ; contre tel nous envoyâmes un vent lançant des pierres ; tel d’entre eux fut saisi soudain par un cri terrible de l’Ange Gabriel ; nous ordonnâmes à la terre d’engloutir les uns, et nous noyâmes les autres. Ce n’est pas Dieu qui a été injuste envers eux ; ce sont eux-mêmes qui se sont attiré le malheur » (XXIX, 40). L’avertissement : « Que t’en semble ? Si, après les avoir laissés jouir des biens de ce monde pendant de longues années, le supplice dont on les menaçait les surprend à la fin, à quoi leur serviront leurs jouissances » (XXVII, 205-207). La métaphysique : « Dieu sait ce que chaque femelle porte dans son sein, et pourquoi elle porte plus ou moins longtemps ce qui est dans ses entrailles. Tout chez lui a sa mesure ; il connaît ce qui est caché et ce qui est manifeste ; il est le Grand, le Très-Haut » (XIII, 8-9).
7°, Dans les transitions d’un sujet à l’autre, ou dans l’exposition d’un sujet complexe, il est impossible de soutenir le discours dans les hautes sphères de l’éloquence ; dans le Coran, on passe d’un récit à l’autre ; on prescrit, on raconte, on menace, on promet, on démontre, sans confusion, sans interruption dans la liaison des idées, et avec une sublimité d’expression si soutenue que les plus grands maîtres de l’éloquence arabe en sont frappés d’étonnement.
8°, Le Coran renferme dans quelques mots, des propositions profondes et compliquées : on en voit un exemple admirable dans le chapitre « Sad » (XXXIII, 9), où, en quelques versets, Dieu expose et les passions qui agitent les infidèle et les châtiments qui les attendent, les crimes et les châtiments des peuples antérieurs, l’histoire de David, de Salomon, de Job, d’Abraham, de Jacob, le tout avec une concision qui n’ôte rien à la perfection des détails. Cette autre parole du Coran, « Dans le talion (I’ exécution du meurtrier) vous avez la vie« , quelle est belle dans sa concision ! Ce parallélisme, établi entre le talion et la vie, et ce tour heureux qui du talion de la mort fait résulter la vie, sont certainement admirables. Les Arabes avaient sur le même sujet des sentences telles que celles-ci : « L’exécution de quelques-uns est la vie de tous ». « Tuez beaucoup afin qu’on tue peu ». « Rien ne prévient le tuer autant que le tuer », c’est-à-dire rien ne prévient les meurtres autant que l’exécution immédiate des meurtriers. De toutes ces sentences, la plus belle est assurément la dernière, et pourtant celle du Coran est encore plus belle :
1° parce qu’elle est plus concise ;
2° parce qu’elle est de beaucoup plus précise ;
3° parce qu’elle n’offre pas la répétition du même mot ;
4° parce qu’elle a un sens plus étendu ;
5° parce qu’elle s’applique seulement aux exécutions légales, ayant pour but le châtiment d’un coupable. De même, ces paroles du Coran, «Quiconque obéit à Dieu et à son envoyé, et craint Dieu et le révère, ceux-là seront les gagnants», c’est-à-dire ceux qui obtiendront la vie éternelle, contiennent dans leur concision, toute la règle de la vie. On raconte qu’Omar ben El-Khattab s’étant endormi une fois dans le Temple, fut éveillé par un homme qui prononçait à haute voix la profession de foi musulmane. C’était un prélat grec, qui connaissait la langue arabe. « J’ai entendu, dit-il au Calife, un prisonnier musulman réciter un verset de votre livre, qui contient en lui-même toutes les révélations faites à Jésus Christ, pour acquérir la perfection dans ce monde et le salut dans l’autre ; c’est le verset qui dit : « Quiconque obéit à Dieu« , &c. (comme ci-dessus). On raconte aussi qu’un médecin chrétien fort habile demanda un jour à Hussein ben Ali ben Elwaqqad, « Pourquoi n’y a-t-il rien dans votre livre touchant la médecine ? Cependant la médecine des corps est tout aussi importante que la médecine de l’âme ». « Si fait, dit Hussein, Dieu a résumé toute la science médicale dans un demi verset ». « Lequel ? » demanda le médecin. « C’est le suivant : « Mangez et buvez (de ce dont Dieu vous a permis l’usage), mais sans excès » (VII, 31). « Votre Prophète, demanda le médecin, a-t-il aussi dit quelque chose touchant la médecine ? » « Oui, répondit Hussein, notre Prophète a résumé toute la médecine en quelques mots : L’estomac est le siège des maladies, la diète le premier de tous les traitements, et le corps doit être traité selon ce à quoi il est habitué« . « Il faut avouer, dit le médecin, que votre livre et votre Prophète n’ont rien laissé à Galien ».
