Abstract
LE RÉCIT DE MÛSÂ (paix sur lui)
Sayyid Muhammad Bâqir al-Hakîm
Nous analyserons le récit de Mûsâ (paix sur lui) en trois parties:
1 – En fonction de ses emplacements dans le Livre Saint. En effet,
l’histoire de Mûsâ figure à plusieurs endroits différents, dans des
passages plus ou moins longs.
Plusieurs dimensions seront prises en considération :
a – les raisons des la réitération du récit.
b – La cause pour laquelle ce récit figure en tel ou tel endroit.
c – Les secrets de la disparité du style dans l’exposition et le contenu.
d – La liaison entre l’évocation du récit et le contexte coranique.
2 – L’exposé des informations et des événements mentionnés dans les
différents emplacements, selon leur enchaînement historique présenté
dans le Livre Divin, de façon à élaborer une vision du déroulement
même du récit .
3 – Analyse du récit même :
a – en entreprenant un découpage en étapes historiques et la présentation
des caractéristiques qui distinguent chacune d’elles.
b – en indiquant les concepts et les idées avancés par le récit dans son
ensemble.
Après avoir traité les caractéristiques spécifiques du récit coranique, une étude d’application s’impose en adaptant les idées et des informations relevées auparavant.
Un seul exemple sera traité, celui du récit de Mûsâ, qui fut le plus évoqué dans le Livre saint. Il constitue de plus l’échantillon type pour une étude d’application détaillée permettant d’inclure tous les autres récits prophétiques.
L’histoire de Mûsâ selon son emplacement dans le Coran
Dix-neuf endroits du saint Coran récapitulent l’histoire de ce messager, que ce soit en détail ou en abrégé. D’autres positions y font allusion aussi, mais notre étude portera surtout sur les premiers.
1 – Le récit figure dans la sourate Al-Baqara :
Et lorsque Nous vous avons délivrés des gens de Pharaon, qui vous infligeaient le pire châtiment: en égorgeant vos fils et épargnant vos femmes. C’était là une grande épreuve de la part de votre Seigneur…{ al-Baqara, 49-74). Nous pouvons en déduire plusieurs remarques :
a) ces versets surviennent après les mots suivants «Ô enfants
d’Israël, rappelez-vous Mon bienfait dont Je vous ai comblés. Si vous
tenez vos engagements vis-â-vis de Moi, je Tiendrai les Miens. Et
c’est Moi que vous devez redouter… »(al-Baqara, 40-48) qui énoncent
un ensemble de conseils, de directives, de faits, voire même des
blâmes adressés à la société israélite.
b) Ce passage rappelle les faveurs divines qui lui furent octroyées.
Les fils d’Israël furent particulièrement favorisés par rapport aux autres
peuples. Or, ces dons divins furent toujours accueillis par cette
communauté par un détournement de la foi et des rites d’adoration
qu’elle imposait.
c) En conclusion de ce passage, le Livre saint s’approfondit sur le
comportement effectif des Israélites, hostile au message islamique,
en le reliant à leurs attitudes antérieures. Dieu demande aux
Musulmans : «Eh bien, espérez-vous que de pareils gens vous
partageront lafoi ? alors qu’un groupe d’entre eux, après avoir entendu
et compris la parole d’Allah, la falsifièrent sciemment…» (al-Baqara,
75-122).
D’après ces trois remarques, nous constatons que ce passage s’est fixé un double objectif : celui de rappeler aux fils d’lsraël les faveurs divines dont ils jouirent, pour en tirer les enseignements concemant leur comportement véritable. Le deuxième consiste à dévoiler les
les spécificités sociales et psychologiques qui caractérisent la communauté israélite, pour mieux expliquer aux Musulmans les raisons réelles de son hostilité à l’Islam. En effet, le Coran l’attribue à leur subjectivité, engendrée par leurs caractéristiques spirituelles et sociales, qu’il explique en détail, rejetant donc la possibilité de toute objectivité de leur part. L’objectif coranique a exigé “un style” précis dans ce passage : seuls les faits qui lui correspondent sont relatés. Les autres détails concernant les épisodes traversés par Mûsâ avec Pharaon ou avec les Israélites eux mêmes sont négligés.
