Abstract
L’admirable ordonnance qui règne partout dans le Coran, la pureté et l’élégance de son langage, la beauté de tous ses détails ont fait l’étonnement des Arabes et des penseurs qui se sont appliqués à étudier ce livre. Les contemporains les plus éminents du Prophète ne purent y trouver, malgré leur profonde connaissance de la langue arabe et leur hostilité contre l’Islam, rien à relever, rien à blâmer ; ils durent tous reconnaître qu’il ne ressemblait à rien de ce qui l’avait précédé ;
Tantôt ils disaient que le Prophète était sorcier…
tantôt qu’il reproduisait de vieilles traditions…
D’autres s’efforçaient d’empêcher leurs amis d’entendre réciter le Coran, de crainte que le charme de son style ne les séduisît…
Comment imaginer que les Arabes les plus éloquents, les plus hostiles à l’Islam, les plus attachés à l’ancien culte, n’aient jamais tenté de démasquer cette prétendue imposture en produisant une composition d’une éloquence égale à celle du Coran, au lieu d’exposer leur vie et leurs biens pour combattre la nouvelle religion ?
Rien de plus facile assurément, alors qu’on les provoquait par des versets comme ceux-ci : “Présentez un chapitre pareil à celui-ci, et appelez qui vous voudrez à votre secours, à l’exception de Dieu, si vous dîtes vrai. … Si vous doutez de ce que Nous avons révélé à notre serviteur, composez un chapitre pareil à celui-ci, et appelez vos témoins, si vous dîtes vrai. … Si vous ne le faites pas, et certainement vous ne le ferez jamais. (… Craignez le feu qu’alimenteront les hommes et les pierres. … Quand même les génies et les hommes se réuniraient pour produire quelque chose de semblable à ce Coran, ils ne le pourraient pas, non, même s’ils s’assistaient les uns les autres”.
S’ils croyaient que Mohammad s’était prévalu de l’assistance de quelqu’un, pourquoi ne se sont-ils pas aussi fait aider ?
Pourquoi ont-ils préféré la lutte à la discussion, le combat à une pacifique controverse ?
C’est sans doute parce qu’ils étaient convaincus de l’excellence du Coran, et qu’ils reconnaissaient ne pouvoir rien opposer qui pût le contre balancer.
Quelques récits
Vont suivre quelques récits rapportant la manière donc les plus grands connaisseurs de la langue arabe se sont retrouvés émerveillés et impuissants devant le caractère divin du coran :
1- On dit que lorsque Walid, fils de Maghera, entendit le Prophète – que le salut soit sur lui ! – réciter ces paroles du Coran : “Dieu veut la justice et le bien, et la libéralité envers les parents ; il défend la turpitude et l’iniquité et l’injustice, il vous avertit, peut-être réfléchirez-vous” (XVI, 90) ; il s’écria : “Par Dieu, que cela est doux à entendre, que c’est élégant… Certes ce n’est pas un homme qui a écrit cela”.
2- On raconte que Walid, ayant entendu lire le Coran en fut très touché. Abou Jehl, qui était son neveu, lui reprocha son attendrissement, sur quoi Walid répondit : “Aucun de vous ne connaît la poésie arabe mieux que moi ; cependant je n’ai jamais rien vu de semblable”.
3- On dit aussi qu’à l’approche de l’époque du pèlerinage, Walid assembla les Koraïchites et leur dit : “Les députations des différentes tribus vont arriver ; mettons-nous d’accord sur ce que nous dirons de cet homme (Mahasmed) de manière à ne pas nous contredire les uns les autres. “C’est un devin”, dirent-ils ; “Par Dieu”, dit Walid, “ce n’est pas un devin, il n’en a ni les marmottements inintelligibles, ni les sentences rimées”. “C’est un fou”, reprirent-ils. “Non, il n’est pas fou”, reprit Walid, “il n’en a ni les délires, ni les accès furieux”. “Nous dirons alors que c’est un poète”. “Il n’est pas poète ; nous connaissons la poésie dans tous ses genres”. “C’est donc un sorcier”, répondit l’assemblée. “Il n’a d’un sorcier, ni les incantations, ni les charmes”, dit Walid. “Que dirons-nous alors ?”, répliqua-t-on” “Rien de tout ce que nous dirons ne sera la vérité ; le plus convenable toutefois c’est de dire qu’il est sorcier”. Il ajouta : “C’est une magie qui mettrait la dissension entre le père et le fils, entre le mari et la femme, entre un homme et son ami”. C’est au sujet de Walid que Dieu a révélé : “Laisse-moi par celui qui t’a créé”, (LXXIV, 11 et suiv.)