9°, La faconde et la douceur sont deux qualités qui se rencontrent rarement réunies dans les longues compositions des grands maîtres ; elles le sont partout dans le Coran, ce qui démontre l’excellence de sa composition.
10°, Le Coran contient toutes les beautés de l’éloquence dans ses affirmations, dans ses comparaisons, dans ses métaphores, dans ses exordes, dans les transitions, dans les inversions. On n’y trouve point d’expressions faibles ou triviales, point de mots inusités, point d’irrégularités de construction. J’ai démontré par dix raisons, que le Coran a atteint l’éloquence la plus parfaite, celle qu’il est impossible à l’homme d’atteindre ; et ces beautés, on les goûte et on les apprécie d’autant plus qu’on est mieux versé dans la connaissance des finesses de la langue arabe et de ce qui fait le prix de son éloquence.
L’admirable ordonnance qui règne partout dans le Coran
La pureté et l’élégance de son langage, la beauté de tous ses détails ont fait l’étonnement des Arabes et des penseurs qui se sont appliqués à étudier ce livre. Il y a dans toute composition des passages plus ou moins réussis que les autres, sur lesquels généralement on juge le tout. Ainsi, on blâme Amru-Ulqaïs d’avoir commencé un poème par ce vers célèbre : « Arrête-toi, que nous pleurions le souvenir d’un ami et d’une demeure », parce que, après avoir atteint dans le premier hémistiche du vers le pathétique le plus touchant, il ne se soutient pas dans le second au même niveau. On trouve mauvais aussi que le célèbre Abou-Najm ait commencé ainsi un poème, qu’il récita devant Hicham ben ‘Abdul-Malek : « Un arc jaune qui semble, lorsqu’il décroche sa flèche, un il louche qui regarde l’horizon ». Hicham était louche, et il ordonna que le poète soit mené en prison. On blâme aussi le commencement de la Qassida que Jérir avait faite en l’honneur de ‘Abdul-Malek, et qui est ainsi conçu : « Es-tu revenu de ton ivresse, ou bien ton âme est-elle encore offusquée ? » Jérir voulut lire sa Qassida à ‘Abdul-Malek, mais dès qu’il eut prononcé les mots du premier hémistiche qu’on vient de lire, « C’est ton âme qui est offusquée, fils de la …, » lui dit ‘Abdul-Malek, et coupa court à la lecture. On trouve tout aussi inconvenant le premier distique de la Qassida de Bohtori en l’honneur de Youssef ben Mohammad : « Malheur à toi dans une nuit dont la fin est proche ». « Malheur et honte à toi », répondit le Prince. Il est d’autres exemples que je pourrais citer, et qui montrent comment les poètes les plus illustres ont manqué, quelquefois, aux règles de l’art des vers.
Quant au Coran, les contemporains les plus éminents du Prophète ne purent y trouver, malgré leur profonde connaissance de la langue arabe et leur hostilité contre l’Islam, rien à relever, rien à blâmer ; ils durent tous reconnaître qu’il ne ressemblait à rien de ce qui l’avait précédé ; tantôt ils disaient que le Prophète était sorcier, tantôt qu’il reproduisait de vieilles traditions ; d’autres s’efforçaient d’empêcher leurs amis d’entendre réciter le Coran, de crainte que le charme de son style ne les séduise ».