2 – Dans la sourate An-Nisâ’, un autre passage commence ainsi: «Les gens du Livre te demande de leur faire descendre du ciel un Livre. Ils ont déjà demandé à Mûsâ quelque chose de bien plus grave quand ils dirent: “Fais-nous voir Dieu en face” Alors la foudre les frappa pour leur tort…»(An-Nisâ’, 153-161). Nous remarquons que :
a) ces versets figurent dans le contexte d’une revue générale des
comportements de trois catégories d’adversaires à la foi musulmane :
les hypocrites, les juifs et les chrétiens.
L’attitude des premiers fut rapportée par les paroles divines suivantes :
«Annonce aux hypocrites qu’ily a pour eux un châtiment douloureux» (an-Nisâ”, 138)
Celle des seconds «Ceux qui ne croient pas en Allah et Ses messagers, et qui veulent faire distinction entre Allah et Ses messagers…» (an-Nisâ’, 150)
et celle des derniers par «Ô gens du Livre, n’exagérez pas dans votre religion et ne dites d’Allah que la vérité. Le Messie Jésus, fils de Marie n’est qu’un prophète de Dieu,…» (an-Nisa, 171 )
b) Ce passage aborde des événements en rapport avec la prophétie
de Mûsâ, et les engagements conclus avec les Juifs afin qu’ils obéissent
à Dieu et se soumettent à Lui. II rapporte aussi les entorses qu’ils
commirent en déformant la doctrine et ses pratiques. A partir de ces deux remarques, nous déduisons que le Coran aspire là aussi à réaliser un objectif double, celui d’élucider deux vérités sociales et deux lois incidentes sur l’action humaine dans l’histoire.
La première consiste à rappeler les gens du Livre vers la foi, pour leur permettre de réaliser grâce à la religion et à la loi islamiques, leurs desseins authentiques dans ce monde ici-bas et dans l’au-delà ; le Coran les invite donc à adopter une attitude distincte de celle du peuple de Mûsâ, qui avait alors refusé la propositon d’entrer en Terre sainte, quoiqu’elle réponde à leur aspiration. II leur offre donc une nouvelle occasion, celle de se convertir à l’Islam, pour se délivrer de l’égarement intellectuel, dogmatique et social dans lequel ils ont antérieurement sombré. Par conséquent, la concrétisation de ces fins suprêmes et de ces aspirations ainsi que la réalisation de la société parfaite ne peuvent s’effectuer qu’en suivant la voie de la croyance et de la vérité, tout en s’écartant du chauvinisme, de l’attachement aveugle aux habitudes et de la soumission aux passions et aux désirs.
De plus, le Livre divin démontre que la victoire nécessite une volonté humaine ferme et un grand courage, qui permettraient de maîtriser la peur qui peut ronger la communauté. Quoique la présence d’une autorité raisonnable et d’un message approprié constituent des facteurs influents sur la victoire divine, elle demeure néanmoins insuffisante sans une volonté rigoureuse émanant de la communauté même. Ce qui explique la raison pour laquelle le Coran s’est contenté d’évoquer le comportement du peuple d’Israël, si influent pour la réalisation de cet objectif. Notons que cet épisode de l’histoire de Mûsâ n’est traité nulle part ailleurs dans le Coran.
3 – Dans la sourate al-A’râf, le passage débute par ces propos: «Puis après, Nous avons envoyé Mûsâ avec Nos miracles vers Pharaon et ses notables. Mais ils se montrêrent injustes envers Nos signes. Considère donc quelle fut la fin des coirrupteurs» (Al-A’râf, 103-171).