4- On raconte que ‘Otba vint une fois reprocher au Prophète – que le salut soit sur lui – les innovations qu’il introduisait dans le culte de ses pères. Le Prophète lui récita le chapitre qui commence : “Ha mim. Voici le livre”. Quand il arriva à ces mots, “une foudre vous avertit, une foudre telle que celle qui tomba sur ‘Ad et Thamoud” (XLI, 1-12), ‘Otba lui mit la main sur la bouche, et le supplia de se taire. Selon une autre version, le Prophète continua à lire, tandis que ‘Otba l’écoutait attentivement, les mains derrière le dos ; lorsqu’il fut arrivé à l’adoration, il se prosterna et ‘Otba se leva précipitamment, et retourna chez lui sans mot dire aux gens de sa tribu. Quand ils vinrent le voir, il s’excusa et leur dit : “Par Dieu, il m’a tenu un langage que mes oreilles n’avaient jamais entendu avant, et je ne sus que répondre”.
5- Abou ‘Obeïda raconte qu’un Arabe, ayant entendu lire ces mots : “Annonce ce qui a été ordonné, et éloigne-toi des idolâtres” (XV, 94), se prosterna disant : “Je me prosterne devant la pureté de ce langage”.
6- Un Arabe idolâtre ayant entendu un croyant réciter ces paroles du Coran : “Et quand ils eurent désespéré de lui, ils s’isolèrent pour délibérer sur leur salut” (XII, 80), s’écria “J’avoue qu’il n’est pas possible à l’homme de s’exprimer ainsi”.
7- Asma’i raconte qu’un jour il entendit une servante esclave de cinq à six ans qui s’exprimait avec une délicatesse de langage exquise et lui dit : “… O Dieu, que tu es éloquente !” Elle lui répondit : “Est-ce que cela peut s’appeler éloquence après ces paroles du Très-Haut : ‘Et nous révélâmes à la mère de Moïse, en lui disant : Allaite-le, et si tu crains pour lui, jette-le dans la mer, et ne crains plus, ni ne t’afflige, car nous te le restituerons un jour, et nous en ferons un de nos envoyés’ (XXVIII, 6), où, dans un seul verset ont été réunis deux ordres, deux défenses, l’exposition de deux faits et deux prophéties”.
8- Dans l’histoire de la conversion d’Abou-Dharr, on raconte que celui-ci parlant de son frère Anis dit : “Par Dieu, je n’ai jamais entendu un poète plus éloquent que mon frère Anis ; il a remporté la palme sur douze poètes des temps de l’ignorance, l’un des quels c’est moi ; il se rendit à la Mecque, et quand il revint je lui demandai ce qu’on y disait (de Mohammad), il me répondit ‘Les uns disent que c’est un poète, d’autres que c’est un devin, d’autres que c’est un magicien puis il ajouta : ‘J’ai entendu le langage des devins ; rien de ce qu’il dit ne lui ressemble ; j’ai scandé son langage sur les règles de la poésie, il ne s’y accorde point ; et aucun poète après moi ne saurait avoir le droit de dire que ce langage soit de la poésie ; certes, il est véridique dans ce qu’il dit, et eux sont des menteurs’”.
9- On dit dans les deux Sahihs (de Bukhari et de Muslem) que Jobaïr ben Mot’am dit : “J’ai entendu une fois le Prophète réciter le Coran ; quand il arriva à ces mots, ‘Ont-ils été créés sans rien, ou bien sont-ils créateurs eux-mêmes ? Ont-ils créé les deux et la terre ? Non, c’est plutôt qu’ils ne croient pas. Les trésors de ton Seigneur seraient-ils en leur puissance, ou bien sont-ils les dispensateurs suprêmes ?’ (LUI, 35-37), je fus saisi d’un la violente émotion, mon cœur semblait vouloir s’envoler vers l’Islam”.
10- On dit aussi qu’Ibn-Ulmoqamma’ entreprit de composer un ouvrage semblable au Coran. Passant un jour dans la rue, il entendit un enfant qui lisait ces mots : “Et il fut dit : O terre, absorbe tes eaux ; ô ciel, arrête ; et les eaux diminuèrent, et l’arrêt fut accompli” (XL, 46) ; il retourna chez lui, effaça tout ce qu’il avait fait disant : “J’avoue que cela ne se peut imiter : ce n’est pas le langage d’un homme”.
11- Yahya ben Hakam El-Ghazali, l’un des plus éloquents écrivains de l’Andalousie, eut une fois, dit-on, la pensée de composer quelque chose qui pût rivaliser avec le Coran. Il commença à lire le chapitre de l’Unité de Dieu (CXII), pour se pénétrer du style qu’il voulait imiter : “Mais”, dit-il, “cette lecture m’inspira un sentiment de dévotion et de crainte qui me fit aussitôt repentir”.