Comment imaginer que les Arabes les plus éloquents, les plus hostiles à l’Islam, les plus attachés à l’ancien culte, n’aient jamais tenté de démasquer cette prétendue imposture en produisant une composition d’une éloquence égale à celle du Coran, au lieu d’exposer leur vie et leurs biens pour combattre la nouvelle religion ? Rien de plus facile assurément, alors qu’on les provoquait par des versets comme ceux-ci : » Présentez un chapitre pareil à celui-ci, et appelez qui vous voudrez à votre secours, à l’exception de Dieu, si vous dîtes vrai… Si vous doutez de ce que Nous avons révélé à notre serviteur, composez un chapitre pareil à celui-ci, et appelez vos témoins, si vous dîtes vrai… Si vous ne le faites pas, et certainement vous ne le ferez jamais. (… Craignez le feu qu’alimenteront les hommes et les pierres… Quand même les génies et les hommes se réuniraient pour produire quelque chose de semblable à ce Coran, ils ne le pourraient pas, non, même s’ils s’assistaient les uns les autres « . S’ils croyaient que Mohammad s’était prévalu de l’assistance de quelqu’un, pourquoi ne se sont-ils pas aussi fait aider ? Pourquoi ont-ils préféré la lutte à la discussion, le combat à une pacifique controverse ? C’est sans doute parce qu’ils étaient convaincus de l’excellence du Coran, et qu’ils reconnaissaient ne pouvoir rien opposer qui put le contrebalancer. On dit que lorsque Walid, fils de Moghira, entendit le Prophète – que le salut soit sur lui ! – réciter ces paroles du Coran : » Dieu veut la justice et le bien, et la libéralité envers les parents ; il défend la turpitude et l’iniquité et l’injustice, il vous alertât, peut-être réfléchirez-vous » (XVI, 90) ; il s’écria : « Par Dieu, que cela est doux à entendre, que c’est élégant… Certes ce n’est pas un homme qui a écrit cela ». On raconte que Walid, ayant entendu lire le Coran en fut très touché. Abou jahl, qui était son neveu, lui reprocha son attendrissement, sur quoi Walid répondit : » Aucun de vous ne connaît la poésie arabe mieux que moi ; cependant je n’ai jamais rien vu de semblable « . On dit aussi qu’à l’approche de l’époque du pèlerinage, Walid assembla les Koraïchites et leur dit : « Les députations des différentes tribus vont arriver ; mettons-nous d’accord sur ce que nous dirons de cet homme (Mohammad) de manière à ne pas nous contredire les uns les autres. » C’est un devin », dirent-ils ; « Par Dieu », dit Walid, « ce n’est pas un devin, il n’en a ni les marmottements inintelligibles, ni les sentences rimées ». « C’est un fou », reprirent-ils. « Non, il n’est pas fou », reprit Walid, « il n’en a ni les délires, ni les excès furieux ». « Nous dirons alors que c’est un poète ». « Il n’est pas poète ; nous connaissons la poésie dans tous ses genres ». « C’est donc un sorcier », répondit l’assemblée. « Il n’a d’un sorcier, ni les incantations, ni les charmes », dit Walid. « Que dirons-nous alors ? », répliqua-t-on » « Rien de tout ce que nous dirons ne sera la vérité ; le plus convenable toutefois c’est de dire qu’il est sorcier ». Il ajouta : «C’est une magie qui mettrait la dissension entre le père et le fils, entre le mari et la femme, entre un homme et son ami». C’est au sujet de Walid que Dieu a révélé : « Laisse-moi par celui qui t’a créé », (LXXIV, 11 et suiv.) On raconte que ‘Otba vint une fois reprocher au Prophète – que le salut soit sur lui – les innovations qu’il introduisait dans le culte de ses pères. Le Prophète lui récita le chapitre qui commence : » Ha mim. Voici le livre « . Quand il arriva à ces mots, « une foudre vous avertit, une foudre telle que celle qui tomba sur ‘Ad et Thamoud » (XLI, 1-12), ‘Otba lui mit la main sur la bouche, et le supplia de se taire. Selon une autre version, le Prophète continua à lire, tandis que ‘Otba l’écoutait attentivement, les mains derrière le dos ; lorsqu’il fut arrivé à l’adoration, il se prosterna et ‘Otba se leva précipitamment, et retourna chez lui sans mot dire aux gens de sa tribu. Quand ils vinrent le voir, il s’excusa et leur dit : » Par Dieu, il m’a tenu un langage que mes oreilles n’avaient jamais entendu avant, et je ne su que répondre « .
Abou ‘Obeida raconte qu’un Arabe, ayant entendu lire ces mots : » Annonce ce qui a été ordonné, et éloigne-toi des idolâtres » (XV, 94), se prosterna disant : » Je me prosterne devant la pureté de ce langage « . Un arabe idolâtre ayant entendu un croyant réciter ces paroles du Coran : « Et quand ils eurent désespéré de lui, ils s’isolèrent pour délibérer sur leur salut » (XII, 80), s’écria » J’avoue qu’il n’est pas possible à l’homme de s’exprimer ainsi « .
Asma’i raconte qu’un jour il entendit une servante esclave de cinq à six ans qui s’exprimait avec une délicatesse de langage exquise et lui dit : « … O Dieu, que tu es éloquente ! » Elle lui répondit : « Est-ce que cela peut s’appeler éloquence après ces paroles du Très-Haut : » Et nous révélâmes à la mère de Moïse, en lui disant : Allaite-le, et si tu crains pour lui, jette-le dans la mer, et ne crains plus, ni ne t’afflige, car nous te le restituerons un jour, et nous en ferons un de nos envoyés » (XXVIII, 6), où, dans un seul verset ont été réunis deux ordres. deux défenses, l’exposition de deux faits et deux prophéties « .