Le recit de Müsä
Nous pouvons relever plusieurs constatations :
a) Ce récit figure au sein d’une narration concernant plusieurs
prophètes dont Nûh (59-64), Hûd (65-72), Sâlih (73-79), Lût (80-84)
et Shu’ayb (85-93) et dans laquelle sont rappelées les formules
prononcées par les prophètes au cours de leur appel à la foi, les
démentis forgés par leurs adversaires et le châtiment infligé aux
incrédules.
b) Cet épisode de l’histoire fîgure dans le contexte coranique se
rapportant au jour de la résurrection de toutes les créatures, qu’ils
soient humains ou djinns. Cette scène apocalyptique montre certains
en état de conflit et d’autres en réconciliation.
«11 dit: “Entrez dans le Feu, parmi les djinns et les hommes des communautés qui vous ont précédés “. Chaque fois qu’une communauté entrera, elle maudira celle qui l’a précédée….» (Al-A’râf, 38, 42-43).
D’autres scènes relatent certains aspects de la relation qui règne parmi les hommes et certifient sa concordance avec l’avertissement annoncé antérieurement par les envoyés de Dieu.
Ce passage mentionne aussi certaines vérités cosmiques et historiques.
c) II est aussi imprégné du contexte des lois historiques en rapport
avec l’endurance et l’épreuve, rattachant le changement universel dans
l’existence humaine aux changements sociaux du comportement
individuel :
«Nous n ‘avons envoyé aucun prophète dans une cité sans que Nous n’ayons pris ses habitants ensuite par l’adversité et la détresse afin qu’ils implorent (le pardon). Puis Nous avons changé leur mauvaise condition en y substituant le bien, au point qu’ayant grandi en nombre et en richesse, ils dirent: “la détresse et l’aisance ont touché nos ancêtres aussi. ” Eh bien, Nous les avons saisis soudain, sans qu’ils s’en rendent compte…» (Al-A’râf, 94-101).
Les détails rapportés par ce passage se limitent aux faits survenus lors du conflit avec Pharaon et son peuple d’abord puis avec les fils d’Israël eux-mêmes, dans un contexte qui confirme le châtiment et la souffrance qui seront infligés aussi bien aux incrédules qu’aux corrompus.
c) Tout en rapportant certains faits, ce passage présente des concepts islamiques généraux et quelques autres préceptes, comme l’importance de la patience sur la voie de la foi (128-129), l’héritage de la terre accordé aux pieux, la miséricorde divine octroyée uniquement à ceux qui craignent-le Créateur, qui offrent l’aumône aux pauvres, qui croient en la parole divine et qui suivent la voie du dernier messager, annoncé par la Thora et l’Evangile (156-157).
Selon ces remarques, nous pouvons déduire que le récit du prophète Mûsâ s’accorde avec le contexte général de la sourate et réalise ses buts, parmi lesquels il s’agit de :
– démontrer la concrétisation des lois historiques par le récit de
Mûsâ dont les détails évoquent les modifications sociales et universelles
provoquées par la loi de l’épreuve.
En effet, ayant vécu dans l’opulence et joui de ses plaisirs, Pharaon et ses partisans seront mis â l’épreuve. Ils refutèrent le message de Mûsâ et subirent disettes et pénuries en guise de châtiment. Quant au peuple d’Israël, qui fut longtemps opprimé et expulsé, il se verra accorder l’héritage de la terre, entraînant certains bouleversements politiques et sociaux.
– consolider les concepts islamiques en révélant leur lien avec les
réalités sociales. Ceci permet de les élucider au mieux, de les rapporter
à la réalité de l’existence humaine, et de servir ses visées pédagogiques.
– relier directement les objectifs généraux du récit à ceux du
Coran qui vise principalement à transformer ceux à qui il s’adresse,
en certifiant la prophétie de Muhammad. Le récit fut relaté avec tous
ces détails afin de démontrer le lien qui unit les messages divins
précédents au dernier des messages. En effet, tous les concepts, lois
et objectifs visés par ces messages se réaliseront en suivant la voie de
l’Islam.
«Ceux qui suivent le Messager, le Prophète illettré qu’ils trouvent mentionné chez eux dans la Thora et l’Evangile. 11 leur ordonne le convenable, leur défend le blâmable, leur rend licites les bonnes choses, leur interdit les mauvaises…» (Al-A’râf, 157).
5 – Dans la sourate Yûnus, le passage commence par : «Ensuite, Nous envoyâmes après eux Mûsâ et Hârûn, munis de Nospreuves ,à Pharaon et ses notables…» (75-92)
Plusieurs observations concernent ce passage :
a) II intervient après une comparaison entre le destin des adeptes
de la vérité divine, les vertueux qui croient en Dieu et en Ses envoyés,
et celui des partisans du faux qui renient le Créateur ainsi que ces
apôtres : «En vérité, les bien-aimés d’Allah seront à l’abri de toute
crainte, et ils ne seront point affligés, ceux qui croient et craignent
[Allah]» (Yûnus, 62-63).
«Dis : “En vérité, ceux qui forgent le mensonge contre Allah ne réussiront pas”. C’est une jouissance dans la vie d’ici-bas ; puis ils retourneront vers Nous et Nous leur ferons goûter au dur châtiment, à titre de sanction pour leur mécréance» (Yûnus, 69-70).
b) II figure aussi après un court aperçu sur Nûh et son peuple
(71-73) suivi d’un autre plus général sur les prophètes qui lui
succédèrent et sur l’attitude de leurs peuples à leur égard.
c) Ce passage ne détaille que le comportement de Pharaon ni de
ses partisans envers Mûsâ mais rappelle le destin qui leur fut réservé
pour avoir refuté et démenti l’appel divin. II mentionne aussi que
ceux qui embrassèrent la foi ne constituaient qu’une catégorie
minoritaire, comme le cite le verset suivant: «Personne ne crut en
Moïse, sauf un groupe de jeunes gens de son peuple, par peur de
représailles de Pharaon et de leurs notables» ( Yûnus, 83).
Les versets coraniques n’omettent pas de rappeler le dénouement favorables envers les Fils d’Israël, après leur longue endurance dans la société pharaonite. A partir de ces observations, nous pouvons affirmer que le récit de Mûsâ figurant dans cette sourate s’est fixé un double objectif, celui de confirmer une vérité élaborée par le Coran, en comparant ceux qui ont la foi et ceux qui la renient, cette vérité étant une loi historique et une promesse divine qui proclame la victoire du Vrai contre le faux. De plus, il confirme ce que Dieu avait annoncé aux pieux et ce dont II avait averti les incrédules. Ce double objectif se rapporte aussi bien au message qu’à l’histoire.
Le contexte général impose de mentionner cet épisode du récit de Mûsâ qui correspond le mieux, car il explicite le partage de la société en deux factions, l’une pieuse et obéissante, et l’autre incrédule et désobéissante. Dans les récits des autres prophètes, tels que Hûd, Sâlih, Shu’ayb cette distinction n’est pas évidente. Les disciples de ces derniers étaient si minoritaires que le châtiment divin s’est abattu sur leurs communautés toutes entières. L’évocation du récit de Nûh, qui comprend de nombreuses injonctions, avec celui des autres prophètes, rappelle que son peuple fut le premier à subir le supplice divin, tandis que celui de Mûsâ fut le dernier. Or, la texture du récit dans cette sourate se limite à rapporter le cours des événements dans lequel le peuple d’Israël semblait encore être engagé dans la voie de la foi, reportant à d’autres sourates, telles que Al-A’râf, Tâha et al-Qisas, l’étape ultérieure marquée par leur désobéissance.
L’évocation de cet engagement cherche à confirmer l’exactitude de cette comparaison dans l’histoire humaine, et qui s’imposait dans les conflits traversés par les envoyés de Dieu. L’énoncé du récit tel qu’il fut congu dans cette sourate réalise une fin qui aurait été inaccessible si toute l’histoire avait été rapportée.