Dans l’histoire de la conversion d’Abou-Dharr, on raconte que celui-ci parlant de son frère Anis dit : « Par Dieu, je n’ai jamais entendu un poète plus éloquent que mon frère Anis ; il a remporté la palme sur douze poètes des temps de l’ignorance, l’un des quels c’est moi ; Il se rendit à la Mecque, et quand il revint je lui demandai ce qu’on y disait (de Mohammad). Il me répondit : ‘Les uns disent que c’est un poète, d’autres que c’est un devin, d’autres que c’est un magicien puis il ajouta : j’ai entendu le langage des devins ; rien de ce qu’il dit ne lui ressemble ; j’ai scandé son langage sur les règles de la poésie, il ne s’y accorde point ; et aucun poète après moi ne saurait avoir le droit de dire que ce langage soit de la poésie ; certes, il est véridique dans ce qu’il dit, et eux sont des menteurs « .
On dit dans les deux Sahihs (de Bukhari et de Muslim) que Jobair ben Mot’am dit : « J’ai entendu une fois le Prophète réciter le Coran ; quand il arriva à ces mots, ‘ Ont-ils été créés sans rien, ou bien sont-ils créateurs eux-mêmes ? Ont-ils créé les c cieux et la terre ? Non, c’est plutôt qu’ils ne croient pas. Les trésors de ton Seigneur seraient-ils en leur puissance, ou bien sont-ils les dispensateurs suprêmes ? ‘ (52, 35-37), je fus saisi d’une violente émotion, mon cœur semblait vouloir s’envoler vers l’Islamisme ». On dit aussi qu’Ibn ulmoqaffa’ entreprit de composer un ouvrage semblable au Coran. Passant un jour dans la rue, il entendit un enfant qui lisait ces mots : » Et il fut dit : Ô terre, absorbe tes eaux ; Ô ciel, arrête ; et les eaux diminuèrent, et l’arrêt fut accompli » (XL, 64) ; il retourna chez lui effaça tout ce qu’il avait fait disant : » J’avoue que cela ne se peut imiter : ce n’est pas le langage d’un homme « . Yahya ben Hakam Le- Ghazali, l’un des plus éloquents écrivains de l’Andalousie, eut une fois, dit-on, la pensée de composer quelque chose qui pût rivaliser avec le Coran. Il commença à lire le chapitre de l’Unité de Dieu (CXII), pour se pénétrer du style qu’il voulait imiter : » Mais, dit-il, cette lecture m’inspira un sentiment de dévotion et de crainte qui me fit aussitôt repentir « .
Un Moitazélite, Nedham, dit que l’éloquence extraordinaire du Coran est un miracle par le fait de ce qu’on appelle sarf (privation), c’est-à-dire que les Arabes avant la mission du Prophète pouvaient s’exprimer dans un langage aussi pur et aussi élégant, mais qu’ils furent privés de cette faculté après la venue de Mohammed. Nedham reconnaît donc ce qu’il y a de miraculeux dans le style du Coran, mais sous cette réserve que les Arabes, avant la venue de Mohammad, auraient pu produire des œuvres aussi parfaites. Cette hypothèse ne peut être acceptée pour plusieurs raisons:
1°, Si les Arabes antéislamiques avaient eu une composition à opposer au Coran, ils n’auraient pas manqué de s’en prévaloir.
2°, Les Arabes admiraient dans le Coran la pureté, l’élégance et la force de l’expression, et non parce qu’il leur semblait impossible de lui rien opposer.
3°, Si Dieu avait voulu ôter aux Arabes la faculté de rien produire de semblable au Coran, il n’eût pas été nécessaire de s’élever à l’éloquence la plus sublime.
4°, Cette hypothèse est contraire aux paroles du Coran : « Dis : si les génies et les hommes se réunissaient pour produire quelque chose de semblable à ce Coran, ils ne le pourraient pas ; non, même s’ils s’aidaient les uns les autres » (XVII, 90). Si les Arabes avaient pu composer un seul verset d’une éloquence égale à celle du Coran, on ne pourrait plus dire que si les hommes et les génies réunissaient leurs efforts, il leur serait impossible de rien produire qui ressemblât à ce livre…