6 – Dans la sourate Hûd :
«Et Nous avons envoyé Mûsâ, avec Nos miracles et une autorité inconnestable…» (Hûd, 96-99).
Ce passage permet de constater ce qui suit:
a) II se situe à la suite d’une revue narrative générale, avec plus ou moins de détails, concernant Nûh (25-49), Sâlih (50-60), Hûd (61-68), Ibrâhîm (69-76), Lût (77-89) et Shu’ayb (84-95). Elle se termine par un court aperçu sur l’histoire de Mûsâ.
Cette revue générale rappelle l’histoire de ceux qui démentirent la prophétie de Muhammad ainsi que le pouvoir divin, doutant de la position divine du messager d’Allah et se moquant du destin qu’il leur prévoyait dans le monde ici-bas et dans l’au-delà : «Que la malédiction d’Allah frappe les injustes qui obstruent le sentier d’Allah, cherchenî â le rendre tortueux et ne croientpas en l’au-delâ…» (Hûd 18-22).
Le destin des croyants fut aussi mentionné dans cette partie qui leur annonce la postérité au paradis et les distingue des autres hommes.
Le rappel des récits prophétiques se termine par la mise en valeur de l’objectif: « Cela fait partie des récits que Nous te racontons concernant des cités : les unes sont encore debout, tandis que d’autres sontrasées…» (Hûd, 100-102).
Ce passage rapporte un aperfu plutôt rapide sur l’histoire et son dénouement, contrairement aux autres qui furent plus détaillés. Son dessein se limite à dévoiler et à élucider une nécessité historique inéluctable concernant la fin atroce des injustes et des corrompus. Le Coran rappelle à plusieurs reprises que croyants et mécréants ne jouissent point des statuts égaux, en confirmant la capacité du pouvoir divin à exécuter sa justice dans les deux mondes.
Cette loi historique présentée dans ce récit, qui commence par l’histoire de Nûh et se termine par celle de Mûsâ, sert à montrer la similitude des moyens utilisés par les prophètes dans l’appel à la foi. Ils consacrèrent d’importants efforts pour livrer les preuves divines à leurs communautés mais ils furent tous repoussés par des communautés qui dûrent subir, finalement, toutes sortes de châtiments pour les avoir démentis.
L’évocation des prophètes antérieurs à Mûsâ paraît bien circoncise, car le tourment fut infligé à leurs communautés, intégralement, alors
que dans son histoire, seul Pharaon et ses partisans subirent le châtiment. Le peuple d’Israël encore croyant et pieux en fut exempté. Le procédé suivi dans cette sourate diffère de celui de Yûnus : l’objectif est diffèrent dans chacun de ces deux emplacements.
7 – La sourate Ibrâhîm :
«Nous avons certes envoyé Mûsâ avec Nos miracles : “Fais sortir ton peuple des ténèbres vers la lumière, et rappelle-leur les jours d’Allah “…» (Ibrâhîm 5-8).
On constate que ce passage vient après le verset: «Et Nous n’avons envoyé de messager qu’avec la langue de son peuple, afin de les éclairer. Allah égare qui II veut et guide qui II veut. Et c’est Lui le Tout-Puissant» (Ibrâhîm, 4).
II précède un passage qui relate diffèrents concepts généraux traités par les envoyés de Dieu, ainsi que les moyens utilisés dans la réalisation des desseins apostoliques, mais sans aucune allusion aux autres prophètes.
b) La narration du récit fut très concise. Le passage s’est axé sur le mal général dont souffraient les Israélites, sur la faveur divine qui leur fut accordée et sur la nécessité de rendre grâce à Dieu, quoique l’incrédulité ne puisse lui porter atteinte. Ce passage vise donc à prouver l’authenticité de la vérité mentionnée dans le Coran dans le verset précédent: l’envoi d’un messager parlant le même langage que celui de sa communauté. Le mot langage pourrait signifier la langue en tant que moyen d’expression, ou le consensus politique, social et humain qui suscite l’intérêt et les émotions de cette communauté. D’où la nécessité de s’y référer pour polariser l’intérêt à l’égard de l’appel divin et de ses valeurs spirituelles et sociales. D’ailleurs, l’histoire de ce prophète reflète clairement cette vérité, car il a voulu secourir son peuple des malheurs qui s’étaient abattus sur lui.
Comme le but réel de l’envoi des messagers fut de guider et de conseiller les humains, le Livre divin a rattaché à ce récit les concepts.
généraux proposés qui constituent le noyau de leur fonction, quels que soient les moyens utilisés.
8 – La sourate Al-Isrâ’ :
«Et certes, Nous donnâmes à Mûsâ neuf miracles évidents. Demande donc aux enfants d’Israël, lorsqu’il leur vint et que Pharaon leur dit: “O Mûsâ, je pense que tu es ensorcelé”…» (Al-Isrâ’ 101-104). A sa lecture, Nous pouvons remarquer ce qui suit:
a) le passage précède une liste de revendications formulées au prophète Muhammad par les mécréants et les polythéistes d’Arabie qui refusèrent de se contenter du Coran, comme preuve de la prophétie et de son miracle.
«Et certes, Nous avons déployé pour les gens, dans ce Coran, toutes sortes d’exemples. Mais la plupart des gens s’obstinent à être mécréants…» (Al-Isrâ’, 89-92). Le Livre sacré discute ces demandes et affïrme que l’incrédulité de ceux qui les proposèrent est due à une impasse psychologique, exprimée par l’égo : «Et rien n’empêcha les gens de croire, quand le guide leur est parvenu, si ce n’est qu’ils disaient: “Allah envoie-t-Il un être humain messager ? “» (al-Isrâ’, 94).
Or, le messager est d’abord un être humain et nullement un ange, car il s’adresse aux habitants de la terre qui sont des humains.
c) Le Coran conclut le récit en affirmant la spécificité de ce Livre divin : «Et c’est en toute vérité que Nous l’avons fait descendre, et avec la vérité il est descendu, et Nous ne t’avons envoyé qu’en annonciateur et avertisseur» (Al-Isrâ’, 105).
Ce passage n’aborde de toute l’histoire de Mûsâ que les neuf miracles réalisés par lui et qui furent démentis par Pharaon.
La récapitulation des caractéristiques de ce passage permet de déduire que le récit de Mûsâ tel qu’il est énoncé témoigne d’une vérité évoquée dans le Coran : les revendications des incrédules ne découlent pas d’un souci d’objectivité chez eux, ou de leur volonté de s’assurer
de l’authenticité du message coranique ou de la prophétie de Muhammad. II s’agirait plutôt d’un prétexte qu’ils emploient afm de persévérer dans leur égarement. Leurs demandes sont loin d’être raisonnables. Selon le contexte de cette histoire, elles s’avèrent être inutiles : malgré les neuf miracles de Mûsâ, dont furent témoins Pharaon et son peuple, la position de celui-ci ne s’ébranla point. Ils les démentirent tous, en raison justement de cet obstacle psychologique.
L’histoire de Mûsâ, qui est l’unique prophète envoyé avec neuf miracles, a pour but d’illustrer cette vérité. La répétition tend à fixer deux concepts : les revendications des mécréants ne découlent pas d’une attitude psychologique qui les amènerait à douter du message pour mieux s’assurer de son authenticité. Dorénavant, seul le Coran devrait suffire à leur fournir les arguments convaincants.
Le destin de tous ceux qui démentent le message sera semblable à celui de Pharaon et de ses partisans. Quant aux disciples du prophète, ils obtiendront, à l’instar des fils d’Israël, l’héritage de la terre.
Traduction par Layla Mazboudî